L'extrême-droite, par ses cris d'orfraie, s'acharne à vouloir interdire à une grande artiste noire planétaire, Aya NAKAMURA, de se produire aux Jeux olympiques de Paris du 26 juillet au 11 août 2024, uniquement en raison de ses origines ethniques. Comme peut-on qualifier cette polémique odieuse et malsaine, signe d’une «préférence nationale» ? Appelons un chat, un chat, c’est cas caractérisé de discrimination raciale, qui aurait pu conduire, si Aya NAKAMURA appartenait à une autre communauté, à un extraordinaire tintamarre médiatique et des marches spectaculaires à la Place de la République. Et pourtant son titre planétaire, «Djadja» est reconnu comme une mélodie d’amour et un hymne à la défense de la Femme «Tu penses à moi, je pense à faire de l’argent. J’suis pas ta daronne ; j’te ferai pas la morale», chante-t-elle.
Joséphine BAKER (1906-1975), chanteuse, danseuse et résistante noire, pourtant au début houspillée par Mistinguett (1875-1956) et Maurice CHEVALIER (1889-1972), a fini par s’imposer, pour devenir la première star noire planétaire, «Dans mon esprit, il s’agit de transformer une panthéonisation qui est un geste pieux et passablement conformiste, un geste tourné vers le passé, en quelque chose d’actif, d’émancipateur tourné vers l’avenir. Il s’agit aussi de mettre un peu de vie dans un lieu assez lugubre et assez collé monté comme le Panthéon. Joséphine Baker serait l’occasion de célébrer le cosmopolitisme de l’âme nationale» dit Régis DEBRAY. François HOLLANDE, l’initiateur du projet de loi de déchéance de la nationalité, qui avait congé le musicien Black M et refusé la promotion à Louis Mohamed SEYE qui avait fait sa campagne électorale, n’a pas été sensible à cet argument de Régis DEBRAY. C’est le président Emmanuel MACRON (Voir mon article, Médiapart) qui a panthénonisé le 30 novembre 2021, Joséphine BAKER. De nombreuses personnalités et artistes, ont déjà apporté leur soutien à Aya NAKUMURA «C’est une idée originale, un beau signe d’ouverture de ce qu’est la France. J’aimerais qu’elle chante une chanson de Piaf, comme «l’hymne à l’amour» ou «Revoir Paris», qu’avait chantée Joséphine BAKER ; cela aurait de la gueule ! C’est une artiste impressionnante», dit, dans son soutien enthousiaste, Michel DRUCKER. «De quoi on parle ? C’est que ça amène le débat sur un mauvais terrain qu’on n’aimerait pas entendre. Je n’aimerais pas imaginer les raisons pour lesquelles il y a cette polémique. Jessye Norman avait chanté la Marseillaise, lors du Bicentenaire de la Révolution, en 1989. Et, à cette époque, personne ne s’en était offusqué. En tout cas, moi, je serais ravi de l’entendre chanter Edith Piaf», dit Patrick BRUEL. «Remettre en cause cette artiste (Aya), c’est juste ne pas connaître à quel point elle est respectée dans le monde, et nous devrions en être tous fiers. Nous sommes en train de parler d’une star mondiale. On a l’impression que nous parlons d’une artiste qui viendrait de la banlieue. C’est ça qui est extrêmement grave et extrêmement méprisant», dit Lilian THURAM. «Personnellement je suis fière et heureuse d’être représentée par une personnalité française reconnue à l’internationale» dit Michèle TORR.
Aya NAKAMURA, de son vrai nom, Aya DANIOKO, auteure-compositrice-interprète, d’origine malienne, naturalisée française, depuis 2018, a été honorée de 14 distinctions «Y’a pas moyen Aya, ici c’est Paris, pas le marché de Bamako !», écrit « Natifs» un groupuscule d’Extrême droite, proche de Mohamed ZEMMOUR. Son nom a été hué au Dôme de Paris, lors d’un meeting de «Reconquête», le parti de Mohamed ZEMMOUR, dans le cadre des élections européennes. À mon sens, une prestation artistique devrait être fondée uniquement sur le talent et non l’origine ethnique, et Aya NAKAMURA semble être, en raison de ses distinctions, bien indiquée pour ce concert aux Jeux olympiques. Aya NAKAMURA fait recours largement au langage vernaculaire des jeunes de banlieue, et cela n’est pas du goût des conservateurs ou des racistes (Tatchi, Kiffer, Taffer, Meuf, Che-boula, Che-Lou, Beleck). Pour la petite-fille d’une entreprise familiale, Aya NAKUMARA, «ne chante pas en français. Ce n’est ni notre langue, notre culture ! Elle ne représente pas la langue française», dit Marion MARECHAL-LE PEN. Des sondages de la fachosphère fleurissent, Aya ne représenterait ni la musique française, ni la jeunesse française. Il faudrait, selon eux, que seuls nos Ancêtres les Gaulois, essentiellement des mâles, puissent se produire sur la scène des JO. Qu’en est-il donc des sportifs français noirs sélectionnés pour les jeux olympiques seront-ils dignes de représenter la France ? Tous ces personnels, rémunérés, bénévoles pour ces JO, les spectateurs de cette grande fête mondiale, devraient-ils être sélectionnés, uniquement en raison de leurs origines ethniques ? C’est quoi ce délire !
L’angle d’attaque en dessous de la ceinture, très hypocrite et raciste, consiste à dire «Aya chante bien, mais on ne comprend rien à ce qu’elle raconte !». Bien des Français écoutent sans modération les chansons anglaises ou américaines, et en particulier le Rap des Afro-américains, comprennent-ils vraiment ce qu’ils chantent ? Les Français aiment la musique créole et aussi le Rap des français issus de l’immigration déjà entré dans le patrimoine culturel de l’Hexagone. Comprennent-ils vraiment ce dialecte de la colonie ? En fait, la musique est une confidence du cœur ; elle nous fait vibrer et l’essentiel est à là. Par ailleurs, ce que ne savent pas des âmes bien-pensantes, c’est que depuis plus d’un siècle plus de 3 000 mots de langue arabe sont déjà repris par les Français et les chiffres sont arabes. Wallahi ! À ma connaissance, il n’y a ni vulgarité ou insultes. Le langage des banlieues fait partie de cette France multicolore apportant sa diversité culturelle bénéfique à ce pays. La langue d’un pays, même si elle a pour prétention de demeurer identitaire, dans ce monde globalisée est souvent traversée par de nombreux mots venant d’ailleurs. Les reproches injustes et racistes faits à Aya sont «un concept qui instaure une barrière imaginaire entre le français du dehors, exotique, le français du dedans, assimilé à la langue de Molière», écrit Corinne MENCE-CASTER, une professeure de linguistique. En fait la vitalité de la langue française est le fruit des parlers populaires ou régionaux, de l’argot, de l’apport des outre-mer. Aya KAMURA a innové par un franglais, comme «tu dead ça», ou ancien français, «Daronne», du créole comme «dachine» , de l’argot ivorien, «Tchouffer» ou «Djadja» du bambara.
Je rappelle que le poète afro-américain, Paul Laurence DUNBAR, avait fait recours au langage oral des gens de sa communauté noire (Voir mon article, Médiapart, 25 février 2024). Bénéficiant d’une éducation très élevée, n’ayant pas pu bénéficier d’un emploi à la hauteur de ses talents, dans un système ségrégationniste, resté un liftier, pour les ascenseurs, il est mort à 33 ans, d’alcoolisme. Et pourtant, Paul Laurence DUNBAR est un poète précurseur du mouvement Harlem Renaissance, dont le chef de file est Langston HUGHES (Voir mon article, Médiapart). Curieusement, William FAULKNER (Voir mon article, Médiapart, 2 juillet 2021) du Sud des Etats-Unis, vivant avec les Noirs et ayant bien capté leurs dialectes sera primé Prix Nobel de Littérature. C’est aussi le cas de Saint-John PERSE, un Béké, né en Guadeloupe (Voir mon article, Médiapart, 10 mars 2024) faisant recours à la créolité qui sera récipiendaire, en 1960, du Prix Nobel de littérature.
Je sais qu'à chaque fois que je pose, depuis longtemps des questions dérangeantes, la sanction de Facebook tombe, sans avertissement, recours ou explication «violation des règles de la communauté». Mais de quelle communauté parlent-ils ? Mon compte est restreint ou suspendu et cela fait plusieurs années que cela dure. La liberté d'expression, sans limites, est accordée aux forces du Chaos qui se déchaînent, sans aucune honte, actuellement. Je dis, à Facebook et à la cellule de l’Elysée surveillant la toile ou à d’autres forces occultes, des polices de la pensée, que je n’irai pas à Canossa. L’intolérance décomplexée, c’est cette tendance grave, ce glissement de la France républicaine, vers un Code l’indigénat ou un contrat racial, je les dénoncerai vigoureusement. Je le ferai toujours ici et ailleurs ; personne ne pourra m'intimider : «Je ne me tairai pas. Le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire ; ce n'est pas subir la loi du mensonge triomphant», dit Jean JAURES.
Je précise que mes combats pour l’égalité réelle ne visent que les faussaires : ceux qui parlent d’une France fantasmée qui n’a jamais existé. Je rends hommage aux vrais républicains, nombreux, mais souvent silencieux. La vraie France, la Républicaine, avec son message universel, ce n’est pas le racisme institutionnel et systémique, ni l’égalité à géométrie variable. En effet, eu cœur de la République, il y a des principes fondamentaux d’égalité, de respect du droit à la vie qui sont constamment et progressivement bafoués à l’encontre du racisé, dont le corps est réifié, devenu un citoyen de seconde zone, comme un Juif de France, au temps de l’Occupation.
Et pourtant, en dépit d’une grave lepénisation des esprits, constamment dans un déni de cette réalité, la France est bien devenue un Etat multiculturel. J’arrive vers 6 h 15 à mon travail et un jour j’avais déclenché l’alarme et deux malabars arrivent et me demandent «Tu es le gardien ?». Je leur ai répondu qu’en ma qualité de DRH, il ne serait pas convenable de me tutoyer et à quoi reconnaissent-ils un gardien ? Ils se sont excusés. Incident clos, mais qui manifeste un état d’esprit, plein de préjugés. Dès que je réclame un traitement équitable des racisés, avec des droits, mais aussi des obligations, dans le respect mutuel, certains amis et républicains tièdes, me disent : «Amadou, tu exagères. Jamais le RN ne prendra le pouvoir en France ! Circulez, il n’y a rien à voir !». Il fut un temps, à moindre bavure ou injustice, on allait tous ensemble manifester à la Place République. Qui, devant ce traitement ségrégationniste dont est victime Aya NAKAMURA, s’indigne et proteste énergiquement ? Dans le passé, sous François HOLLANDE, il y avait eu l'annulation du concert Black M, programmé le 29 mai 2016, d'Alpha DIALLO, à Verdun, à la suite d'une déferlante de haine initiée par l'extrême droite, relayée par des néoconservateurs. Ce grave précédent, témoigne bien d'une victoire, avant l'heure, des idées racistes.
On est dans le cadre de cette tendance irréversible qu’a toujours défendue l’écrivain martiniquais, Edouard GLISSANT, vers une créolisation, un mélange qu’il faudrait accueillir avec joie et sérénité (Voir mon article, Médiapart, 28 février 2024). Nous sommes là, venus d’ailleurs, nous sommes aussi ce nouveau visage de la France multicolore. On ne partira pas d’ici, et autant donc bien vivre ensemble dans le respect mutuel. Or, sous l’effet de victoires électorales successives du RN, de la lâcheté d’une partie de la classe politique, et en particulier aux dernières présidentielles, une partie des ténors Les Républicains joue cette peur irrationnelle et injustifiée.
Cette polémique discriminante à l’égard d’Aya NAKAMURA, témoigne bien de la grave montée des forces du Chaos, de ce Code de l’indigénat qui se met en place de façon décomplexée. Les racisés en porte une lourde responsabilité. Pour être respecté, il faudrait d’abord se respecter soi-même. En effet, contrairement aux racisés de la première génération qui n’avaient pas la nationalité française c’était des gens d’honneur, des héros du quotidien, ayant choisi l’exil afin de ne pas faire subir leur famille restée au pays la honte et le déshonneur. Ceux que les forces du Chaos appellent «immigrés» en France, sont, en fait, des citoyens de la République. Différents, mais égaux ! «Moi, aussi, je chante l’Amérique. Je suis le frère à la peau sombre. Ils m’envoient manger à la cuisine, quand vient du monde. Mais je ris, et je mange bien, et je prends des forces. Demain, je serai à la table quand viendra du monde. Personne, alors, n’osera me dire «Va manger à la cuisine». De plus, ils verront comme je suis beau Et ils auront honte. Moi, aussi, je suis l’Amérique», écrit Langston HUGHES, dans son poème, «Moi aussi je chante l’Amérique». (Voir mon article sur Langston Hughes). Ces «Français de papiers», comme les surnomme Valérie PECRESSE, ont déserté les urnes. Là est le sujet essentiel. Cependant, le 9 juin 2024, ils ont le pouvoir avec leur carte d’électeur, de sanctionner les partis lepénisés. Il est regrettable que nos frères et amis Antillais aient voté, majoritairement, aux dernières législatives, pour le RN. Le mouvement de remise en cause du droit sol, un fait grave, même s’il est instrumentalisé par le gouvernement, est quand venu des populations d’outre-mer. Le 7 octobre 2023 l’attaque du Hamas est un fait grave, à condamner, mais le tribut lourd payé par les populations civiles palestiniennes, l’est aussi. Une vie vaut une autre, la vie de chaque individu sur cette planète est unique et irremplaçable. Le Hamas n’a pas disparu. Loin de là ; c’est devenu même un titre de gloire et plus personne n’entend parler du modéré Mahmoud ABBAS, devenu un chef délégitimé et clandestin. «De même que le feu n'était pas le feu et qu'il est impossible de sécher l'eau avec de l'eau, on ne peut pas éliminer la violence par la violence», dit Léon TOLSTOI (Voir mon article 21-8-2017).
En France, on aime le Rap des Américains afro-américains, le Zouk antillais alors qu'on y comprends rien. Jessye NORMAN avait chanté la Marseillaise, Youssou N’DOUR, en Ouolof, à la coupe du monde. La polémique nauséabonde déclenchée par l'extrême-droite montre bien que le problème est ailleurs. Jesse OWENS avait été humilié par Adolphe HITLER aux JO de Munich (Voir mon article, Médiapart). Le Code de l’indigénat est bien en marche : à ces jeux olympiques de Paris de 2024, tout a été fait pour que de grands artistes noirs du sport comme les judokas Teddy RINER, Clarisse AGBEGNENOU ou la grande star du foot, Kylian M’BAPPE, ne puissent pas candidater pour être des porte-étendards. C’est comme l’accès à la nationalité, il existe des tests réservés aux racisés, hautement élevés, que même les Français dits de souche y auraient échoués. Les Ukrainiens qui viennent d’arriver, bien accueillis dans des familles et sans être parqués dans des camps, avec déjà un titre de séjour d’un an, sans être confrontés à Frontex, ont déjà massivement des cartes de résidents ; et certains mêmes ont été déjà naturalisés. En revanche, les étrangers d’origine africaine ou maghrébine, confrontés, depuis 2021, suite à la dématérialisation des rendez-vous des titres de séjours, souffrent de pratiques ségrégationnistes dignes des Etats du Sud de l’Amérique ou de l’Amérique. Ils souffrent en silence ; ils endurent et courbent l’échine. Les pensions de réversion sont souvent bloquées de longues années, au motif que l’acte de décès ne serait pas bien transcrit. Les Français d’origine africaine ont toutes les peines du monde à faire transcrire leur mariage à l’étranger, l’acte d’état civil de leur enfant ou faire venir leur épouse ; il faut souvent attendre entre 2 et 6 ans.
Racisés ne restez pas des spectateurs ou des commentateurs stériles et inefficaces ! Allez donc voter massivement pour la République, aux Européennes du 9 juin 2024 !
Références bibliographiques très sélectives
BA (Amadou, Bal), «Charles Wade Mills et son livre, «Le contrat racial», Médiapart, 13 décembre 2023 ;
BA (Amadou, Bal), «Immigration, plus de répression», Médiapart, 24 septembre 2022 ;
BA (Amadou, Bal), «Le centenaire de la mosquée de Paris», Médiapart, 6 novembre 2022 ;
BA (Amadou, Bal), «Le Conseil constitutionnel censure la loi sur les étrangers», Médiapart, 25 janvier 2024 ;
BA (Amadou, Bal), «Le gouvernement sarkozyste et identitaire de Gabriel Attal», Médiapart, 15 janvier 2024 ;
BA (Amadou, Bal), «Le président Macron et son Code de l’indigénat», Médiapart, 5 février 2021 ;
BA (Amadou, Bal), «Maître Lamine Guèye, avocat des grandes causes, contre le Code de l’indigénat», Médiapart, 17 juillet 2022 ;
BA (Amadou, Bal), «Valérie La Meslée et son livre sur Le Diamant d’Edouard Glissant», Médiapart, 28 février 2024 ;
BA (Amadou, Bal), «Paul Laurence Dunbar (1872-1906), poète», Médiapart, 25 février 2024 ;
BA (Amadou, Bal), «Langston Hughes (1902-1967) poète réaliste», Médiapart, 12 février 2024 ;
BA (Amadou, Bal), «Saint-John Perse, poète de la créolité, Prix Nobel de littérature», Médiapart, 10 mars 2024 ;
BA (Amadou, Bal), «William Faulkner et la question raciale», Médiapart, 2 juillet 2021 ;
BA (Amadou, Bal), «Jesse Owens, le sport et l’égalité réelle», Médiapart, 24 juillet 2021 ;
MENCE-CASTOR (Corinne), «Djadja cause bien français ou pourquoi Aya Nakamura représente aussi la pluralité de la France», The Conversation, 19 mars 2024.
Paris, le 12 mars 2024, actualisé le 28 mars 2024, par Amadou Bal BA - - http://baamadou.over-blog.fr/