Cet article a été publié dans www.ferloo.com du25 juillet 2011
La montée du racisme en Europe par Amadou Bal BA.
Cet article a été publié dans www.ferloo.com du25 juillet 2011
La montée du racisme en Europe par Amadou Bal BA.
« Si l’on n’introduit pas d’urgence la diversité en politique, on va revenir à une colonisation qui ne donne pas son nom »
L'équité en politique
A l'heure où l'on parle de discrimination positive, des Africains et des habitants des Dom Tom, ont décidé de prendre la place qui leur revient en politique, en créant leur propre courant au sein du Parti Socialiste : le Mouvement Equité. Amadou BA, Conseiller d’arrondissement du 19e arrondissement de Paris, militant associatif, est l’un des membres fondateurs de ce nouveau courant. Rencontre.
Lemagazine.info : Vous placez la diversité au centre de vos actions. Qu’ est-ce que ce mot signifie pour vous ?
Amadou BA : Mon fils est né des amours d'un Français d'origine sénégalaise et d'une Chinoise. Il parle trois langues (français, chinois et anglais). Pour moi, il est un exemple de la diversité de la société française, qui est devenue multicolore. C'est pour cette France-là que je défends la diversité en politique. J'aimerais que mon fils, comme les autres enfants issus de l'immigration, soit considéré comme un citoyen à part entière. Et c’est en ce sens, avec Saliou DIALLO, adjoint au maire d'Evry et Louis-Mohamed SEYE, délégué socialiste à la francophonie, adjoint au Maire de Fontenay-sous-Bois, notamment, que nous avons créé lors des dernières élections régionales en 2004, une association qui regroupe des Africains et des Ultra marins (Yvon THIANT, Janine Maurice-Bellay qui a été élue au Conseil Régional d'IDF, etc.) qui regroupe les différentes sensibilités.
Lemagazine.info : Aficadom a-t-elle un lien avec le Mouvement Equité ? Quelles sont les ambitions de ce mouvement ?
Amadou Ba : Africadom est une association, et Equité en est la traduction politique, au sein du Partis Socialiste (PS), de la
revendication pour la diversité en politique. Nous réclamons que les différentes instances (postes à responsabilité au sein des partis politiques, mandats électifs, postes dans la haute
administration) reflètent mieux la diversité de la France. Car c’est plus efficace, à l'intérieur et non à l'extérieur des partis politiques siègent des vraies décisions (date de dépôt des
candidatures, informations stratégiques sur le jeu politique, etc.).
Lemagazine.info : Vendredi 19 mai a eu lieu la première réunion du Mouvement Equité au siège du parti socialiste. Quels étaient ses objectifs ?
Amadou BA : Cette première réunion était fondamentale pour créer notre propre réseau car elle a servi à lancer une feuille d’adhésion au mouvement, qui nous permettrait d’exister. Elle visait surtout à nous présenter en tant que candidats aux prochaines élections législatives de 2007. Ces candidatures constituent une réaction de rejet envers un parlement "monocolore", pour représenter les Français de manière générale. Chacun s’est donc présenté avec ses motivations. Il s'agit avant tout d'un combat pour les valeurs, il faudrait mettre en harmonie le discours et la pratique On nous avait promis le droit de vote des étrangers aux élections locales. 26 ans après on est encore aux promesses. Notre combat vise, au-delà de la diversité, à rendre crédible les engagements en politique, "dire ce qu'on fait et faire ce qu'on dit".
Lemagazine.info : Pensez-vous vraiment que vous serez entendu ?
Amadou BA : Je n’ai jamais engagé un combat sans croire à la victoire. Le combat sera certes long et rude. Mais nous nous battrons pour changer le regard des autres et faire inscrire la diversité, à plus ou plus moins long terme, dans les faits. Cette première réunion est historique au siège du Parti Socialiste l'une des organisations les plus influentes du pays, c'est un coup de tonnerre ; elle est hautement symbolique. C'est un commencement pour nous faire entendre. Ma devise : « Si je n’entre pas par la fenêtre, je sortirai par la grande porte».
Lemagazine.info : Ne craignez-vous pas de renforcer le communautarisme ?
Amadou BA : Dés l'instant où l’on revendique ses droits légitimes en qualité de citoyen, on est, tout de suite, accusé facilement par la majorité blanche qui a tous les pouvoirs, de renforcer le communautarisme. Je ne vois en quoi le fait de dire que les instances électives qui décident de notre avenir (Assemblée Nationale, Sénat, élections européennes, élections locales) soient à l'image du pays, qui est maintenant multicolore, serait du communautarisme. On exige d'être étroitement associés aux instances qui décident pour nous. Si on nous reconnaît, intégralement, la qualité de citoyen, on doit nécessairement accepter qu'on puisse être là où cela se décide. On ne veut pas que les autres décident toujours à notre place et nous disent toujours ce qu'il faut faire ou ne pas faire. Notre mouvement Equité se situe à l'intérieur de la République, des partis politiques. Nous voulons une société plus juste, dans les faits, pas seulement dans le discours. Il faudrait mettre fin à ce discours hypocrite et particulièrement condescendant. Nous vivons les mêmes contraintes et on nous renvoie toujours à nos origines. Affirmer son identité, ce n'est pas faire du communautarisme, mais seulement dire que la différence n'est pas un mal, mais une extraordinaire richesse. Il y a un proverbe Peul qui dit "Un tronc d'arbre, même s'il a longtemps séjourné dans le marigot ne deviendra jamais un caïman". Je suis Français et Noir, et je le resterai. Or ici, si vous venez d'ailleurs, vous ne pouvez pas être considéré, jusqu'ici, par les Blancs, comme étant un Français à part entière. Sur le plan théorique, tous les partis politiques sont d'accord qu'il faut de la diversité en politique. Mais, en réalité, la politique est devenue une affaire de "professionnels", de "cumulards", et non de conviction, c'est un domaine juteux, on ne veut pas partager le délicieux gâteau. En conséquences, nous sommes relégués au rang "d'indigènes de la République". C'est le regard de l'autre qui fait le communautarisme. La France n'a pas encore fait son examen de conscience, elle redoute la différence ; ce pays doit réviser sa croyance selon laquelle sa culture est supérieure celle des autres. On parle d'égalité, de République, mais personne ne nous entend pas. Car il y a un décalage criant entre le discours et les faits. J’attends que l'Etat français remplisse son rôle d'arbitre. Il doit rétablir l'égalité réelle, défendre les minorités dans le cadre de la République, corriger les fortes disparités, comme il est en train de la faire pour les femmes les handicapés, les gays et lesbiennes. Après l'esclavage et la colonisation, l'ascenseur social ne fonctionne pas bien. Il y a de discriminations manifestes à l’emploi, au logement, à l'accès aux postes à responsabilité qui ne sont pas électifs, mais nominatifs dans l'Administration française (cabinets, dirigeants de grandes sociétés nationales, cadres, missions diplomatiques, coopération, etc.).
Propos recueillis par Emma LASSORT, en 2007.
Né à DANTHIADY, au Foutah-TORO dans le Nord du Sénégal, Amadou BA, d’origine Peuhle, est marié, et père d’un enfant. Dans son ouvrage Nations Nègres et Barbarie, un historien Sénégalais, Cheikh Anta DIOP avance la thèse généralement admise, que les Peuhls descendraient des Egyptiens. Les Peuhls connurent une grande période d’extension entre le XVème et le XVIème Siècle, et se convertirent à l’Islam au XVIIIème siècle. Leur organisation sociale a pour traits dominants la filiation patrilinéaire et l’endogamie. Fortement hiérarchisée, la société Peuhle est inégalitaire, aristocratique, et fondée sur des castes.
Amadou BA a initialement résidé dans l’Essonne, puis les Hauts-de-Seine, et au quartier Latin pendant 17 ans. Au 1er octobre 1995, il s’installe dans le XIXème arrondissement, prend contact immédiatement avec la Mairie, et devient écrivain public au sein de l’Association AIDEMA, dont il est le co-fondateur.
Sur le plan professionnel, Amadou BA a souvent hésité entre l’enseignement et le barreau. En effet, il a fait ses études de droit public à Paris II Assas, et soutenu le 8 mars 1995 une thèse de droit international public ayant pour objet le traitement des étrangers dans les pays occidentaux et en Afrique. Il passe son certificat d’aptitude à la profession d’avocat en décembre 1995. Mais auparavant, il avait réussi à un concours de secrétaire administratif de catégorie B, au sein d’une administration d’Etat. Dans la même foulée il a réussi à un concours d’attaché territorial, puis à l'examen professionnel d'attaché principal, de catégorie A, et est devenu depuis le 1er octobre 1999, Directeur des Ressources Humaines à la Commune de la QUEUE-en-BRIE, dans le Val-de-Marne.
Sur le plan politique et associatif, le grand-père de Amadou BA qui a été tirailleur Sénégalais lors de la 2ème guerre mondiale, lui a enseigné que parmi les biens les plus précieux de l’Humanité, il y a la Liberté et la Fraternité. Se fondant sur cette solide conviction, Amadou BA s’est fixé une ligne de conduite : devenir un militant des droits de l’Homme ; s’inspirant ainsi d’une doctrine d’un Ancien Grec, PROTAGORAS «l’Homme est la mesure de toute chose».
Amadou BA a débuté son action au sein d’une association dénommée INTERCAPA de défense des étudiants étrangers sans papiers. Il est toujours en relation avec ses compatriotes sénégalais vivant en France, par le biais d’associations villageoises. Il leur prodigue des conseils juridiques et les assiste dans leurs diverses démarches administratives. L’objectif poursuivi est de réussir une bonne intégration des Africains vivant en France.
C’est donc logiquement qu’il a adhéré au Parti Socialiste. C’est ce Parti qui, en dépit de la polémique stérile entre la Réforme et la Radicalité, a fait le mieux avancer la Démocratie en France. Elu pour la première fois, en mars 2001, sur la liste conduite par Roger MADEC et François DAGNAUD, il est très fier de ce mandat de conseiller municipal, et ne manque jamais une séance du conseil municipal. Il a été conseiller du 19 arrondissement de mars 2001 à mars 2008.
Amadou BA n’a pas de délégation à la Municipalité, mais il reçoit la population le samedi matin sur des questions à dominante juridique (titre de séjour, regroupement familial, problèmes locatifs, retraites, nationalité, etc.). Amadou BA représente, par ailleurs, le Maire de Paris, dans divers conseils d’administration de collèges ou d’école. Amadou BA est flatté de son enracinement progressif au sein du XIXème arrondissement, et notamment du travail à la base, notamment le dimanche, au marché de la Place des Fêtes, en compagnie d’autres militants dont Robert LACASSAGNE et Jean-Philippe HUSETOWSKI. C’est ce travail à la base, avec la permanence du samedi, qui lui semblent le plus valorisants.
Il se sent solidaire des décisions prises par la Municipalité. Il souligne, toutefois, que la classe politique en général, et la Ville de Paris en particulier, doivent poursuivre l’effort d’intégration des personnes d’origine africaine dans des postes plus valorisants. Car la représentation politique doit mieux refléter les réalités démographiques et ethniques de ce pays qui ont été considérablement modifiées sous l’effet de l’immigration.
Amadou BA regrette profondément que la proposition de François Mitterrand de 1981, concernant le «droit de vote des étrangers aux élections municipales après 5 ans de présence sur le territoire français», (80ème proposition des 110 proposition, congrès du 24 janvier 1981), n’ait été suivie d’effet. Sur ce sujet qui lui tient à cœur, Amadou BA a bien noté que François HOLLANDE a promis, en cas de changement de majorité, d’honorer cet engagement. Amadou BA estime que le destin des militants d’origine africaine n’est pas seulement que de coller des affiches, de payer des cotisations, de remplir des salles de meeting et de voter docilement. Il insiste lourdement sur la nécessité de leur confier également des responsabilités. Il formule le vœu que l’effort pour une meilleure représentation des personnes d’origine africaine, soit poursuivi et amplifié à l’occasion des prochaines consultations électorales.
Amadou BA rappelle également à ses compatriotes l’impérieuse nécessité de respecter les Lois de la République. Il est très attaché au respect mutuel, à la tolérance, et au devoir qui pèse sur chaque étranger de s’astreindre à mener une vie irréprochable. Chaque étranger devrait faire sienne de la devise de Marguerite YOURCENAR : «Aimer les autres pour soi-même». Car réclamer des droits, c’est aussi pouvoir assumer les obligations qui en constituent la contrepartie nécessaire. Amadou BA, tout en rejetant la théorie des quotas ou de la « discrimination positive» à l’américaine, prône la vraie égalité des chances. Aucune demande ne devrait être rejetée, à priori, sur la base de préjugés raciaux. Le traitement de toute revendication, y compris pour l’accès au responsabilité, devant être fondé sur les mérites de chacun.
Amadou BA est passionné pour la littérature, la philosophie, la mythologie grecque, le cinéma, et les ballades. Comme tout bon militant, il est fétichiste ; ainsi, il aime conserver les photos des principaux événements politiques à Paris. Mais, plus que tout, c’est un vrai Amoureux de Paris. Son plus grand plaisir est d’être attablé à une terrasse de café, dégustant un café, avec un livre à la main. Ce plaisir est semblable au goût de la madeleine tel que Marcel PROUST l’a évoqué dans son 1er volume de la Recherche du Temps Perdu. Amadou BA est heureux de la victoire d’Annick LEPETIT dans le 18ème arrondissement ; celle-ci qui confirme la résistance de Paris et annonce également la fin de l’état de grâce pour le gouvernement RAFFARIN.
Amadou BA a beaucoup voyagé en Europe et aux Etats-Unis. Mais c’est à Paris qu’il se sent le plus heureux. Il aimerait y vivre, y travailler et y mourir, (le plus tard possible).
Paris 2 août 2008.