28 mai 2020
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Il y a dans cette belle France deux camps qui s’affrontent : les vrais républicains, très nombreux, qui se battent pour une juste place de chacun, en fonction de son mérite, et certains, minoritaires, mais particulièrement bruyants, remplis d’eux-mêmes et de préjugés, usurpant toutes les couleurs républicaines, à s’y méprendre. Pour ma part, il n’y a qu’une seule France, la Républicaine. Guy BEDOS, comédien et humoriste, partisan de la République, ne faisait pas partie de la majorité silencieuse et honteuse ; il assumait ses convictions républicaines et savait taper, sans retenue, sur les gens aux idées courtes ; il traquait et fustigeait la stigmatisation, ainsi que toutes les formes d’intolérance : «ce qui m’effraie, ce n’est pas l’oppression des méchants ; c’est l’indifférence des Bons» disait, fort justement, Martin Luther KING (1929-1968). C’est en ce sens que Guy BEDOS, cette grande gueule sympathique, représentait l’honneur de cette France républicaine, face aux forces du Chaos. «Avec la disparition de Guy Bedos, c’est un grand ami qui s’en va et avec lui un sens de l’humour et de la dérision à nul autre pareil. Humoriste et acteur, la scène était son arène. Guy Bedos était un Don Juan brillant, lettré à l’esprit vif et ravageur. Percutant, toujours mordant, ses piques touchaient juste et fort. Avec une ironie joyeuse et sulfureuse, ses mots frétillaient et ne cessaient de nous faire rire» écrit Jacques LANG, Ministre de la Culture de François MITTERRAND.
Né le 15 juin 1934 à Alger et mort le jeudi 28 mai 2020 à Paris, Guy DEBOS avait émis le souhait d'être enterré en Corse. La dernière fois que je l'avais rencontré c'était en 2017 dans mon 19ème arrondissement à un meeting d'Arnaud MONTEBOURG. Guy DEBOS est connu pour son engagement à gauche et son antiracisme affiché et affirmé «Ma conscience politique s’est forgée au contact de Finouche, la jeune femme qui s’est chargée de moi lorsque mes parents m’avaient envoyé en pension à la campagne. Elle m’a appris, parallèlement à l’école, à lire, à écrire, à compter et les droits de l’Homme. J’avais 8 ans» dit Guy BEDOS. Après le départ récent de Michel PICCOLI les forces de progrès sont terriblement en deuil. Résister par l’impertinence et par le rire, Guy BEDOS s'y attache, en comédien et en observateur féroce de la société française. De sa jeunesse algérienne, exposé au racisme et à la violence de ses parents, Guy entre en résistance «Ma mère est moins déplaisante que mon père, mais les deux faisaient la paire. Leurs mauvaises manières vis-à-vis des Algériens m’ont profondément heurté. Depuis ma lutte contre tous les racismes, racisme de peau, racisme social, racisme de sexe est devenue constante et définitive » dit Guy BEDOS. Du refus de l'indifférence, l'engagement pour l’égalité réelle. Du goût pour la liberté, l'indocilité face aux pouvoirs. De l'exigence de démocratie, l'appel à «l'insurrection pacifique». Guy BEDOS projette son rêve d'une société meilleure dans la jeunesse qui s'indigne et qui agit «Valérie Giscard d’Estaing et son Ministre de l’intérieur, Michel Poniatowski, m’apparaissaient en aristos ostentatoires qu’ils étaient, comme ses fossoyeurs de la République. C’est dans ce contexte que j’ai commencé à m’exprimer en polémiste» dit-il. Pour lui, le rôle de l’artiste n’est pas seulement d’être un amuseur public et de faire rire : «L’humour est la politesse du désespoir» affirme-t-il. Artiste irrésistiblement drôle et tourné vers la vie, Guy BEDOS était un homme engagé, et il le dit dans «J’ai fait un rêve», un entretien avec Gilles VANDERPOOTEN : «À ceux qui me demandent de quoi je me mêle, je réponds que je me mêle de ce que je regarde» dit-il «J’ai fait un rêve», et d’ajouter «Vive l'avenir ! Plus qu'un message, c'est un devoir pour l'idéaliste et le père que je suis» et puis «La Bourse ? Je m'en fous. J'ai choisi la vie».
Dans son engagement à gauche, Guy BEDOS est resté lucide : «Guy Bedos était exigeant et déterminé. J’aimais sa franchise toute méditerranéenne, il allait droit au but sans contrefaçons. Il ne transigeait jamais, surtout pas avec ses convictions et ses passions» écrit Jack LANG. Guy BEDOS avait suivi la dernière campagne de gauche, celle de François HOLLANDE, avec son slogan «Le changement, c’est maintenant». Mais son regard sur ce quinquennat décevant, il l'a résumé en une phrase assassine : «Nous sommes toutes et tous des Valérie Trierweiler» écrit-il. «Son humour grinçant, décapant, parfois blessant était une arme redoutable contre le racisme, et la bêtise qu’il combattait sans relâche. La gauche était sa famille. Il la traitait durement parce qu’il en attendait beaucoup. Il râlait souvent mais il ne renonçait jamais. Son talent et ses colères nous manqueront» écrit François HOLLANDE, dans son hommage à Guy BEDOS. Libre comme il l'a toujours été, Guy BEDOS sait asséner des coups rudes et se moquer des puissants tout en donnant un éclairage cruel au théâtre politique. En éveilleur de conscience, avec Guy BEDOS on rit à gorge déployée, mais on rit parfois jaune. Guy BEDOS a réveillé, dans leur torpeur, armé de son esprit vif et corrosif, ceux qui se sont assoupis devant les dangers que courent la République. «Vouloir définir l’humour c’est manquer d’humour» disait-il. Guy BEDOS, tout en sérieux, savait, nous faire rire en abordant des sujets sérieux. Guy BEDOS a toujours cultivé l’art de la formule, le sens de l’aphorisme et le goût de la réplique cinglante : «J’ai horreur des gens qui parlent pendant que je les interromps» dit-il dans «Pointes, piques et répliques». «Les femmes chez nous représentent la moitié du corps électoral. Vu comme ça, le corps électoral, ça m’excite» dit-il.
«Arrêtez le monde, je veux descendre» tel l’un des titres de ses nombreux ouvrages. Guy BEDOS ce n'est pas drôle, tu nous manques déjà : «Guy Bedos nous aura fait sa plus mauvaise blague ce soir mais pour beaucoup, il restera longtemps une étoile inspirante» écrit Jack LANG.
Tous ceux qui l’ont vu à ses spectacles n’ont pas manqué de signaler que Guy BEDOS, dans sa relation à l’autre, ne joue pas ; il est spontané, vrai et authentique dans sa grande humanité. Mon ami, Souvahibou SY, un taximan, qui a souvent transporté Guy BEDOS insiste sur ses qualités humaines «souvenir inoubliable» dit-il. «S’il savait à quel point, il m’a inspiré. Je l’ai vu tant de fois en spectacle. Quand on parlait de la Gauche caviar, il répondait «Je suis Gauche Couscous» me dit mon ami et frère, Sélim «Le Pacha».
Nos amicales pensées vont aux membres de la famille de Guy BEDOS. Il a été marié, une première fois, à Karen BLANGUERNON (1935-1996), qui lui a donné une fille, Leslie, née en 1957. Il a épousé, en secondes noces, Sophie DAUMIER (1934-2004), et ont eu une fille, Mélanie, née en 1977. Il se mariera aussi, une dernière fois, à Joëlle BERCOT, danseuse classique et mannequin, mère de Nicolas, né en 1979 et Victoria née 1983. Guy BEDOS a également été fiancé Françoises DORLEAC.
En définitive, «Merci pour tout» mon cher Guy, et c’est aussi le titre d’un de ses ouvrages de 1996.
Références
BEDOS (Guy), A l’heure où noircit la campagne, Paris, Fayard, 2017, 153 pages ;
BEDOS (Guy), Arrêtez le monde, je veux descendre, Paris, Le Grand livre du mois, 2003, 138 pages ;
BEDOS (Guy), Bête de scène, Paris, Le Grand livre du mois, 2004, 410 pages ;
BEDOS (Guy), Envie de jouer, Paris, Seuil, 1999, 187 pages ;
BEDOS (Guy), En attendant la bombe, Paris, Calmann-Lévy, 220 pages ;
BEDOS (Guy), Inconsolable et gai, Paris, Seuil, 1991, 184 pages ;
BEDOS (Guy), J’ai fait un rêve, entretien avec Gilles Vanderpooten, Paris, L’aube, 2013, 147, pages ;
BEDOS (Guy), Je craque, Paris, Calmann-Lévy, 1976, 278 pages ;
BEDOS (Guy), Je me souviendrai de tout, journal mélancolique, Paris, J’ai Lu, 2017, 224 pages ;
BEDOS (Guy), Journal d’un mégalo, Mitterrand, Pasqua Balladur et Moi, Paris, Seuil, 1999, 136 pages ;
BEDOS (Guy), La rue-éclabousse, Paris, éditions de l’Aube, 2010, 48 pages ;
BEDOS (Guy), Le jour et l’heure, Paris, éditions France Loisirs, 2009, 135 pages ;
BEDOS (Guy), Mémoires d’outre mère, Paris, 2006, 219 pages ;
BEDOS (Guy), Merci pour tout, Paris, Le Grand livre du mois, 1996 148 pages ;
BEDOS (Guy), Petites drôleries et autres méchancetés, Paris, Seuil, 1992, 132 pages ;
BEDOS (Guy), Plans rapprochés, Paris, J’ai Lu, 2017, 224 pages ;
BEDOS (Guy), Pointes, piques et répliques, Paris, J’ai Lu, 1998, 196 pages ;
BEDOS (Guy), Sarko et Co, Paris, Cherche Midi, 2008, 123 pages.
Paris, le 28 mai 2020 par Amadou Bal BA - http://baamadou.over-blog.fr/