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«Frédéric BISCHOFF, son roman «Corpus X», la démocratie, entre liberté et possible basculement dans un régime autoritaire, une démocratie «illibérale»» par Amadou Bal BA - http://baamadou.over-blog.fr/
Le roman de Frédéric BISCHOFF, «Corpus X» ne peut pas mieux tomber ; l’idée défendue est que la démocratie, même dans les pays occidentaux, un bien précieux, mais reste tout même fragile et peut être remise en cause. Bien que «Corpus X» de Frédéric BISCHOFF soit une création romanesque, c’est une fiction, de nos jours proche de la réalité. A la veille des élections présentielles, d’une part, les forces du Chaos sont unies et requinquées parfois par une certaine presse complaisante, et d’autre part, la Gauche, sans une Primaire populaire, reste divisée, et peut disparaître du paysage politique. Par conséquent, comme en 1936, les adversaires de la République, sont aux portes du pouvoir.
Finalement, Frédéric BISCHOFF, à travers son roman, «Corpus X», attire l’attention de chacun d’entre nous que la démocratie, un bien précieux, n’est jamais acquise, de façon irréversible. C’est un combat de chaque instant. Plusieurs dans l’histoire de l’humanité, cette précieuse conquête a été gravement menacée. Frédéric BISCHOFF remonte aux temps anciens mettant l’égalité et la liberté au-dessus de tout, mais au bout d’un certain temps, on finit par s’en lasser «l’usage et l’habitude en firent perdre le goût et l’estime» cite-il Polybe dans son «Histoire générale». Déjà, le 6 février 1934, des ligues factieuses, dont «l’Action française», avaient failli renverser la République. Tous les chefs d’Etat français, Charles de GAULLE (1890-1970), Georges POMPIDOU (1911-1974) et François MITTERRAND (1916-1996), frappés par une grande cécité, avaient refusé de condamner le régime de Vichy, collaborationniste. Seul le président Jacques CHIRAC avait eu le courage et l’honneur de fustiger cette étrange défaite de la République. Depuis la Révolution, la République ne s’est imposée contre la Monarchie, qu’après une longue lutte, loin encore d’être achevée. En effet, depuis Arthur de GOBINEAU (1816-1882) avec sur livre sur «l’inégalité des races», jusqu’à la famille LE PEN en passant par Eric ZEMMOUR, deux France sont en compétition : la Républicaine et la conservatrice. Cette lutte sournoise, larvée, maintenant devenue violente, se manifeste par le refus d’assumer le passé colonialiste et esclavagiste de ce pays, notamment par la célébration de Napoléon et la glorification de Jean-Baptiste COLBERT (1619-1683). Aux Etats-Unis, la démocratie américaine avait failli péricliter avec putsch avorté, du 6 janvier 2021, de Donald TRUMP.
«Corpus X» relate un enchainement de circonstances plausibles favorisant l’avènement d’un régime autoritaire, une «démocratie illibérale», en France, dans un avenir proche. Il s’agit d’une création littéraire, une fiction, mais non éloignée de la réalité que nous vivons. Dans ce roman, la forme du récit choisi est d’une compilation de textes, inspirés notamment de l’actualité (articles de presse, courriers personnels et professionnels, retranscriptions d’interviews, publicités), favorisant aussi une lecture fluide et rythmée, à la manière d’un «fil d’actualité». Le lecteur se forme peu à peu un point de vue «impressionniste» du sujet, par juxtaposition progressive d’éléments nouveaux qui décrivent tour à tour des faits politiques de notre temps (nouvelles technologies avec la vidéo-surveillance, la reconnaissance faciale, émergence de mouvements antisystème, collecte et croisement d’informations, déserts médicaux, l’entre-soi à travers de cités Etats, les drones avec télétransmission d’images, une application sur le portable de chacun etc.). Frédéric BISCHOFF suggère progressivement, risque de confiscation progressive des libertés individuelles par diverses manipulations politiciennes. Face à un besoin croissant d’une partie de la population de sécurité, Frédéric BISCHOFF soulève, dans son roman, «Corpus X» cette redoutable «Le contrôle des populations peut-il protéger leur liberté ou bien la menace-t-il ? ». Un des personnages emblématique, du roman, une femme, Mme Elisabeth DA SILVA, incarne cette obsession sécuritaire «Le respect de l’ordre inclut le respect de l’ordre démocratique et républicain. (..) Si notre politique réduit drastiquement les troubles et met les citoyens à l’abri des attentats, des émeutes et des maladies, tout en préservant, sans transiger, nos institutions démocratiques et républicaines, ils y auront gagné la vraie liberté» dit-elle. Il est bien question, dans ce roman, une application proposée aux citoyens d’accéder à différents services, mais qui permettra à la fois «d’identifier, de suivre, sans doute d’intercepter des individus susceptibles de troubler l’ordre public» écrit Frédéric BISCHOFF.
Une intrigue se met graduellement en place au fil du livre : En préambule, une «présentation» du Corpus, rédigée par l’éditeur au moment de sa parution dans une dizaine d’années, explique que le texte lui est parvenu clandestinement à l’étranger. Celui qui a constitué le Corpus au fil des ans reste inconnu, mais on comprend qu’il a lui-même joué un rôle dans l’enchaînement des événements qui sont relatés. Ce recueil est son témoignage. A mesure que le lecteur progresse dans sa lecture, le contexte politique se tend et l’intrigue occupe une part croissante jusqu’au dénouement final.
Il s’agit donc d’un texte hybride. Une fiction, certainement, mais pas exactement un roman. Son ambition est autant politique que littéraire, et le choix d’une forme dystopique a pour objectif de proposer un débat sur des sujets de fond par le biais d’une lecture qui resterait accessible.
Qui est donc Frédéric BISCHOFF ?
Frédéric BISCHOFF, riche de parcours professionnel, conjugué divers engagements politiques et sociaux avec des responsabilités importantes en entreprise, a vécu à l’étranger et beaucoup voyagé. Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, ancien cadre de grands groupes industriels, cofondateur d’une association d’aide aux familles en difficulté, notamment les migrants, et ancien membre du Réseau éducatif sans frontières, Frédéric BISCHOFF, est animé, manifestement par une ambition littéraire et de création artistique. Je me consacre depuis quelques années à l’écriture et à des activités de création.
Un des premiers ouvrages, en 2005, de Frédéric BISCHOFF porte le titre «Caverne et compagnie : roman de vulgarisation comptable et financière ». Pour lui, la comptabilité est «une discipline amusante et simple» et invite le lecteur, avec des notions simples et de bon sens, à se familiariser avec cette discipline, réputée être rébarbative.
En 2012 c’est sous le pseudonyme de Samuel MARCKETT, que Frédéric a publié un autre ouvrage «En attendant le Week-end». C’est sous un angle humoristique que Frédéric BISCHOFF aborde le monde de l’entreprise qui lui est familier, sous l’angle du «Business Plan», un ensemble de documents financiers construits à l’envers, en partant du résultat souhaité, en vue de légitimer une décision prise à l’avance. Tout est dans la mise en scène.
C’est dans son livre, «La Démocratie, et après ?», en 2019, que Frédéric BISCHOFF avait déjà examine les causes de la crise de la démocratie, la désaffection des populations à l’égard de la classe politique, et donc les menaces d’une résurgence du populisme. Les citoyens deviennent des individus et se désintéressent de la chose publique «L’un des éléments frappants est de constater que ce sont les électeurs eux-mêmes qui expriment un sentiment de rejet, jusqu’à parfois remettre librement le pouvoir à des régimes autoritaires» écrit Frédéric BISCHOFF. Il pointe aussi du doigt les changements intervenus dans les sociétés occidentales, amplifiés par la révolution du numérique. Devant ces faiblesses, les adversaires de la démocratie, dans leur dissimulation avançant masqués, «ne l’affrontent pas frontalement, mais l’accompagnent dans son vieillissement. Opportunistes et patients, ils ne font qu’accentuer les fractures sous-jacentes et exacerber les tensions que le consensus démocratique avait longtemps estompé. Ils ne proposent pas de remplacer le modèle par un autre, mais l’incarner mieux, le porter plus loin» écrit Frédéric BISCHOFF.
Dans son roman, «Corpus X», Frédéric BISCHOFF dénonce, sous une forme romanesque et agréable à lire, cette société de surveillance de la population qui se met progressivement, mais sûrement, en place, sans parfois qu’on s’en rende compte. Le gouvernement traite la population, «non pas comme une communauté d’individus, mais comme un troupeau qu’il s’agit de contrôler, de canaliser. Un berger sait ce qui est bon pour ses moutons, le Gouvernement croit savoir ce qui est bon pour les citoyens» écrit Frédéric. L’auteur ne manque pas à ce sujet de citer explicitement George ORWELL, «Big Brother is Watching you». En effet, cet auteur anglais est resté célèbre pour ses romans dystopiques, comme 1984 ou la ferme des animaux. Pour lui, et en pleine guerre froide, la dictature n’est pas l’apanage des pays soviétique ; elle peut émerger dans un pays occidental également : «Tout ce que j’ai écrit d’important depuis 1936, chaque mot, chaque ligne, a été écrit, directement ou indirectement, contre le totalitarisme et pour le socialisme démocratique tel que je le conçois. Ce qui me pousse au travail, c’est toujours le sentiment d’une injustice, et l’idée qu’il faut prendre parti. […] C’est toujours là où je n’avais pas de visée politique que j’ai écrit des livres sans vie» écrit, en 1946, George ORWELL (1903-1950) dans «Pourquoi j’écris ?». Cette tendance lourde vers l’autoritarisme, sous un prétexte de besoin de sécurité, découle du régime disciplinaire des néoconservateurs, dont l’ambition est de «surveiller et punir», suivant le titre d’un ouvrage de Michel FOUCAULT (1926-1984) ; les masses populaires sont censées, dans leurs revendications pour des conditions de vie plus décentes, représenter une menace des intérêts de la haute bourgeoisie. En effet, Frédéric BISCHOFF fait référence à mots couverts à la révolte des Gilets, brutalement réprimée.
Hannah ARENDT (1906-1975) avait également établi un diagnostic des menaces pesant sur les démocraties, déjà vaincues provisoirement par la Nazisme, et cela peut se reproduire. «Les régimes totalitaires, aussi longtemps qu’ils sont au pouvoir, et les dirigeants totalitaires, tant qu’ils sont en vie, commandent et s’appuient sur les masses jusqu’au bout. L’accession de Hitler au pouvoir fut légale selon la règle majoritaire, et ni lui ni Staline n’auraient pu maintenir leur autorité sur de vastes populations, survivre à de nombreuses crises intérieures ou extérieures et braver les dangers multiples d’implacables luttes internes au parti, s’ils n’avaient bénéficié de la confiance des masses», écrit Hannah ARENDT. Cependant, et en dépit de ces lourdes menaces, la République n’a pas encore dit son dernier mot. Donald TRUMP, Jair BOLSONARO et Boris JOHNSON n’ont pas convaincu. En fait, Hannah ARENDT, face aux menaces sur la démocratie, recommande aux citoyens, de ne pas laisser la vie démocratique confisquée et caporalisée par les professionnels de la Politique ; elle s’interroge sur les moyens de se préserver contre la tentation totalitaire. «Rien n’est plus dangereux que d’arrêter de penser. Le danger consiste en ce que nous devenions de véritables habitants du désert et que nous nous sentions bien chez lui» écrit Hannah ARENDT.
En définitive, le roman de Frédéric BISCHOFF, «Corpus X», à la veille de ces présidentielles d’avril 2022, incertaines, est «une fiction réaliste» suivant le journal «Ouest-France» qui est d’une grande actualité. Ni Prophète, ni Oracle «J’essaie juste d’agiter la sonnette dans mon coin» dit-il, fort modestement. Doit-on s’inquiéter ? Pour Frédéric BISCHOFF le citoyen doit garder son esprit critique et refuser toute manipulation ou instrumentalisation. La démocratie est un bien trop précieux pour s’en désintéresser.
Références bibliographiques
BISCHOFF (Frédéric), Corpus X. Comment une démocratie peut renoncer à la liberté et faire le choix d’un régime autoritaire. Roman, Orthez, Publishroom Factory, juin 2021, 449 pages ;
BISCHOFF (Frédéric), Caverne et compagnie : roman de vulgarisation comptable et financière, Paris, éditions Zagros, 2005, 207 pages ;
BISCHOFF (Frédéric), alias Samuel MARCKETT, En attendant le Week-end, Paris, éditions Max Milo, 2012, 96 pages ;
BISCHOFF (Frédéric), La démocratie, et après ? Vers une nouvelle écologie politique, Paris, Fauves éditions, 2019, 231 pages.
Paris, le 20 décembre 2021, par Amadou Bal BA - http://baamadou.over-blog.fr/