Mes origines
INTRODUCTION
La problématique générale de cette étude est la suivante : quelle est place des immigrés dans le cadre d’un projet d’alternatif crédible, de gauche, pour les prochaines échéances électorales de 2012 au Sénégal ?
Plus précisément, comment peut-on élaborer un projet alternatif au Sénégal, sans traiter des attentes des immigrés qui constituent, de par leur nombre et la qualité de leur engagement au service de leur pays, un des piliers irremplaçables du développement ?
Si les gouvernants courtisent activement toute une série de lobbies en raison de leur influence électorale supposée (confréries religieuses, paysans, syndicats), est-ce qu’on peut dire qu’un émigré souhaitant rentrer au pays avec un projet d’investissement, bénéficie d’autant d’attention ?
Le sujet ainsi conçu, présente naturellement un intérêt économique majeur. Les émigrés, grâce aux mandats qu’ils envoient à leur famille (90,83 millions d’€uros en 1995 ; 92,78 millions d’€uros en 1999 et 130 millions d’€uros en 2 000), sont une des principales ressources monétaires pour le Fouta-Toro et Bakel. L’émigration a permis de tirer des de la famine des familles, des villages entiers, et une bonne partie de la région du fleuve. Les émigrés, constatant les défaillances de l’Etat, ont même entrepris d’importants projets de développement pour le compte de leur village d’origine (forages, écoles, dispensaires, micro projets, etc.).
Le thème traité ici revêt également un intérêt politique certain, le choix politique des immigrés étant susceptible d’orienter, durablement, celui des parents restés au Sénégal. Pourtant, les partis politiques n’ont pas produit une réflexion d’ensemble sur une politique d’émigration. Aucun gouvernement n’a songé, jusqu’ici, à articuler son projet de développement avec la contribution déterminante des Sénégalais de l’extérieur. Lorsqu’un dirigeant se rend à l’étranger et rencontre notre communauté, ce sont souvent des questions parcellaires ou ponctuelles qui sont évoquées, comme les passeports et les tracasseries douanières. Alors, on comprend que les gouvernants n’aient ni programme, ni approche globale sur les axes stratégiques concernant l’émigration.
Enfin, le sujet a un intérêt sociologique certain. S’il est un domaine où le Sénégal fait preuve de dynamisme, c’est bien celui de la démographie. En effet, la croissance de la population est de 2,8% par an, ce qui conduira à un doublement dans 25 ans. En l’an 2000, le Sénégal comptait 9,5 millions d’habitants, contre 6,88 millions en 1988, et 57% des Sénégalais ont moins de 20 ans. Plus de 125 000 étrangers vivent au Sénégal ; ce sont essentiellement des Guinéens, des Maliens, des Bissau-Guinéens, des Gambiens, des Mauritaniens, et des Capverdiens.
La croissance économique étant absorbée par la croissance démographique, la seule issue est l’immigration, à tout prix. Or, quelque 2 500 ressortissants d’Afrique subsaharienne ont trouvé la mort ces cinq dernières années en tentant de se rendre en Europe, en traversant le Maghreb et la Méditerranée. Les nouvelles vagues d’immigration venant d’Afrique ont entraîné la fuite des cerveaux et des hommes valides.
On raconte une boutade en France « le premier Homme que Armstrong a rencontré sur la Lune était un Sénégalais ». C’est dire que les Sénégalais sont, comme les Peuhls, nés la valise sur la tête. On estime qu’il y a plus de 41 000 Sénégalais en Afrique, au Nord et au Moyen-Orient (RCI 150 000 ; Mali 30 000 ; Gabon 33 725 ; Guinée 15 000 ; Egypte 30 000 ; Etats du Golfe 10 976). Il y aurait aux Etats-Unis 15 000 Sénégalais, en Italie 60 000, en Allemagne 5 000, au Portugal 1 337, et en Espagne 11 051.
En conséquence, et en dépit de la présence de ressortissants sénégalais dans bon nombre d’autres pays, il n’est question ici que de la situation de nos compatriotes vivant en France. La France est, cependant, un pays ayant valeur de test, par le nombre de Sénégalais qui y sont établis, de par l’ancienneté de l’histoire qui nous unit. Les émigrés vivant en France sont devenus un enjeu de politique considérable pour le débat politique interne au Sénégal, diverses réunions politiques ont eu lieu, ou se poursuivent, à Paris.
La France a toujours été un pays d’immigration. Entre 1851 et 1911, le pourcentage des immigrés est passé de 1 à 3% de la population française. Ces immigrants venaient surtout de Belgique, d’Italie et d’Espagne. Au XXème siècle, la première vague importante d’immigration a eu lieu entre 1920 et 1930. le pourcentage d’immigrés est passé donc de 3 à 6,6% en 1931. Dans les années 30, la France a connu une importante arrivée d’ouvriers polonais (600 000) et d’Espagnols (500 000) après la défaite de la Révolution espagnole. Après la seconde guerre mondiale, le pourcentage d’immigrés est passé de 4 à 6,6% en 1975. Il a donc rattrapé plus ou moins le niveau des années 30.
Il y actuellement en France 3 240 000 étrangers. Les non-européens représentent 55% et les Européens 45% (600 000 Portugais, 200 000 Espagnols, 200 000 Italiens, etc.). Les principales nationalités non-européennes sont les Algériens 600 000, Marocains 600 000, Tunisiens 200 000, Turcs 200 000, les personnes d’Afrique subsaharienne sont estimées à 188 000, dont 85% sont originaires du Mali, du Sénégal et de la Mauritanie.
Officiellement, on compte 40 000 Sénégalais installés en France, et 20 000 Français établis au Sénégal. On estime que la communauté des Sénégalais résidant en France représente 22% des ressortissants d’Afrique subsaharienne titulaires d’une carte de séjour, soit 5,8 % des étrangers en situation régulière. Si le nombre des Sénégalais a doublé entre 1975 et l’année 2001, passant de 21 000 à 40 000 personnes, il reste relativement stable depuis 15 ans (40 000 titulaires d’autorisations de séjour entre 1984 et maintenant).
Ces données ne tiennent naturellement pas compte de l’immigration clandestine qui pourrait, selon certaines estimations, représenter un chiffre comparable à la présence régulière, soit 40 000 personnes. Le flux d’irréguliers tend à croître : à une tradition de migration ancienne s’ajoute, en effet, la dégradation de la situation économique de nombreux Sénégalais. Bien que la France demeure la destination la plus prisée, elle constitue aussi, pour certains clandestins, un simple point de passage pour d’autres pays comme l’Italie, l’Espagne, la Belgique ou la Hollande. On peut noter également que le trafic de faux papiers, et notamment l’usurpation d’identité, constitue une des causes de cette immigration clandestine.
Parmi les travailleurs immigrés sénégalais en France, les Soninkés et les Hal Poularéen représentent les deux groupes les plus importants. Il s’agit d’une population masculine, jeune, le plus souvent analphabète qui s’insère difficilement dans les zones industrielles.
La présence des jeunes n’étonne guère, au regard des travaux pénibles à effectuer nécessitant d’importants efforts physiques. Près de 80% des Sénégalais ont entre 25 et 45 ans. Une des difficultés d’insertion des travailleurs sénégalais est souvent la méconnaissance de la langue française. Difficulté d’expression bien sûr, mais souvent absence de savoir lire et écrire. Ils sont, de ce fait, souvent exclus de certaines offres d’emploi. Ils travaillent principalement dans l’industrie de l’automobile, le bâtiment, le nettoyage, la restauration et les hôpitaux, le commerce ambulant, dans des emplois très mal rémunérés.
Ils sont victimes par voie de conséquence, de discriminations importantes quant à l’accès aux emplois. 42% des immigrés ont un travail à temps partiel, contre 31% des français qui l’ont souvent choisi. 20% des hommes immigrés sont au chômage contre 10% des Français. 23% des immigrées sont sans emploi contre 14% des Françaises.
Les salaires des immigrés sont parmi les plus bas et le chômage partiel est important. Le temps limité qu’ils passent en France et les changements fréquents d’emploi, s’opposent à ce qu’ils acquièrent une véritable compétence professionnelle. Ces travailleurs vivent, les plus souvent en communauté dans des foyers. Les conditions de vie qu’ils y supportent leur permettent d’épargner régulièrement pour les familles du pays d’origine.
Ces conditions de vie des Sénégalais établis en France, ressemblent à bien des égards, à la situation de nos compatriotes dans d’autres pays occidentaux.
Dans la première partie, il sera évoqué les attentes des Sénégalais à l’égard de la France et dans la deuxième partie, les attentes des émigrés vis-à-vis du Sénégal.
I - LES ATTENTES DES SENEGALAIS A L’EGARD DE LA FRANCE
A - LES ATTENTES EN MATIERE DE LIBERTES INVIDUELLES ET COLLECTIVES
1 - Droit de vote aux élections locales
Une des revendications anciennes, mais qui n’est pas toujours satisfaite, est le droit de vote des étrangers non-communautaires aux élections locales (communes, conseils généraux, conseils régionaux). En effet, la 80ème proposition du candidat François Mitterrand était le « droit de vote aux élections municipales, après 5 ans de présence sur le territoire français » (Congrès extraordinaire du Parti Socialiste réuni à Créteil le 24 janvier 1981).
En septembre 2003, un sondage d’opinion montrait que 57% des Français étaient favorables au droit de vote des étrangers aux élections locales. Les étrangers acquittent l’impôt ; ils doivent donc également pouvoir y consentir, c’est-à-dire participer aux élections locales. Le droit de vote est partie intégrante de la citoyenneté. C’est au niveau local, que se prennent bon nombre de décisions concernant la vie quotidienne de la population. Le logement, l’école, les équipements collectifs : autant de problèmes concrets, partagés par tous les habitants, quelle que soit leur nationalité.
De cette communauté d’intérêts entre résidents découle une exigence démocratique : le droit pour chacun de participer à l’élaboration des décisions qui le concernent. C’est justement en leur qualité de citoyen, que les étrangers :
Pour la première fois en mars 2001, les étrangers ressortissants de l’Union européenne, résidant en France, ont voté aux élections municipales. Cette mesure, prévue par le Traité de Maastricht, concerne les 15 pays de l’Union Européenne.
En revanche, les étrangers ressortissants des pays tiers, ne peuvent toujours pas bénéficier en France de ce droit de vote. Le résultat de tout cela, c’est une situation particulièrement inéquitable. Un Roumain ou un Bulgare dont le pays vient d’adhérer à l’Union Européenne, peut voter aux élections locales dans le pays d’accueil, tandis qu’un Sénégalais qui réside en France depuis plus de 30 ans, sera exclu de ce processus.
Pourtant 8 pays accordent déjà, aux étrangers, le droit de vote aux élections locales
La revendication du droit de vote aux élections locales revêt un aspect stratégique. En effet, c’est en 1983, et à l’occasion des élections locales, que le Front National a réalisé une percée politique significative et s’est maintenu dans le paysage politique en France, en faisant de l’immigration son fonds de commerce. Actuellement, on peut constater une concentration d’attaques du Président SARKOZY, et de son Ministre d’Etat, Ministre de l’Intérieur et Président de l’U.M.P, contre les immigrés. Par conséquent, l’exigence du droit de vote des étrangers aux élections locales, vise à assurer un meilleur respect des droits des Sénégalais en qualité de citoyen, pour une plus grande égalité, et les chances d’une bonne intégration.
Le Sénégal pourrait, après l’alternance, accorder le droit de vote aux élections locales aux étrangers, sous réserve de réciprocité.
2 – Le respect des conventions passées avec le Sénégal
Le Sénégal a conclu divers accords avec la France (convention d’établissement, de sécurité sociale), mais la situation des Sénégalais, s’est considérablement dégradée. Diverses mesures, faites essentiellement de circulaires, sont venues vider ces conventions de leur contenu.
S’agissant tout d’abord, de l’attribution des cartes de résidents valables pour dix ans, il suffit de résider légalement en France depuis au moins 3 ans. Or, la pratique consiste à remettre à nos nationaux des cartes portant mention « vie privée et familiale » qui sont valables une année, et sont donc précaires. Car avec de telles cartes, il est impossible notamment d’avoir la qualité de commerçant, d’exercer certaines professions, ou d’avoir des crédits auprès de sa banque.
Le renouvellement des titres de séjour est désormais soumis à des conditions draconiennes, notamment pour les personnes qui sont hébergées. Au moindre incident, comme une contravention dans les transports, la notion de trouble à l’ordre public permet de retirer le titre de séjour, et de remettre à l’intéressé une autorisation provisoire de séjour, ou une obligation de quitter le territoire.
Toujours dans le domaine du renouvellement des titres de séjour, des Sénégalais résidant en France, qui avaient déclaré leur statut de polygame, se voient actuellement retirer leur titre de séjour, et sont invités à divorcer de leur seconde épouse. A certains, il a été remis, après plus de 20 ans de séjour, des titres de séjour en qualité de visiteur qui n’ouvrent à aucun droit (perception des allocations familiales, ouverture d’un compte, travailler, prise en charge de l’assurance maladie, exercice de tous les actes de la vie courante).
Bien des Sénégalais atteignent maintenant l’âge de la retraite. Or, la réglementation prévoit l’attribution d’une carte de retraité. Dans les faits, de nombreux obstacles sont mis à la délivrance de cette carte qui permet, même après la retraite, de résider, de travailler et de se soigner en France.
Le droit de se marier est un droit civil de chaque individu, quelle que soit sa nationalité. Or, actuellement le fait de se marier avec un(e) français(e) est systématiquement suspecté de mariage de complaisance (refus de célébration du mariage, saisine du Procureur de la République, refus de régulariser le conjoint sénégalais).
D’autres obstacles sont mis au regroupement familial, notamment en ce qui concerne les conditions de ressources ou la surface du logement. Il arrive fréquemment, même lorsque toutes les conditions sont remplies, que l’OMI refuse de répondre à la demande de l’intéressé. Lorsque les enfants sont proches de l’âge de 18 ans, la tactique consiste à faire traîner la procédure jusqu’à ce les enfants atteignent la majorité afin de les exclure du regroupement familial.
Aujourd’hui, on sait que la France a réduit de façon drastique le nombre de visas attribués aux Sénégalais qui souhaitent se rendre en France, et que des conditions, parfois particulièrement vexatoires, sont mises à la délivrance de ce document. Cette politique restrictive a conduit, la plupart de nos étudiants à solliciter aux visas des Etats-Unis, au détriment de la France, partenaire pourtant privilégié qui a noué avec notre pays des liens historiques. Le Ministre de l’Intérieur, Monsieur SARKOZY a instauré des visas biométriques et envisage d’accélérer les renvois de sans-papiers.
L’accès à la nationalité française est devenu un véritable parcours du combattant. En effet, la liste des pièces à produire ne cesse de s’allonger. Lorsqu’on a réussi à tout rassembler, certaines pièces, qui doivent dater de moins de trois mois, sont déjà périmées, il faut donc tout recommencer. Lorsque le candidat à la naturalisation parvient à soumettre un dossier complet, celui-ci est fréquemment rejeté sous le motif fallacieux « d’absence de résidence stable en France ». Mais les situations les plus insolites sont celles où l’Administration accorde la nationalité, mais la délivrance du certificat de nationalité est subordonnée à la vérification de l’authenticité, au Sénégal, des pièces d’état civil produites par le candidat.
Auparavant, les personnes nées avant l’indépendance et qui résident en France, pouvaient recouvrer la nationalité française, sous une procédure allégée dite de la réintégration, mais dans les faits, leur situation a été alignée sur celle de la naturalisation qui est beaucoup plus stricte.
La réglementation française permet la régularisation des étrangers qui sont présents sur le territoire depuis, au moins 10 ans. Or, les préfectures contestent en permanence la continuité du séjour ou le caractère probant des pièces produites. L’intéressé est obligé de déférer l’affaire devant la juridiction administrative, où les délais d’attente sont en moyenne de 18 mois.
Il faut rappeler que sans permis de séjour, désormais, on ne peut plus accomplir les actes de la vie courante, comme ouvrir un compte bancaire, envoyer un mandat par la poste. Le clandestin devient un « mort-vivant ». Ces pratiques ne sont pas propres à la France. Rappelons que dans certains pays d’accueil, en Afrique (Gabon, RCI, Gambie), les expatriés, doivent, au préalable, s’acquitter d’une taxe de séjour dont le coût est relativement élevé. Ainsi, en Gambie, en janvier 2003, cette taxe est passée de 15 000 à 48 000 FCFA. Pourtant, la Convention n°97 de l’OIT a expressément recommandé de dispenser le travailleur immigré de cette charge.
En définitive, les principales attentes des Sénégalais résidant à l’étranger sont : le respect des accords régulièrement conclus et la défense des libertés individuelles et collectives.
B – LES ATTENTES POUR L’EGALITE DES DROITS
La France est devenue un Etat multiculturel, mais elle a du mal à assumer cette nouvelle donne. Le rejet du projet de traité constitutionnel s’inscrit dans cette logique frileuse, de rejet de l’autre. C’est un pays traversé par une crise identitaire qui s’amplifie. Les phénomènes racistes et xénophobes s’accroissent. Les pratiques discriminatoires s’installent durablement, en dépit d’une affirmation de façade du principe d’égalité. Une Loi du 23 février 2005 reconnaît même le rôle « positif de la colonisation »., ce qui constitue une provocation.
Sans un retour sur le passé colonial de la France, il sera difficile d’avoir une véritable analyse des échecs de la lutte contre les discriminations. Sans chercher à dénigrer la France et son histoire, il s’agit, pour nous socialistes, de comprendre, pour mieux construire.
Une des interrogations majeures, est comment dans une société multiculturelle, comme la France, on va traiter les minorités qui aspirent à la fois à l’autonomie et à l’intégration ?
Il est préconisé de développer la discrimination positive. La discrimination positive, ou « l’Affirmative Action » suivant l’expression américaine, est une politique visant à instituer des inégalités pour promouvoir l’égalité, en accordant à certains un traitement préférentiel, on espère de la sorte rétablir l’égalité des chances compromise par la discrimination.
En France, une des affirmations majeures du républicanisme est l’indifférenciation du corps politique. Tous les individus doivent être traités de manière égale, uniforme, sans tenir compte de leur origine ethnique ou de leur sexe.
En fait, sous-couvert de traitement soi-disant égal, d’indifférence aux différences, on favorise le groupe majoritaire. Le « Color blindness » est une forme d’hypocrisie qui perpétue le racisme et le sexisme.
Dans les faits, différentes politiques sectorielles en France sont de la discrimination positive qui ne dit pas son nom. C’est le cas notamment de la parité homme-femme, et de certaines actions en matière éducative (Zones de redynamisation urbaine, les zones franches urbaines, zones d’éducation prioritaires, places réservées à Sciences Politique aux enfants de quartiers défavorisés, etc.).
Il est donc nécessaire, pour compenser les inégalités socio-économiques et les phénomènes de discrimination sexistes et racistes existant dans la société française, de développer des politiques relevant de la discrimination positive, notamment en matière de logement, de travail et de sécurité sociale.
1 – Les attentes en matière de logement
Sans logement, il est difficile d’avoir un travail et une existence normale. Le constat actuel est préoccupant : 18% des étrangers résident dans des quartiers en difficulté, alors qu’ils ne représentent que 6% de la population totale, 140 000 personnes sont logées dans des foyers de travailleurs immigrés.
Sur le plan légal, les immigrés ont accès, comme tous, au parc du logement, social ou non, et aucun type de logement ne leur réservé ou exclu. Toutefois, dans les faits la mixité sociale n’est pas encouragée. En effet, les immigrés ont des ressources notablement inférieures à celles de la moyenne nationale, et un taux de chômage beaucoup plus élevé, ce qui rend l’accès au logement plus difficile. Ces facteurs entraînent une concentration dans les logements les plus dégradés avec des problèmes sanitaires, ou de sécurité plus fréquents. Plusieurs incendies, à Paris, ont provoqué depuis une vingtaine d’années des décès parfois d’enfants, sans aucune enquête sérieuse.
Ainsi, 85% des enfants les plus gravement atteints par le saturnisme, sont originaires d’Afrique Subsaharienne. Ces logements exigus favorisent l’échec scolaire et développent des tensions importantes au sein de la cellule familiale.
Il faudrait donc promouvoir une politique de logement des immigrés, c’est-à-dire une politique sociale qui vise à répondre aux besoins de logement des personnes et à faciliter l’intégration. Il faudrait, en particulier, répondre aux besoins des familles et des femmes isolées, souvent chef de famille monoparentale, en garantissant l’accès de tous au logement dans des conditions matérielles éliminant toute discrimination. C’est un des éléments majeurs de construction de la politique de la ville.
Il est urgent de réhabiliter les foyers qui sont largement dégradés. Certains, après une vie pénible, vieillissent dans des foyers peu adaptés à leurs handicaps naissants. Cet isolement favorise l’adoption de comportements dangereux pour la santé (la dépression, la consommation d’alcool, de tabac). D’autres plus jeunes, sont atteints de tuberculose, de maladies respiratoires ou digestives aiguës, d’aggravation de pathologies importées.
Ajoutons à cela que le Sénégal s’est fortement désintéressé du logement de ses étudiants en Europe, notamment en France où la Maison d’Afrique a des capacités d’accueil particulièrement limitées. Pourtant, des Etats africains, comme le Burkina-Faso, moins bien lotis que le Sénégal, ont acquis des immeubles pour loger leurs étudiants.
2 – Les attentes en matière de l’accès au travail
On évoque généralement la situation professionnelle des étrangers pour souligner les problèmes de discrimination et leurs difficultés d’intégration. Les immigrés représentent 14,.4% des chômeurs pour une proportion de 8,1% de la population active. Plus touchés par le chômage, ils y restent, en outre, plus longtemps que l’ensemble de la population. Ils occupent des emplois sous-qualifiés, précaires (CDD, intérimaires, temps partiel) et sont donc mal rémunérés.
Il faut souligner qu’une bonne partie du marché du travail est fermé aux étrangers ; ce sont les professions dites réglementées qui correspondent à un quart de l’emploi total, et qui posent une condition de nationalité ou de diplôme français. Bien que relevant du secteur privé, plus de 50 professions sont interdites aux étrangers (administrateurs judiciaires, greffiers de tribunaux de commerce, notaires, huissiers de justice vétérinaires, débitants de tabac, médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, architectes, etc.), pour 30 autres professions, l’exercice est soumis à une condition de diplôme français (infirmiers, laborantins, puéricultrices, jardinières d’enfants, agents immobiliers, assistants de service social, etc.).
Il existe, de surcroît, même en l’absence d’une condition de diplôme français ou de nationalité, des formes insidieuses de discrimination à l’embauche et dans l’emploi. Certaines professions sont soumises à des quotas (sportifs professionnels, marins, industries de la défense) pour d’autres l’administration adopte une politique restrictive (Union nationale des caisses de sécurité sociale). Par ailleurs, il existe un régime dérogatoire, pour les journalistes, les exploitants agricoles, les artisans et les commerçants. Les étrangers qui souhaitent exercer une profession commerciale ou artisanale doivent obtenir un titre de résident, sont donc exclus les personnes détentrices d’un titre de séjour d’un an. Les journalistes doivent obtenir une carte d’identité de journaliste professionnel délivrée par une commission paritaire.
Les formes de discrimination sont nombreuses et relativement complexes à identifier. On citera seulement, le stigmate du nom à consonance étrangère sur le CV. Le stade de l’entretien d’embauche fait aussi ressortir plusieurs éléments de discrimination : la couleur de peau, les préférences religieuses, les accents dans la prononciation du français, etc. Au niveau de la gestion des carrières, si les immigrés, à parcours et postes identiques, perçoivent des rémunérations relativement proches, on constate tout de même qu’il y a encore peu d’exemples d’intégration d’individus d’origine étrangère à des postes de direction de grandes entreprises.
Il faut remarquer qu’il existe en France un développement d’entreprises dites ethniques, notamment le commerce de produits sénégalais ou africains. Mais les intéressés sont souvent confrontés à l’accès aux capitaux pour développer leur affaire, à un local bien situé, ou aux tracasseries administratives des services vétérinaires.
3 – Les attentes en matière de santé et de sécurité sociale
Les émigrés retraités ayant choisi de s’installer au Sénégal, ont souligné que pour pouvoir se soigner, ils sont obligés de revenir en France, quel que soit leur âge, leur état physique ou leurs ressources. Ils ont suggéré qu’ils puissent se soigner au Sénégal, et que nos hôpitaux puissent directement facturer l’administration française.
On voit bien que l’efficacité des conventions internationales a diminué à mesure que l’immigration s’est développée. Les principes à la base des accords bilatéraux et les politiques des pays développés en matière d’immigration ne sont pas toujours compatibles avec les conventions internationales. Ils oscillent entre l’affirmation du principe de non-discrimination, et la mise en place de politiques destinées à limiter les flux migratoires et empêcher les immigrés de devenir résidents ou citoyens.
Il faut signaler que bon nombre de pays d’immigration, comme le Gabon et l’Italie, refusent, jusqu’ici de conclure une convention de sécurité sociale avec le Sénégal. La conséquence est que les travailleurs migrants admis à faire valoir leurs droits à la retraite sont contraints de demeurer sur le territoire du pays d’accueil, pour pouvoir bénéficier de leurs pensions. En cas de retour au Sénégal ou de changement de résidence, le versement de la pension est suspendu, et aucun rappel de pension n’est possible.
La Loi Pasqua du 24 août 1993 subordonne le bénéfice de la sécurité sociale à la régularité du séjour. Certes, l’aide médicale d’Etat a été instituée pour les sans papiers, mais une récente réglementation, particulièrement dissuasive, impose désormais une durée de séjour minimale de 3 mois, une longue liste de pièces à fournir, dont la photo de l’étranger qui doit désormais se présenter personnellement pour retirer son attestation de sécurité sociale.
Les émigrés demandent
II - LES ATTENTES DES IMMIGRES A L’EGARD DU SENEGAL
A - LES ATTENTES A L’EGARD DE LA CLASSE POLITIQUE
Si les causes de l’immigration sont essentiellement économiques, la décision de s’expatrier résulte également de motivations personnelles complexes, difficiles à appréhender, notamment le sentiment d’abandon de certaines provinces, le souci de réhabiliter le ou la politique, ou le besoin de consolidation d’un Etat républicain et démocratique au Sénégal.
1 – Les attentes en matière de décentralisation
Il ressort des entretiens avec les immigrés résidant, dans certains foyers de travailleurs immigrés, que le sentiment dominant est celui de l’abandon des provinces périphériques du Sénégal. C’est d’ailleurs, cette situation de démission de l’Etat qui conduit, souvent, à la décision de s’expatrier.
En effet, il existe de fortes disparités entre la capitale sénégalaise et les provinces, notamment au détriment du Fouta-Toro et de Bakel. Les travailleurs immigrés se plaignent de prendre en charge des activités dévolues normalement à l’Etat, telles que la santé, l’éducation, l’eau, et ont le sentiment de ne pas faire partie de la communauté sénégalaise. Ils ont tous les devoirs du citoyen en s’acquittant des impôts, ils initient des projets de développement, mais l’Etat n’assume pas ses responsabilités. Suivant leur perception, ils seraient devenus des « indigènes de la République », ramenés à la qualité de citoyens de seconde zone.
Pour l’essentiel, les infrastructures (hôpitaux, grandes écoles, routes bitumées, électricité, radios, T.V.), sont concentrées dans les grandes villes. L’enclavement ou la qualité des routes du Fouta-Toro et de Bakel, l’absence d’électrification de nombreux villages, la question des terres du bassin du fleuve Sénégal, sont autant de sujets de discorde.
Par ailleurs, les émigrés sénégalais ne comprennent pas que les droits d’accès au téléphone soient multipliés par 4 en province, que les voitures qu’ils ramènent de France sont souvent surfacturées ou confisquées par la douane au motif qu’elles auraient plus de 5 ans d’ancienneté. Le riz, cette denrée de première nécessité, est devenu, avec l’huile, un luxe, pour la plupart des Sénégalais de condition modeste.
Tout projet alternatif devrait tenir compte de cet énorme sentiment de frustration des populations du Nord, et prévoir une décentralisation plus poussée du Sénégal. Une vraie décentralisation en vue de mieux associer les populations locales aux décisions qui les concernent. Mais une vraie décentralisation suppose notamment des moyens financiers adéquats afin de relever les nombreux défis.
2 – Les attentes en vue de réhabiliter la ou le Politique
Bien des émigrés ont reconnu avoir voté pour le PDS en mars 2000, mais ils espéraient que leurs conditions de vie allaient changer. Ils ont le sentiment, là aussi, que la classe politique les courtise pendant les périodes électorales, et disparaît par la suite jusqu’à la prochaine échéance électorale. Les émigrés sont donc attachés au respect de la parole donnée, ils sont devenus très méfiants.
L’Homme politique doit être honnête ; il doit dire ce qu’il fait, et faire ce qu’il dit. Le respect des engagements devrait être au cœur de la vie publique.
Par ailleurs, le fait que différentes majorités hétéroclites aient été formées en vue seulement de se maintenir durablement au pouvoir, n’a pas rassuré les immigrés sur les perspectives de changement au Sénégal. Pire encore, l’usage de l’emprisonnement ou du harcèlement par certaines institutions comme la Division des investigations criminelles ou l’Inspection Générale d’Etat, a accentué cette perception que les gouvernants sont prêts à tout pour conserver leurs privilèges.
Chaque citoyen devrait être guidé par des convictions politiques profondes et durables. Dans une démocratie, il serait sain d’avoir une opposition et une majorité, les changements de camp dictés par un souci du « partage du gâteau » ne réhabilitent pas la politique au sens noble du terme. Pour les émigrés, quelle que soit la couleur politique du gouvernement, rien n’a changé fondamentalement dans leurs conditions de vie : il faut chaque mois envoyer davantage de mandats aux familles restées au Sénégal, et suppléer aux défaillances de l’Etat.
La corruption ou l’absence de sécurité juridique ont été vivement dénoncées, par les émigrés. Ils estiment, aujourd’hui qu’il est difficile d’obtenir des documents administratifs (carte nationale d’identité, passeport) ou seulement acheter une maison, sans verser des pots de vin. Les passe-droits, dans un Etat démocratique, devraient être abolis.
En conséquence, il y a d’énormes attentes, de la part des émigrés, de voir réhabiliter la ou le Politique au Sénégal, condition nécessaire d’une consolidation d’un Etat républicain et démocratique.
3 – Les attentes de consolidation d’un Etat Républicain et Démocratique
Les émigrés sont particulièrement choqués à l’idée d’une patrimonialisation de l’Etat, avec des dérives monarchiques et autocratiques. Ils sont d’autant plus sensibles à cette question de l’Etat qu’ils vivent dans des pays occidentaux où cette structure joue pleinement un rôle d’arbitre. Outre, le fait que l’Etat ait démissionné de ses fonctions régaliennes dans certaines provinces de notre pays, son fonctionnement capricieux, parfois brutal et arbitraire, heurte la conscience de tous. Bien que l’idée de retour et l’attachement au Sénégal soit érigés en dogme, cette situation n’incite pas les anciens émigrés à des investissements lourds mais à risque. Les jeunes générations issues de l’immigration ne sont plus fières de leur origine nationale.
Il existe donc une forte attente en matière de consolidation d’un Etat laïque et démocratique. Mieux, les émigrés fondent l’espoir que l’Etat instaure une bonne planification de ses objectifs stratégiques, et d’en finir avec l’improvisation permanente. Les émigrés comprennent que les ressources du Sénégal sont limitées et qu’il est impossible de s’attaquer efficacement à tous les problèmes en même temps.
En revanche, ils comprennent moins qu’ayant eux-mêmes, suppléé aux carences de l’Etat dans certains secteurs, rien ne soit fait par les gouvernants, pour faire face aux difficultés qui ne cessent de s’additionner. Ils recommandent une fixation d’objectifs stratégiques en matière d’éducation, de santé, d’énergie, d’eau potable et d’infrastructures, et demandent à l’Etat, avec les faibles moyens il dispose de commencer, à son rythme, le travail prioritaire.
B - LES ATTENTES SPECIFIQUES DES IMMIGRES
1 – Participer efficacement au développement économique du pays
Les migrants butent, le plus souvent sur un environnement peu propice à la valorisation de leurs investissements. Les retombées, au niveau du Sénégal, se limitent à une amélioration des conditions de vie des ménages de migrants restés au pays, sans réussir, pour autant à stimuler l’activité économique.
Certains migrants forment le projet de monter, depuis la France, une activité économique. Pour une bonne partie d’entre eux, le projet est de dimension relativement modeste : ouverture d’un commerce, apport financier pour un atelier artisanal. Le montage de ce type d’activité n’est pas nécessairement lié à une intention de retour : il est souvent conçu pour installer sur place, un membre de la famille dans une activité productive, génératrice de revenus et d’emplois pour la famille.
Le migrant porteur de projet se trouve face à trois types de problèmes à résoudre :
Les émigrés ne comprennent pas que les investissements étrangers soient particulièrement bien protégés avec avantages fiscaux substantiels, et qu’on néglige leur contribution au développement du Sénégal.
2 – Les attentes en matière de diversité culturelle et de coopération décentralisée
Les émigrés redoutent que les atteintes graves à la diversité culturelle ne constituent, un jour, une menace pour la paix civile au Sénégal. Ce qui faisait jusqu’ici la particularité du Sénégal, c’est la reconnaissance de sa diversité culturelle, religieuse et ethnique, ciment de la tolérance et de la vitalité de notre démocratie.
Les émigrés estiment que les gouvernants actuels sont en train de saper cet héritage démocratique en favorisant l’affairisme de certains lobbies (Mourides, partis religieux).
Encore plus grave, la diffusion des programmes de l’O.R.T.S. dans les foyers de travailleurs immigrés en France, loin de favoriser le rapprochement avec le pays, est un outil de propagande et d’intoxication au service des gouvernants.
Les émigrés en France, qui sont essentiellement Peuhls et Soninkés, demandent que leurs langues soient mieux véhiculées dans tous les médias d’Etat du Sénégal.
Les émigrés exigent que la France, de son côté, reconnaisse dans ses programmes scolaires, ainsi que dans les médias, (TV, radio, publicité, cinéma, fonction publique) la diversité culturelle de sa population. On sait que les programmes d’enseignement, sous la IIIème République, n’hésitaient pas à souligner que « nos ancêtres étaient les Gaulois ».
Toutes les parties ont grand intérêt à promouvoir la diversité culturelle. Si l’on se situe du point de vue de l’Etat d’accueil, les personnes qui sont bien enracinées dans leur culture d’origine respectent mieux les lois et coutumes du pays de résidence. Car, si on ne sait pas qui on est, il est difficile de savoir où on va.
Si l’on prend en compte les intérêts du Sénégal, la diversité culturelle, est un moyen de conserver un lien privilégié avec ses nationaux établis à l’étranger. On sait que, pour l’essentiel, les émigrés de la première génération, une fois à la retraite, repartent vivre au pays. En revanche, les enfants de Sénégalais nés à l’étranger, souvent ne parlant pas une langue nationale, et n’allant au pays que de façon sporadique, n’auront avec le temps, que peu de liens avec la patrie de leurs parents.
Il est donc recommandé d’esquisser un programme culturel et festif en direction des Sénégalais établis à l’étranger, notamment la connaissance de la culture, de la musique, des arts culinaires, une célébration de la date de l’indépendance à travers un grand bal, favoriser l’émergence des radios privées, comme c’est le cas à Washington, et de créer, dans les pays à forte concentration de Sénégalais, une maison du Sénégal qui constituera un lieu de rencontre, d’exposition et d’échange d’idées.
Il faut rappeler que l’année 2006 sera l’année de l’Afrique en France, il serait utile de saisir cette opportunité, pour faire avancer certains projets culturels.
L’immigration est traditionnellement perçue comme une fuite de cerveaux, le pays est vidé de ses hommes valides. Or, on peut également saisir cette opportunité, comme une chance, en vue de promouvoir la coopération décentralisée entre le Nord et le Sud
Le gouvernement du Sénégal, peut proposer, à ses partenaires, de nommer aux postes diplomatiques ou consulaires leurs nationaux issus de l’immigration.
Rien ne s’oppose également à ce que des jeunes issus de l’immigration puissent piloter des projets de développement en direction des pays du Sud.
Pour le Sénégal, les émigrés constituent une source inestimable de compétence, et de savoir-faire, et peut-être aussi un formidable moyen de transfert de technologie. N’oublions pas que, si certains pays comme la Chine et l’Inde réussissent à tirer profit de la mondialisation, c’est grâce à l’apport de la diaspora.
Il conviendrait de rationaliser les jumelages des villes européennes avec les villes sénégalaises. Il s’agit d’un outil de solidarité et coopération, original entre le Nord et le Sud.
Propositions :
Paris, le 19 août 2011.
Le christianisme fut introduit par Saint Denis, premier évêque de la ville de Paris, qui fut décapité en 250 par les
Romains, au sommet de la butte de Montmartre. Grégoire de Tours, dans sa magistrale Histoire de France, rapporte la légende que Saint Denis, une fois décapité, se relève, ramasse sa tête et
continue jusqu’à l’actuelle ville de Saint-Denis, où il tombe finalement. Sainte Geneviève y fera édifier une basilique au Ve Siècle, dans laquelle de nombreux
rois de France sont inhumés. On raconte également que Sainte Geneviève, contemporaine de CLOVIS, bergère née en 422 à Nanterre, avait sauvé Paris par ses prières et sa force de persuasion, de
l’invasion des Huns d’Attila en 451. Plus tard, lorsque les Francs assiègent Paris, Sainte Geneviève sauve cette fois-ci la ville de la famine ; elle organise une expédition ingénieuse au
moyen de bateaux qui, par la Seine, vont chercher le ravitaillement jusqu’en Champagne. Sainte Geneviève devint ainsi la patronne de Paris et des gendarmes. Durant la période mérovingienne,
CLOVIS, roi des Francs et vainqueur des Romains en 486, s’établit à Paris, en fera la capitale de son royaume. Pendant la période carolingienne, à l’inverse de CLOVIS, CHARLEMAGNE qui avait son
palais dans île de la Cité à Paris, avait établi sa capitale à Aix-la-Chapelle. Les premiers capétiens, Hugues CAPET et ses successeurs, fixèrent leur résidence dans île de la Cité.
Philippe-Auguste fait construire la nouvelle enceinte de Paris et bâtir le Louvre à partir de 1180. Au XIVe siècle Etienne Marcel, prévôt de Paris, profite de
la faiblesse royale en pleine guerre de Cent Ans, de la famine et de la peste, et le Dauphin s’enfuit de Paris. Mais Etienne Marcel sera par la suite tué à la porte Saint-Antoine ; le roi
Charles V, retourne alors triomphalement à Paris le 4 août 1358 et s’installe au Louvre. En 1420, les Anglais occuperont provisoirement Paris, avec le soutien des Bourguignons. Après une
révolte parisienne, le roi Charles VII retourne le 12 novembre 1437 à Paris. La ville de Paris devient un lieu suspect, la royauté la déserte, et ne redeviendra capitale de la France que sous
François 1er, roi de France entre 1515 et 1547.
La ville de Paris connaîtra un événement tragique le 24 août 1572, avec le massacre des huguenots, c’est la fameuse nuit de Saint-Barthélemy fomentée par Catherine de Médicis avec
la complicité du duc de Guise. Henri de Navarre, futur Henri IV, s’était auparavant marié le 18 août 1572 avec Marguerite de Valois, la Reine Margot, et pour échapper au massacre, il avait
abjuré. « Paris vaut bien une messe », avait dit Henri IV. Henri IV, qui fait partie de la dynastie des Bourbons, entreprend de grands travaux à Paris. Il fait agrandir les Tuileries
qui ont été érigées sous le règne de Charles IX, étend le Louvre, créé la Place Royale qui est devenue la place des Vosges, transforme l’île de la Cité et le quartier Saint-Germain, et fait
achever les travaux du Pont Neuf et de l’Hôtel de Ville. La place Dauphine est construite en l’honneur du dauphin, futur Louis XIII. Sous le règne de Louis XIII, les travaux de la Place Royale
sont achevés en 1612, de nouveaux quartiers avec des boulevards plantés d’arbres voient le jour. Marie de Médicis, veuve d’Henri IV, acquiert en 1612, l’hôtel du duc François de Luxembourg et y
fait construire, en plein Quartier Latin, l’actuel palais du Luxembourg dans le style Renaissance. Richelieu, proviseur de la Sorbonne, devient Ministre de Louis XIII, et fonde en 1635, au 23
quai Conti dans le 6e arrondissement, l’Académie Française. La fronde parlementaire et des princes (1648 – 1653), pousse Louis XIV (1643-1661) qui était
installé au Louvre, à quitter Paris pour s’installer à Saint-Germain-en-Laye, puis à Versailles en 1680. En effet, une déclaration du Parlement de Paris en date du 15 juin 1648 énonce la
limitation des pouvoirs du Roi. Cependant, la ville de Paris ne cesse de se développer et de s’embellir, notamment sous la direction de Colbert, avec l’appui François Mansart et Claude
Perrault, architectes, qui a eu
l’idée de créer les Champs-Élysées en 1667.
Avant de prendre son nom actuel, la célèbre avenue fut appelée « Grande allée du Roule » en 1670, puis « avenue la Grille Royale » en 1778, et enfin, à la Révolution en
1789. C’est là que le peuple de Paris a fait exhiber le Roi Louis XVI déchu de son pouvoir ; c’est par cette avenue également que Louis XVI après la désastreuse fuite sur Varenne rentra
dans Paris. En 1757 est créé le Panthéon, sur la montagne Sainte-Geneviève. A l’origine, dans la Grèce antique, le Panthéon c’est le temple de toutes les divinités. A Paris, la naissance du
Panthéon est liée à une grave maladie du roi Louis XV, en 1744 ; il fait alors un vœu et promet qu’en cas de guérison, il fera remplacer l’église Sainte-Geneviève par une nouvelle église.
Dès son rétablissement, il tient parole. Mais la construction du Panthéon prendra des décennies. Les révolutionnaires ont décidé, en 1791, que le Panthéon parisien sera consacré à la mémoire
des Grands Hommes, il renferme les corps de Grands Hommes tels que Victor HUGO, Victor SCHOELCHER, VOLTAIRE, ROUSSEAU, Marie CURIE, etc. Le siège du gouvernement restera à Versailles jusqu’à la
fin de l’Ancien Régime. La Révolution (1789-1799) étant une période troublée, il a fallu attendre le Consulat (1799-1804) et le 1er Empire (1804-1814) pour que
les constructions reprennent à Paris. Napoléon entreprend de grands travaux dans Paris, les premiers passages, les rues, les dégagements d’avenues. Sont notamment créés l’Arc de Triomphe, la
colonne de la Place Vendôme, le Palais de la Bourse, le marché des Halles, etc. A la suite de la défaite de Napoléon, Paris fut occupée entre 1814 et 1815 par les Autrichiens, ce qui ne lui
était plus arrivé depuis quatre siècles. Sous la Restauration (1830-1848), Louis-Philippe poursuit l’amélioration et l’embellissement de la ville, il construit des boulevards et des égouts, les
lignes de quai sont complétées. Durant le Second Empire, (1852-1870), Napoléon III confie au Baron HAUSSMAN, préfet de la Seine, une œuvre importante de rénovation de la ville de Paris. C’est
ce travail qui fonde l’architecture actuelle en superposant au vieux Paris et à ses ruelles pittoresques, un Paris moderne, fait de grands travaux et de places dégagées. Parallèlement au
développement du chemin de fer, Paris compte plus de 20 gares, de grands axes sont dégagés comme le boulevard Saint-Michel, Sébastopol, Magenta, Saint-Germain ; les monuments sont
restaurés et dégagés. 2000 hectares de parcs et jardins sont crées, dont le Bois de Boulogne, les Buttes-Chaumont dans le 19e ardt. le parc Montsouris dans le
14e ardt. Des théâtres sont érigés, Châtelet et l’Opéra Garnier. En 1860, des communes périphériques comme Auteuil, les Batignolles, la Villette et Charonne,
sont annexées à Paris qui est divisé en 20 arrondissements. L’Empire s’achève par la défaite à Sedan en 1870, la capture de Napoléon III ; les armées allemandes défilent sur les
Champs-Élysées Aldophe Thiers transfert le gouvernement à Versailles ; la Commune éclate entre mars et mai 1871.
Sous la
IIIe République (4 septembre 1870-10 juillet 1940), les événements de la Commune de Paris ont provoqué des destructions importantes de monuments ; l’Hôtel
de Ville et le château des Tuileries sont brûlés. L’église du Sacré-Cœur, sur la Butte Montmartre, a été construite en 1876 en mémoire de ces heures tragiques. Face à ces destructions, la
IIIe République va entreprendre de grands travaux d’architecture moderne et de rénovation. Ainsi, diverses expositions laisseront des traces impérissables,
comme l’édification de la Tour Eiffel en 1889, la construction de la première ligne de métro, du Grand et Petit Palais en 1900, l’Exposition Coloniale de 1931 avec le musée des Arts Africains
et Océaniens. Pendant la Deuxième Guerre Mondiale les monuments de Paris seront épargnés. Un boulevard périphérique est créé autour de Paris en 1960, le bois de Boulogne et le bois de Vincennes
sont annexés à la Ville de Paris. PARIS, capitale de la France, département, chef lieu de région de l’Ile de France, siège des différentes révolutions, ville littéraire et de la diversité, a
connu de profondes transformations avec la mandature, depuis mars 2001, du maire socialiste, Bertrand DELANOE.
I - Le Paris des révolutions
Paris a été le témoin et le siège de presque toutes les agitations qui ont secoué la France, notamment autour des thèmes de
liberté et de défense de la République. L’édification d’une République n’a pas été aisée en France, le processus s’est étalé sur plus de 150 ans, et après de multiples secousses et révolutions
qui se sont déroulées à Paris. La Révolution française du 14 juillet 1789 au 9-10 novembre 1799 Le 14 juillet 1789, le peuple de Paris prend la Bastille et c’est le début de la Révolution
Française qui fut à la fois un événement, un concept, mais surtout une rupture et un nouveau régime qui balaie l’Ancien Régime. Cette Révolution de 1789 replaça Paris à la tête de la France. La
cocarde tricolore fut constituée aux couleurs de la ville de Paris, le bleu et le rouge entrelacé du blanc monarchique. En cette fin du XVIIe siècle, le Siècle
des Lumières, la France ne peut plus se satisfaire de l’Ancien Régime. Cet ordre féodal dans lequel le Roi est à la fois le chef militaire, le justicier et le protecteur du pays, cet ordre dans
lequel la Noblesse défend ses privilèges avec l’épée, le Clergé est propriétaire du tiers des biens du pays, et un peuple misérable travaille, sans relâche et paie des impôts ; les gens
d’en bas sont taillables et corvéable à merci. Le roi Louis XVI n’est plus et n’a jamais été un chef militaire, un meneur d’hommes comme Henri IV ou Louis XIV avaient pu l’être, les Nobles sont
devenus des chefs de guerre bien médiocres et les Prélats sont devenus affairistes, le pays sombre dans une crise financière et morale, sans précédent.
L’élément déclencheur de la prise de la Bastille a été le renvoi, le 11 juillet 1789 ; de Jacques NECKER, Ministre des Finances, tenu par la Noblesse comme étant le responsable du désordre. Le 12 juillet 1789, la nouvelle connue à Paris provoque une consternation générale, on craignait sans ce ministre, la banqueroute de l’Etat, la disette générale et peut être une dissolution de l’Assemblée Nationale. Au Palais-Royal, propriété du Duc d’Orléans, où la police ne pouvait pénétrer, des orateurs agitaient le peuple par des harangues enflammées, parmi eux Camille DESMOULINS, debout sur une table appelle les Parisiens à l’insurrection. On connaît la suite des événements, les parisiens iront chercher Louis XVI à Versailles pour le placer aux Tuileries. Après une tentative de fuite, le Roi et la Reine seront arrêtés à la Varenne, et seront guillotinés le 21 janvier 1793. Le 9 novembre 1799 (18 Brumaire An VIII selon le nouveau calendrier révolutionnaire), le général Napoléon BONAPARTE met fin au régime du Directeur par un brutal coup d’Etat, et c’est un coup d’arrêt également à la Révolution française.
La Révolution bourgeoise de juillet 1830 à 1848
Menée essentiellement par des Républicains et soutenue par la bourgeoisie dépouillée de son droit de vote, la Révolution de
Juillet, qui se déroule à Paris, met fin à la Restauration. Le roi Louis-Philippe, abdiquera le 3 août 1830, et sera banni. Mais les jours qui vont suivre, la bataille se déplace du côté des
élites qui cherchent à décider du sort de la France (combat entre Royalistes et Républicains). Les Républicains ne parviendront pas à s’imposer, et c’est finalement, le duc d’Orléans
(Louis-Philippe) qui obtiendra le pouvoir dans une solution de compromis : la Monarchie de Juillet. Pour beaucoup, cette Révolution n’est qu’une demie victoire et annonce le retour d’une
politique réactionnaire et de nouvelles émeutes, notamment en 1832, à l’occasion des funérailles du général Lamarque, un républicain. C’est pourquoi, on parle de « révolution
confisquée ». Suite à cette Révolution des 27, 28 et 29 juillet 1830, Charles X, contraint d’abdiquer est remplacé par Louis-Philippe. Mais ce dernier n’a pas le titre de Roi, les
Républicains lui ont imposé la Charte de 1814, texte promulgué par Louis XVIII, lors de la Première Restauration et qui avait pour objectif de préserver les acquis de la Révolution de1789 et de
l’Empire. Ce nouveau texte, adopté le 7 août 1830, peut être résumé comme suit : la religion catholique n’était plus la religion d’Etat, mais la religion de la majorité des Français, la
censure est abolie, les troupes étrangères n’avaient plus le droit de servir dans l’Armée Française, l’initiative des lois est partagée entre le Roi et les Assemblées, la Chambre des députés
est élue pour 5 ans au lieu de 7 ans, l’âge d’éligibilité passe de 40 à 30 ans, l’âge d’électorat de 30 à 25 ans, le drapeau tricolore est adopté, et le double vote est aboli. Louis-Philippe
développera le système bancaire, les chemins de fer et achèvera la conquête de l’Algérie.
Le printemps des peuples ou la Révolution des idéalistes 1848 – 1851. Le 24 février 1848, au terme de trois jours d’émeutes et de malentendus, l’opposition libérale obtient le départ du roi
Louis-Philippe 1er. C’est la naissance de la IIe République. Son existence sera autrement plus brève (3 ans) que celle du
régime auquel elle avait succédé. C’est la fin du règne ennuyeux de Louis-Philippe, mari aimant qui menait une vie paisible au château des Tuileries ; la seule guerre notable qu’il a
engagée est la conquête de l’Algérie. Cet irénisme n’est pas du goût de tout le monde ; le Roi a été visé par de nombreux attentats et une violente grève des ouvriers du textile lyonnais,
les Canuts. Face à l’immobilisme du Premier Ministre conservateur François GUIZOT, les Républicains souhaitent organiser des discussions portant sur la réforme du régime et notamment du droit
de vote. C’est ainsi que se tient le premier banquet sous la houlette de Odilon Barrot, le 9 juillet 1847 à Paris. La campagne touchera environ 17 000 personnes pour se clore fin décembre. Mais
le Roi et Guizot refuseront de tenir compte des revendications républicaines et libérales. Le 22 février 1848, emmenée par Odilon BARROT, LEDRU-ROLLIN, Louis BLANC ou encore le poète Alphonse
de LAMARTINE qui deviendra Ministre des Affaires Etrangères, l’opposition à Louis-Philippe et à sa politique bourgeoise organise une gigantesque manifestation de la Madeleine au Palais-Bourbon.
Les incidents éclatent en fin d’après-midi. Un manifestant est tué. La Garde Nationale n’obéit plus aux ordres du Roi et se joint au peuple le lendemain. Louis-Philippe, refusant de tirer sur
les Parisiens, sera contraint d’abdiquer le 24 en faveur de son petit-fils, le comte de Paris. Mais l’insurrection se poursuit jusqu’à l’entrée des insurgés dans le Palais-Bourbon et la
proclamation de la République par LAMARTINE. Ainsi naît la IIe République qui établit le suffrage universel, abolit l’esclavage, met fin à la Monarchie de Juillet et donc, naturellement, rétablit la République. Cette révolution
parisienne a un énorme retentissement chez les élites européennes. Devant la contagion révolutionnaire, les monarques concèdent des Constitutions à Berlin, Munich, Vienne, Turin, etc. C’est
« le printemps des peuples ». La Commune de Paris mars à mai 1870. Ce qui frappe d’abord, c’est, du côté des insurgés, la frustration patriotique, l’anticléricalisme et la défense
d’une certaine idée de la République. La Commune de Paris, du 26 mars 1871 jusqu’à la « semaine sanglante » (21-28 mai), désigne une période révolutionnaire à Paris, qui, contre le
gouvernement, issu de l’Assemblée Nationale qui vient d’être élue, établit une organisation ouvrière comme organisatrice de la ville, et gouvernement prolétarien. Dans plusieurs autres villes
de France (Marseille, Lyon, Saint-Étienne, Toulouse, Narbonne, Grenoble, Limoges) des Communes sont proclamées à partir du 3 mars 1871, mais elles furent toutes rapidement réprimées. Pour Karl
MARX, c’est la première insurrection prolétarienne autonome. Mêlant blanquistes, proudhoniens et jacobins, elle aspirait à une République basée sur l’égalité sociale. Toutefois, par manque de
consensus, de temps, de moyens mais aussi parce qu’elle doit s’imposer face au gouvernement versaillais, elle n’a pas pu s’organiser efficacement.
Gouvernement insurrectionnel principalement ouvrier, d’inspiration socialiste, la Commune de Paris a dominé la capitale de mars à mai 1871. D’abord née d’un sentiment patriotique parisien issu
de la guerre franco-allemande de 1870, elle prend également le visage d’un mouvement social... La capitale est encerclée par les troupes prussiennes. La ville est bombardée chaque jour. Les
hommes valides, sous le commandement de Gambetta, sont enrôlés pour desserrer le blocus qui va durer cinq mois, dans le froid et la faim, malgré les différentes tentatives de sortie des
Parisiens. La France capitule le 28 janvier 1871. Au terme de plusieurs mois d’un siège qui a affamé les Parisiens et quelques jours après l’échec de TROCHU, Paris est contraint de capituler.
Prussiens et Français ont déjà signé un armistice puis un Traité de paix préliminaire à Versailles le 26 février 1871. La population parisienne, qui a douloureusement résisté, perçoit cette
capitulation comme une véritable trahison de la part du gouvernement de la défense nationale. Par ailleurs, l’une des clauses de l’armistice oblige ce gouvernement à organiser des élections
pour désigner les membres d’une Assemblée Nationale. Les votes aboutiront à la victoire d’une majorité de Monarchistes, favorables à la paix, contre les Républicains. La Commune ne s’est pas
limitée à la capitale, en mars 1871, Lyon, Marseille, Toulouse et quelques villes industrielles, Le Creusot, Saint-Étienne, ont connu des mouvements insurrectionnels. Mais, sauf à Marseille où
les manifestations se prolongent sur plusieurs jours, les autorités n’ont aucun mal à reprendre la situation en main. La Commune de Paris de 1871 est un événement singulier. Par certains
aspects, elle se rattache aux révolutions du XIXe siècle : 1830, 1848. Par d’autres, au contraire, elle annonce les grandes révolutions victorieuses du
XXe siècle, qui d’ailleurs s’en réclament explicitement. Lénine, parlant des événements de 1917 en Russie, rapprochait les soviets de l’organisation de la
Commune de Paris : la source du pouvoir n’est plus dans des lois préparées par un Parlement, « mais dans l’initiative venant d’en bas », des masses populaires. La guerre déclarée
à la Prusse par Napoléon III, en juillet 1870, avait accumulé, en France, les désastres militaires. Le 4 septembre, sous la poussée populaire, la République est proclamée. Un gouvernement -
auquel participent le général TROCHU, président, Jules FAVRE et Jules FERRY - est chargé, en principe, de continuer la guerre. Le peuple de Paris, assiégé par les Allemands à partir du 19
septembre, supporte avec un courage exemplaire le froid, la faim et les bombardements. Mais il s’avère bientôt que le gouvernement dit de « la Défense Nationale » n’est nullement
décidé à la lutte, tandis que le peuple de Paris réclame la guerre à outrance. Certes, la Commune a commis de lourdes fautes.
Elle n’a pu ni organiser sa défense, ni lier son action à celle de la province et de la paysannerie. Sans doute les conditions économiques n’étaient-elles pas mûres encore pour instaurer sur
des bases socialistes la nouvelle société qu’elle entrevoyait. Mais, par les décisions prises pour l’organisation du travail (suppression du travail de nuit pour les ouvriers boulangers,
suppression des amendes et retenues sur les salaires, réouverture et gestion des ateliers par des coopératives ouvrières) et par diverses mesures sociales, la Commune a tracé la voie à une
société qui ne serait plus gérée au profit du capitalisme, dans l’intérêt de la bourgeoisie, mais qui déboucherait sur le socialisme. La Commune fut finalement vaincue durant la Semaine
sanglante, qui débuta avec l’entrée des troupes versaillaises dans Paris le 21 mai pour s’achever avec les derniers combats au cimetière du Père-Lachaise le 28 mai. Les témoins évoquent tous de
nombreuses exécutions sommaires de la part des troupes versaillaises. On évoque, selon les sources, de 10 000 à 25 000 exécutions sommaires, viols, meurtres d’ouvriers communards durant la
Semaine sanglante. En contrepartie, il faut noter que les Communards détruisirent une partie de Paris, notamment en incendiant volontairement plusieurs monuments publics historiques : le
Palais des Tuileries, le Palais de Justice, le Palais de la Légion d’honneur, et l’Hôtel de Ville... L’essentiel de l’état civil parisien fut détruit durant ces incendies. Il est néanmoins
nécessaire de rappeler que les bombardements incessants des troupes régulières françaises et prussiennes furent responsables de nombreux incendies. Parallèlement, des otages sont pris par les
Communards. L’archevêque de Paris, Mgr Georges DARBOY, est arrêté le 4 avril 1871 avec quatre innocents, selon l’ordre de la Commune de Paris qui agit selon le
« décret des otages » du 2 prairial An 79. Il est enfermé à la prison de Mazas, et est exécuté à la Roquette suite à l’attaque des versaillais, le 24 mai 1871, en bénissant ses
bourreaux. La répression des Communards fut féroce : près de 10 000 condamnations à mort, 4 000 déportations au bagne de Nouvelle-Calédonie, etc. Les lois d’amnistie n’interviendront qu’en
1880. La basilique du Sacré-Cœur de Montmartre à Paris fut construite à partir de 1873 par l’Église et l’État pour, entre autre, « expier les crimes des communards ». Premier pouvoir
révolutionnaire prolétarien, la Commune de Paris a depuis été revendiquée comme modèle - mais avec des points de vue différents - par la gauche, l’extrême gauche et les anarchistes ; elle
inspira de nombreux mouvements révolutionnaires qui en tirèrent des leçons leur permettant d’entreprendre d’autres révolutions (la Révolution russe et les conseils (soviets), la guerre civile
espagnole et les collectivités, etc.).
La Révolution estudiantine de mai 1968
La crise de mai 1968 présente des aspects communs avec les révoltes sociales que l’on vient d’évoquer. Mais dans son déroulement et ses causes, elle un moment profondément original : elle débute par un violent mouvement de protestation étudiante, entraîne une mobilisation des salaires et des intellectuels dont Jean-Paul SARTRE, et débouche sur une crise politique majeure. Au cours des années soixante, les profondes mutations de l’économie française suscitent des inquiétudes et des aspirations nouvelles auxquelles la multiplication de nouveaux médias (radios et télés) contribue à donner un écho national. Une révolte des étudiants, qui se produit dans de nombreux pays (Berkeley aux Etats-Unis, Rome, Allemagne, à Tokyo, en Tchécoslovaquie, Mexique…), atteint la France.
La grève des étudiants démarre d’abord dans la banlieue parisienne, à Nanterre, et est conduite par un groupe anarchiste, le « mouvement du 22 mars », dont le chef est Daniel COHN-BENDIT. Les étudiants qui composent ce groupe réagissent à l’arrestation de leurs camarades lors d’une manifestation contre la guerre du Vietnam. Ils occupent trop longtemps une salle du conseil de la Faculté des Lettres, avec de nombreux incidents, si bien que le Recteur décide de fermer la faculté le 2 mai 1968. Les troubles se propagent surtout à Paris, en mai 1698, et notamment au Quartier Latin. La police, à la demande du Recteur, fait évacuer la Sorbonne où se tient un meeting de protestation. Les étudiants dressent alors des barricades au boulevard Saint-Michel, lancent des pavés et des cocktails Molotov. L’évacuation de la Sorbonne se déroule avec une grande brutalité, 6 00 étudiants sont arrêtés. Lassés d’une société autoritaire et paternaliste, les jeunes dénoncent pêle-mêle le capitalisme, l’austérité morale du gaullisme, les arrestations de leurs camarades, tout en prônant la libération sexuelle, plus de droits pour les femmes. Les gauchistes, souvent d’obédience maoïste, couvrent les murs de Paris de différents slogans : « L’imagination au pouvoir », « Il est interdit d’interdire », « Faites l’Amour pas la guerre », « Sous les pavés la plage », etc. La révolte, d’abord universitaire, débouchera sur des grèves et une crise sociale généralisée qui a menacé la République. Le 27 mai 1968, avec des syndicats, les accords de Grenelle sont signés sous l’égide de Georges POMPIDOU (relèvement du SMIG de 2,22 à 3 francs de l’heure, augmentation des salaires de 7%, la semaine de travail passe de 43 à 40 heures, libre exercice du droit syndical dans les entreprises, etc.). Mais les troubles continuent. Le général de Gaulle part précipitamment à Baden Baden, puis revient, mobilise ses partisans, fait un discours énergique, dissout l’Assemblée Nationale en juin 1968, mais remettra par la suite sa démission en 1969.
II - Le Paris de la littérature et de la culture : La ville des « Lumières »
Le Paris des salons littéraires et des cafés fait songer à une ville d’un bouillonnement culturel incessant, une ville « Lumières ». Au XVIIIe siècle, Paris devient le laboratoire des idées philosophiques des « Lumières », dans les salons littéraires, dans les premiers cafés. On y entretient un débat passionné sur l’égalité, la liberté et la souveraineté nationale. Près de 300 cafés s’ouvrent à Paris, pour proposer naturellement du café, mais les idées s’échangent autour d’écrivains de renom. Le café Laurent Montaigne, et le Procope ouvert en 1695 par un Sicilien, reçoit d’ALEMBERT et CONDORCET. Dans les salons littéraires, la maîtresse des lieux, outre les faveurs qu’elle propose, doit s’attacher les services d’un philosophe qui organise des débats et dirige le salon. Ainsi, le salon de la « Cour des Sceaux » créé par une petite fille de Condé, accueille écrivains et philosophes ; le salon de Julie de LESPINASSE est fréquenté par Jean-Jacques ROUSSEAU, TURGOT et CONDILLAC ; MONTESQUIEU et MARIVAUX ont préféré aller au salon LAMBERT crée en 1710.
La vitalité intellectuelle des étudiants noirs à Paris, avant l’Indépendance, mérite d’être signalée. Divers mouvements littéraires et de quête identitaire sont lancés à Paris et qui n’auront pas d’équivalent après l’Indépendance, comme Légitime défense, l’Etudiant Noir, Tropiques, Présence Africaine et surtout, la Négritude. A l’instar des salons littéraires du XVIIIe siècle, une Revue du Monde Noir, bilingue qui parut entre le 20 novembre 1931 et le 30 avril 1932, avait été fondée, à Paris, par le docteur SAJOUS, un ressortissant libérien. Ce salon littéraire a permis la rencontre de plusieurs intellectuels noirs parisiens, comme Léopold Sédar SENGHOR, Léon GONTRANS DAMAS, Etienne LERO, René MENIL, René MARAN, Félix EBOUE, le docteur PRICE-MARS, sénateur de Haïti. Ajoutons à cela que l’ethnologue allemand Léo FROBENIUS a collaboré à cette revue qui a lancé le mouvement de la Négritude, puissant manifeste de l’originalité de la personnalité noire face à l’européocentrisme des Occidentaux. La Négritude a démontré la nécessité d’effacer de l’esprit des Blancs et Noirs, l’image stéréotypée du Nègre sous-homme, taré et inconscient. Léopold Sédar SENGHOR dira plus tard que ce mouvement de la Négritude est une quête de « découverte des valeurs noires et la prise de conscience pour le Nègre de sa situation ». La Revue Légitime Défense, fondée par des étudiants antillais, Etienne LERO, René MENIL et Jules Marcel MONNEROT, avec le soutien d’André BRETON qui est communiste, est lancée à Paris en juin 1932 ; elle se veut plus radicale et agressive que la Revue du Monde Noir qui est modérée et qui a été subventionnée par le Ministère des Colonies. La littérature traditionnelle antillaise est jugée trop conformiste et détourne le Noir de sa propre culture. La Revue Etudiant Noir, fondée à Paris a fonctionné entre 1934 et 1940. Ce périodique est dirigé par un groupe d’étudiants africains et antillais autour de Léopold Sédar SENGHOR, Aimé CESAIRE, Léon GONTRANS DAMAS, Léonard SAINVILLE, Birago DIOP et Ousmane SOCE. C’est l’organe qui appartient en propre au mouvement de la Négritude. Dans ses recherches universitaires, la spécialiste de la question Lylian KESTELOOT affirme n’avoir pas trouvé un seul exemplaire de la Revue Etudiant Noir. Léon GONTRANS DAMAS, fait allusion à cette revue dans une contribution datée de 1960 : « L’étudiant Noir, journal corporatif et de combat avec pour objectif la fin de la tribalisation, du système clanique en vigueur au Quartier Latin. On cessait d’être un étudiant essentiellement martiniquais, guadeloupéen, guyanais, africain, malgache, pour n’être plus qu’un seul et même étudiant noir. Terminé la vie en vase clos ». Léopold Sédar SENGHOR de préciser « Nous étions alors plongés (entre 1932 et 1935), avec quelques autres étudiants noirs, dans une sorte de désespoir panique. L’horizon était bouché. Nulle réforme en perspective, et les colonisateurs légitimaient notre dépendance politique et économique par la théorie de la table rase. Nous n’avions, estimaient-ils, rien inventé, rien créé, ni sculpté, ni chanté... Pour asseoir une révolution efficace, il nous fallait d’abord nous débarrasser de nos vêtements d’emprunt, ceux de l’assimilation, et affirmer notre être, c’est-à-dire notre négritude ». Dans cette mouvance et en réaction au statu quo culturel martiniquais que Aimé CESAIRE, René MENIL et Aristide MAUGEE, fondent à Paris, en 1941, la revue Tropiques, dont le projet est la réappropriation par les Martiniquais de leur patrimoine culturel. Alioune DIOP, un saint-louisien et panafricaniste (1910-1980), fonde à Paris, en 1947, la revue Présence Africaine, qui se veut le support favorisant la liberté d’expression des intellectuels noirs. Cette revue a pour ambition l’émergence d’une prise de conscience pour les hommes noirs de leurs qualités d’hommes libres et des possibilités qui leurs sont offertes pour une réussite commune de leurs projets. André GIDE, Jean-Paul SARTRE, Aimé CESAIRE et Christiane DIOP, l’épouse d’Alioune DIOP, ont participé à l’élaboration de cette revue. Ousmane Socé DIOP (Rufisque 31 octobre 1911-Dakar 27 octobre 1973) est l’auteur de Mirages de Paris, publié en 1931 aux Nouvelles Editions Latines. Ce roman autobiographique, sur l’amour impossible d’un Noir et d’une Française, le fantasme de Paris et la réalité de la ville, est l’une des manifestations littéraires de la négritude. C’est un roman anti-colonial ; c’est dire que le séjour à Paris de nos élites africaines a été un facteur puissant de stimulation intellectuelle. Ce qui fait l’originalité de Paris c’est sa vitalité culturelle ; diverses expositions s’y tiennent en permanence, et certaines concernent le continent noir, comme l’Exposition Coloniale de 1931, l’exposition des œuvres de Ousmane SOW, ainsi que les expositions permanentes au Quai Branly. Le 6 mai 1931, s’ouvre à l’Est parisien, dans le bois de Vincennes, une exposition coloniale. Les dirigeants de la IIIe République veulent, avec cette manifestation, convaincre l’opinion publique du bien-fondé des conquêtes coloniales. Pour l’occasion, est construit un musée permanent des colonies à la Porte Dorée et une pagode bouddhiste ; on y aménage un parc zoologique. Le temple cambodgien d’Angkor Vat et la mosquée de Djenné au Niger, sont reconstitués. L’inauguration se déroule en présence de milliers de figurants : danseuses annamites, artisans africains dans un village reconstitué, cavaliers arabes, etc. 33 000 000 tickets pour les visiteurs sont vendus. Né à Dakar en 1935, Ousmane SOW, et à l’initiative du maire de Paris de l’époque, Jean TIBERI, a exposé ses sculptures au Pont des Arts en 1999. Cette exposition parisienne a attiré 3 000 000 visiteurs, et a procuré, à l’artiste sénégalais, une notoriété mondiale qui fait de lui l’un des plus grands sculpteurs contemporains. Ousmane SOW sculpte l’humanité, les civilisations perdues et les mondes ancestraux. Le Président Jacques CHIRAC a légué à la postérité le musée du Quai Branly (inauguration le 20 juin 2006), à Paris dans le 7e arrondissement. C’est un musée en grande partie dédié au continent africain, puisqu’il est spécialisé dans les Arts Premiers et abrite plus de 300 000 objets issus du musée de l’Homme au Palais Chaillot et du musée des Arts d’Afrique et d’Océanie transformé en Cité nationale de l’histoire de l’immigration, à la porte Dorée.
III - Le Paris romantique ou la ville – musée ?
Comme Venise, Paris est considéré par certains, comme une ville musée ; c’est une commune qui se vide progressivement de sa population (3 000 000 au début du XXe siècle, 2,1 à l’Orée du XXIe siècle et probablement 1,9 en 2024), en raison de la flambée du prix de l’immobilier qui peut atteindre, dans certains quartiers, 17 000 € le mètre carré.
En dépit de cette donnée, les touristes qui viennent admirer la capitale estiment que c’est un endroit romantique, la gastronomie y est de qualité, on y trouve des produits de luxe, et surtout de nombreux monuments à visiter. Nous n’évoquerons que quelques grands monuments parisiens, comme la Tour Eiffel, l’Arc de Triomphe, Notre-Dame, le Louvre et l’Opéra de Paris. La Tour Eiffel, située sur le Champs de Mars, est le monument emblématique de Paris ; haute de 300 mètres, et construite par Alexandre Gustave BONNICKAUSEN dit Gustave Eiffel et 50 autres ingénieurs, pour l’Exposition de 1889 qui marque le centenaire de la Révolution de 1789 ; elle est le monument payant le plus visité au monde, plus de 7000 000 de visiteurs ; ce qui attire des commerçants ambulants, notamment des Sénégalais. Gustave Eiffel (Dijon 1832 - Paris1923) fait installer sur la Tour un laboratoire météo à son sommet. En 1903, il a été envisagé de démolir la Tour qui n’était qu’une exposition provisoire. A partir de 1910, la TSF installée à son sommet, émet des signaux à destination du monde entier. La Tour Eiffel a également servi aux débuts de la télévision en 1925. En 1806, Napoléon confie à l’architecte François CHALGRIN la construction d’un Arc de Triomphe à la gloire des armées françaises. En effet, auparavant et au lendemain de la bataille d’Austerlitz (2 décembre 1805), dans sa proclamation à ses soldats, Napoléon avait écrit : « Je vous ramènerai en France ; vous ne rentrerez dans vos foyers que sous des arcs de triomphe ». L’Arc de Triomphe est situé dans l’axe reliant le Louvre à la Grande Arche de la Défense. Symboliquement, l’Arc de Triomphe, c’est le pont qui permet de passer d’une époque à une autre ; c’est le symbole national d’unicité et de solidarité, car c’est le carrefour du présent et du passé. C’est le Baron HAUSSMAN qui a eu l’idée de l’emplacement de cet édifice, appelée Place de l’Etoile, au carrefour de trois grandes avenues : l’avenue de la Grande Armée, l’avenue de Wagram et l’avenue des Champs Elysées. Commencé en 1806, reprise en 1825, l’Arc de Triomphe n’est inaugurée que le 30 juillet 1836. Sa taille est monumentale, 50 m de haut et 45 m de large. Le 15 décembre 1840, lors de la cérémonie du transfert des cendres de Napoléon, le cortège passe sous l’Arc. Le 22 mai 1885, le corps de Victor HUGO qui repose au Panthéon, est veillé sous l’Arc de Triomphe. Le 14 juillet 1919, les troupes victorieuses défilent sous l’Arc, et le 11 novembre 1920 a eu lieu l’inhumation d’un soldat inconnu mort durant la guerre. En 1923, une flamme du souvenir est allumée en l’honneur des morts tombés à la guerre.
Que dire sur l’église Notre-Dame de Paris ?
C’est Maurice de SULLY sur Loire qui, évêque en 1160, décida la construction d’un grandiose édifice, chef d’œuvre du Moyen Age, en remplacement des églises Notre-Dame et Saint-Étienne qui dataient du VIe siècle. C’est à Marie, la Mère de Dieu, que l’évêque Maurice SULLY a voulu dédier la cathédrale toute entière, elle lui est consacrée, Notre-Dame de Paris ! On ne compte d’ailleurs pas moins de 37 représentations de la Vierge (sculptures, peintures, vitraux…).Selon Grégoire de Tours, l’ancienne église Notre-Dame serait construite par CLOVIS après la guérison de son fils CHILDEBERT. Commencés en 1163, sous Louis VII, les travaux de Notre-Dame de Paris, allaient durer jusqu’en 1330 environ. L’architecte de génie qui bâtit la cathédrale, initialement, sur un style gothique, demeure inconnu ; son œuvre va recevoir différentes retouches de différents architectes entre le XIIIe et le XIVe siècle (Jean de CHELLES, Pierre de MONTREUIL, Jean RAVY, Jean Le BOUTEILLER, etc.). Au cours des siècles, la cathédrale subira différentes transformations. Ainsi, en 1699 Louis XIV confie à Robert de Cotte la réalisation des travaux pour respecter le voeu de Louis XIII. Il en résultera la destruction du jubé, des stalles et du maître-autel. Quant aux murs, ils seront badigeonnés de blanc. Pendant la Révolution, l’intérieur est pillé ; l’autel devient celui de la « Déesse de la Raison » et Notre-Dame sera ensuite transformée en entrepôt. L’église subit des sorts divers, et il n’en restait guère qu’un squelette effrité, avant d’être solennellement rendue au culte en 1802. Le fameux livre de Victor HUGO, Notre-Dame de Paris, paru en 1831, qui exprimait, à sa façon, le retour au Gothique, créa un mouvement qui aboutit en 1844, au décret de Louis-Philippe prescrivant la restauration, confiée à Jean-Baptiste LASSUS (décédé un peu tôt en 1857) et Eugène VIOLLET-le-DUC (1814-1879). Ces architectes refirent, avec une grande habilité, le décor d’antan. Les travaux intérieurs achevés, Mgr DARBOY avait consacré la cathédrale, le 31 mars 1864, cérémonie qui n’avait pas eu lieu au Moyen Age. La commune de Paris de 1871, en tuant l’archevêque, faillit aussi anéantir l’édifice qui n’échappa à l’incendie qu’au dernier moment. Depuis 1988, l’architecte Bernard FONQUERNIE a pris la direction des travaux de rénovation de Notre-Dame, qui se poursuivent encore. Depuis sa construction, Notre-Dame est l’un des grands symboles de Paris et de la France. De grands évènements religieux et politiques s’y sont déroulés ce qui a fait dire à l’historien MICHELET que « Notre-Dame est à elle seule un livre d’histoire ». De faits marquants de l’histoire de France s’y déroulent : 1229, le jeudi saint, Raymond VII de Toulouse fait amende honorable ; 1239, le roi Saint Louis, pieds nus, porte la couronne d’épines, les Parisiens y ont veillé le corps du roi Saint Louis qui était mort à Tunis ; en 1302 le roi Philippe le Bel y a ouvert les premiers Etats Généraux du Royaume de France ;1430, Henri VI d’Angleterre est couronné roi de France ; mais en 1447, 1455, début du procès de réhabilitation de Jeanne d’Arc ; Charles VII célèbre par un Te Deum la reprise de Paris ; le très politique mariage de la catholique Marguerite de Valois et du huguenot Henri de Navarre sera célébré dans la cathédrale en 1572. Ce dernier devra rester à la porte au cours de la cérémonie : « Paris vaut bien une messe » dira-t-il à cette occasion ; 1590, les chefs de la Ligue jurent de ne jamais reconnaître le huguenot Henri IV ; en 1660, c’est le Te Deum célébré à l’occasion du mariage de Louis XIV ; c’est LUXEMBOURG - le tapissier de Notre-Dame - qui porte ici les drapeaux ennemis ; en 1668 Turenne abjure ; le 10 mars 1687 Bossuet prononcera ici l’un des plus beaux textes de la littérature française, l’oraison funèbre du prince de Condé. Au XVIIIe - malgré Versailles, Notre-Dame garde encore sa place, et c’est là que les reines - Marie Leczynska, Marie-Antoinette, - viennent prier à leurs relevailles (cérémonie religieuse de bénédiction des femmes après leurs couches) ; le 2 décembre 1804, c’est le sacre de NAPOLEON, le sacre peint par Jacques-Louis DAVID et ses drapeaux d’Austerlitz « tapissent » eux aussi Notre-Dame en 1805 ; en 1811, baptême du roi de Rome ; 30 janvier 1853 mariage de Napoléon III ; le baptême du prince impérial en 1856. Depuis 1918, la vieille église semble avoir plus que jamais repris sa place, avec les funérailles nationales de Maurice BARRES (1923), de FOCH (1929), de JOFFRE (1931), de Raymond POINCARE (1934), du général LECLERC (1947), du maréchal de LATTRE de TASSIGNY (janvier 1952), de Paul CLAUDEL (février 1955), du maréchal JUIN (février 1967), et surtout la cérémonie de la Libération, le 26 août 1944, et le Te Deum de la Victoire, le 9 mai 1945 (Te deum cantique pour rendre grâce à Dieu d’une victoire ou de quelque autre événement heureux). Le 12 novembre 1970, en présence de nombreux chefs d’Etat étrangers, eurent lieu les obsèques officielles du général de Gaulle, alors que le même jour à Colombey-les-deux-églises se déroulait la cérémonie privée suivie de l’inhumation. Une cérémonie religieuse est également consacrée à François MITTERRAND le 11 janvier 1996 ; JEAN-PAUL II y est venu deux fois en 1980 et 1997, pour les journées mondiales de la jeunesse, etc.
Le Palais du Louvre et le jardin des Tuileries
Le Palais du Louvre est le plus vaste ensemble architectural de France. Au Moyen Age, à la Renaissance et sous l’Ancien
Régime il a été la résidence des Rois de France, il est donc chargé d’Histoire. Rois, Empereurs et République l’ont fait construire et réaménagé sans cesse sur sept siècles. Le palais est
prolongé par le grand Jardin des Tuileries où sont également exposées de nombreuses sculptures. Le Louvre accueille un musée qui est un des plus beaux et des plus importants du monde. On y
présente de nombreux chefs d’oeuvre dont le plus célèbre est la Joconde de Léonard de Vinci. Le nombre et la qualité des peintures sont impressionnants, de même que l’exposition consacrée aux
Antiquités et Sculptures. Le Louvre s’est développé élément par élément au fur et à mesure du développement du rôle politique de Paris et des heurs et malheurs de l’Histoire de France. Tout
commence avec le roi Philippe-Auguste qui fait édifier un château fort au début du XIIIe siècle. Entre 1190 et 1210, le Roi de France Philippe-Auguste fait
construire le premier château du Louvre. Il fait partie de l’enceinte fortifiée qui s’élève autour de Paris. Cette forteresse du Louvre a une triple fonction : servir de logement sûr et
sécuriser le trésor du Roi, à l’abri des sautes d’humeur des habitants, contrôler ces mêmes habitants et enfin protéger la ville sur son flanc ouest et en particulier l’accès par la Seine En
effet c’est de là que peuvent venir les attaques du Roi d’Angleterre. A cette époque, le roi Philippe-Auguste réside dans son palais de l’île de la Cité, mais il entrepose dans le Donjon du
Louvre son trésor et ses archives. Il y enferme aussi les prisonniers de marque comme Ferrand, comte de Flandre après la victoire de Bouvines en 1214. Le château évolue dans le temps, Saint
Louis y fait édifier une allée où il rend la justice et ses successeurs édifient de nouveaux bâtiments.
Dans la
dernière partie de la Guerre de Cent Ans (guerre la France et l’Angleterre 1337-1453) Les Plantagenets d’Angleterre s’installent à Paris. Henri V puis son frère, le régent Duc de Bedford,
résident au Louvre. Par force, les rois Capétiens-Valois s’établissent dans le Val de Loire. C’est là que sont construits les châteaux de la Renaissance, sous l’influence de l’architecture
italienne. Cette forteresse est transformée en résidence par le roi Charles V à la fin du XIVe siècle. Le château médiéval est rasé au début du XVIe siècle par le roi François 1er qui fait reconstruire à sa place un Palais par l’architecte Pierre LESCOT. Les travaux engagés sont
poursuivis par le roi Henri II et achevés sous le roi Henri III. En 1563, Catherine de Médicis fait construire le Palais des Tuileries à 500 mètres du Louvre. Le roi Henri IV poursuit les
travaux avec le Pavillon de Flore et la Galerie du Bord de l’Eau qui réalisent la jonction antre le Palais du Louvre et celui des Tuileries. En 1624 Louis XIII fait réaliser le Pavillon de
l’Horloge par l’architecte Pierre LEMERCIER puis Louis XIV fait édifier par LE VAU les ailes Nord et Est de la Cour Carrée, ce qui assure son achèvement. A la fin du XVIIe siècle le roi Louis XIV et sa cour s’installent à Versailles, délaissant le Louvre à partir de ce moment ; celui-ci est occupé par des artistes mais aussi
transformé en habitations. Au début du XIXe siècle, l’empereur Napoléon I, qui réside au Palais des Tuileries, engage la restauration du Louvre, c’est lui qui
constitue le premier Musée du Louvre. Une cinquantaine d’années plus tard Napoléon III achève le Palais. Au moment de la Révolution Française, la Convention décide de l’ouverture au Louvre d’un
muséum des Arts et Sciences, il est enrichi par les oeuvres figurant dans les bien saisis sur les émigrés et sur l’Eglise catholique. Les guerres en Flandre et en Italie amènent en France de
nombreuses oeuvres d’art qui sont attribuées à ce musée. La surface qui lui est allouée s’avère bientôt insuffisante. Peu après, à l’issue de la Guerre de 1870-1871, la Commune de Paris fait
incendier le Palais des Tuileries qui est détruit, certains bâtiments du Louvre sont endommagés. Le Palais du Louvre est restauré à la fin du XIXe siècle. Mais
le Palais des Tuileries n’est pas restauré, il devient un jardin public. Un temps partiellement occupé par le Ministère des Finances (la partie Nord), le Louvre a été réaménagé à la fin du
XXe siècle à l’initiative du Président de la République François Mitterrand. Il a, en particulier, fait construire la Pyramide du Louvre pour accueillir les
nombreux visiteurs du Musée.
Comment est née l’idée d’un Opéra National à Paris ?
Depuis fort longtemps, l’aristocratie et la bourgeoisie se rendaient au théâtre pour écouter l’art lyrique. L’opéra était écouté dans des lieux successifs. Avant le grand Opéra Garnier, il y eut d’abord un Théâtre national (1794-1820) à la salle du Square Louvois qui était un hôtel particulier dans le 2e arrondissement. Le duc de Berry, second fils du comte d’Artois, (futur Charles X) y est assassiné le dimanche 13 février 1820 ; la salle est alors détruite sur ordre du roi Louis XVIII. La troupe de l’opéra obligée de déménager, s’installe provisoirement rue Le Pelletier. Cette rue a été baptisée du nom de Louis Le Pelletier de Mortefontaine, prévôt des marchands de Paris avant la révolution. Ce théâtre fut inauguré le 16 août 1821 et le 6 février 1822, on utilisa pour la première fois le gaz pour éclairer les effets de scène lors du ballet « Aladin et la lampe merveilleuse ». C’est là que furent crées « le Trouvère », le « Tannhäuser » entre autre, et qu’eurent lieu de très grands bals romantiques. Mais cet opéra n’était que provisoire, car naissait l’idée du grand Opéra de Paris. Cet opéra de la rue Le Pelletier fut détruit en 1873, par un gigantesque incendie : le feu dura 24 heures et consuma le théâtre tout entier. La station de métro « Le Pelletier » sur la ligne 7, nous fait penser à ces deux faits dramatiques. L’idée d’un grand Opéra, dédié à la danse et à la musique était depuis longtemps « dans l’air ». Par décret du 29 septembre 1860, Napoléon III déclare d’utilité publique la construction d’une très belle salle pour remplacer celle de la rue Le Peletier. Le baron HAUSSMAN, préfet depuis 1853, avait déjà tracé des projets de voies monumentales, en particulier une large avenue assurant la desserte des Tuileries, et il choisit un emplacement de 10 000 m2, espace dégagé, résultant du croisement de ces voies haussmanniennes pour implanter le bâtiment. Restait à trouver l’architecte !et ce fut, après concours, Charles GARNIER, un jeune architecte, peu connu, qui a été retenu à l’unanimité, et il reçut 1500 Francs. Lorsque GARNIER présenta ses plans à l’Impératrice Eugénie, elle s’étonna : « quel affreux canard, ce n’est pas du style, ce n’est ni grec ni romain ! » Charles GARNIER eut alors une répartie fameuse : « c’est du Napoléon III, Madame ! ». Après cela GARNIER, fut surnommé « le Véronèse de l’architecture ». En effet, l’Opéra Garnier est un mélange exubérant de baroque, de faste, d’éclectisme. L’Opéra est le monument le plus représentatif de l’art officiel du Second Empire, c’est à dire symbole de luxe et des plaisirs parisiens. Par sa superficie, c’est le plus grand théâtre d’Europe : 172 m de long, 124 m de large et 79 m de haut, il peut contenir plus de 2000 spectateurs. Garnier sut s’entourer de 73 sculpteurs et 14 peintres. La première pierre fut posée le 21 juillet 1862. Les travaux furent longs et difficiles. Ce que GARNIER n’avait pas prévu, c’est que sous cet espace, une nappe phréatique importante, alimentée par un bras préhistorique de la Seine provoquerait une inondation permanente. Durant les travaux, l’eau s’infiltrait sans arrêt. Après des crises de découragement, Garnier réussit à isoler les sous-sols par un double mur. Pour assainir le terrain, et terminer les travaux il eut recours à huit pompes à vapeur qui travaillèrent jours et nuits durant huit mois. Puis pour contenir la pression des eaux d’infiltration, il fit construire au plus profond des sous-sols de l’Opéra un lac souterrain, dans une cuve de béton et de ciment. La façade fut dévoilée au public en 1867 pour l’Exposition Universelle, mais l’intérieur restait inachevé. Vint la guerre de 1870, la chute de l’Empire, la Commune et l’arrêt du chantier faute d’argent. Enfin l’inauguration officielle eut lieu le 5 janvier 1875 par le Président MAC-MAHON, en présence du Lord Maire de Londres, de la famille royale d’Espagne et du bourgmestre d’Amsterdam. Charles GARNIER, l’architecte, le créateur de ce monument fut invité, mais dut payer sa place dans une deuxième loge. Au centre de la salle on peut admirer un gigantesque lustre de cristal et de bronze pesant plus de huit tonnes. Le 20 mai 1896, alors que deux mille personnes assistaient à la représentation de Faust, un contrepoids du lustre se décrocha, entraînant la chute de l’ensemble sur les spectateurs. Il y eut de nombreux blessés et une femme fut tuée. La coupole d’origine, peinte sur cuivre est intacte, mais cachée par un faux plafond décoré par CHAGALL en 1964. Le rideau de scène pourpre est une copie du rideau d’origine peint par RUBE et CHAPERON. Parmi toute cette magnificence, on ne peut oublier les cariatides de marbre vert des loges d’honneur dominant la scène large de 50 m, 26 m de profondeur, et 35 m de haut. L’arrière-scène conduit au foyer de la danse, avec miroirs et panneaux peints par Gustave BOULANGER. Un étroit couloir relie le pavillon de l’Empereur situé sur le côté de l’Opéra, et le Foyer de la danse. Il était réservé aux messieurs qui venaient rendre visite aux danseuses ; c’est l’univers du peintre DEGAS. Les sous-sols furent le théâtre de drames atroces. En effet sous la Commune de Paris, l’administration révolutionnaire transforma en entrepôts les premières salles construites, et lorsque les Versaillais réussirent à pénétrer dans Paris le 21 mai 1871, les souterrains servirent de cachots et furent le théâtre de terribles exécutions de Communards. C’est un squelette laissé par la Commune, le mystère de ce lac, les doubles murs qui inspirèrent à Gaston LEROUX, en 1925 son roman le Fantôme de l’Opéra. Cette histoire a inspiré le metteur en scène Brian de Palma pour son film Phantom of the Paradise. Si le fantôme est une légende, les eaux souterraines existent bien, et des poissons y vivent, nourris par les machinistes de l’Opéra. Ce monument est un des plus prestigieux monuments de Paris, sa bibliothèque conserve plus de 80 000 partitions et livres, 25000 maquettes de costumes, et de décors des opéras et ballets. Enfin ce palais est gardé par de courageuses ouvrières : deux belles ruches sont installées sur le toit et les abeilles de l’Opéra, grâce au pollen des fleurs des jardins de Tuileries, du Palais Royal et des balcons des alentours donnent un miel délicieux ! Lorsque François MITTERRAND fit construire l’Opéra Bastille, le Palais Garnier ne devait plus accueillir que les spectacles de danse, mais après sa rénovation, depuis le 1er mars 1996, il présente en alternance des spectacles lyriques et des ballets. IV - Le Paris de la diversité ou Paris des bobos au XXIe siècle Sur le thème de « changer d’ère », M. Bertrand DELANOE est maire socialiste de Paris depuis le 18 mars 2001. Lors des élections de mars 2008, il a souhaité « donner un temps d’avance » à la ville de Paris. En effet, la ville de Paris a quitté la rubrique des faits divers (M. CHIRAC, ancien maire de Paris, est mis en examen dans le dossier des emplois fictifs), pour se doter d’un projet progressiste, novateur et ambitieux, notamment en matière de lutte contre la pollution qui a atteint des niveaux record. A Paris la pollution a fortement diminué sous l’effet de diverses mesures : l’augmentation en offre de bus et de métro, la mise en place d’un tramway qui va couvrir la petite ceinture, le développement des voitures en libre service et du réseau Vélib’, le renouveau du transport fluvial. Paris a adopté un plan climat avec pour ambition une baisse des gaz à effet de serre de 75% à l’horizon 2050. L’ancien Premier Ministre Lionel JOSPIN a vanté le bilan de M. DELANOE en qualité de Maire de Paris ; il a su « redonner sa fierté à cette ville magnifique » qui est devenue, « à nouveau attractive ». Selon lui, M. DELANOE a constamment recherché à réduire les inégalités ; il conduit une très bonne gestion, et de gauche, et aussi des « qualités de visionnaire ». L’ancien Premier Ministre estime « qu’une ville mythique comme Paris a besoin de se réunir, d’attirer de vibrer autour d’événements festifs et populaires ; M. DELANOE a su les inventer ». M. Jospin fait valoir que ce qui distingue le plus l’ère DELANOE de l’ère CHIRAC et TIBERI, c’est « l’intégrité personnelle, la rigueur de gestion et un dévouement entier à son rôle de Maire ». M. DELANOE a su « veiller à un développement équilibré de la ville, les quartiers de l’Est parisien (18e et 19e arrondissements), cessant enfin d’être oubliés ». D’après un sondage 67% des Parisiens jugent le bilan de M. DELANOE, qui ne se représentera pas en 2014, positif. Les Parisiens ont notamment apprécié l’animation de la ville (Paris Plage, Nuit blanche, etc.), l’embellissement de la capitale, son rayonnement, son environnement et ses transports en commun, l’extension des modes de garde de la petite enfance (crèches et garderies). Il reste des points à améliorer, notamment la propreté, la sécurité, la circulation et le logement. Certes, l’habitat insalubre est en voie de disparition dans Paris, mais la capitale est devenue la ville des bobos ; avec un prix moyen du mètre carré à 7 330 euros, les classes moyennes et populaires sont en voie d’être exclues. Les populations immigrées, d’origine africaine, qui habitaient ces squats ont été, pour la grande majorité, reléguées en grande banlieue. En dépit de cette question brûlante du logement, la ville Paris reste fondamentalement cosmopolite ; une grande diversité ethnique peut y être observée. On trouve à Paris, toutes les nationalités, et donc de nombreuses minorités ethniques coexistent avec nos « ancêtres les Gaulois ». Paris, bassin d’emplois, concentre de nombreux immigrants venus du Maghreb, d’Afrique Noire, d’Asie, et maintenant d’Europe de l’Est. Paris, ville touristique et universitaire voit déferler chaque année notamment des Américains, des Anglais, des Allemands, des Japonais, des Chinois. Aussi paradoxale que cela puisse paraître, quand on débarque à Paris, on est impressionné par le nombre de Noirs qui y résident. Certains de ces Noirs sont d’origine antillaise, d’autres viennent d’Afrique, et pour les Sénégalais, il s’agit essentiellement de populations venant de la vallée du fleuve Sénégal, des Peulhs et des Soninkés, mais il y a également quelques Ouolofs qui sont souvent des vendeurs à la sauvette sur les lieux touristiques (Tour Eiffel, Sacré-Cœur). Initialement, et dans les années 80, la plupart des éboueurs parisiens étaient des Soninkés du Sénégal ; avec la crise ils ont été progressivement remplacés par des Blancs. L’immigration africaine reste tout de même très forte à Paris et cela en raison de nombreux facteurs. Tout d’abord, la ville de Paris a en son sein, plus de 20 foyers de travailleurs immigrés qui sont essentiellement concentrés dans les XIXe, XVIIIe, XXe et XIVe arrondissements. Ensuite, l’immigration africaine est devenue familiale ; certains ont fait venir leurs familles et leurs enfants et, ayant acquis la nationalité française, sont devenus des citoyens parisiens à part entière. Enfin, il existe une immigration marginale, mais qu’il faut mentionner, la prostitution alimentée par des réseaux ; ce sont essentiellement des filles qui viennent du Ghana ou Nigeria, et qui occupent certaines rues du XVIIIe arrondissement, les boulevards des Maréchaux, ou les différents parcs et jardins de la ville de Paris, notamment à Vincennes ou au Bois de Boulogne. Cette immigration que l’on croyait passagère, est devenue durable, et c’est surtout un phénomène de masse. Il n’y a pas de statistiques ethniques en France, mais on estime qu’il y a plus de 170 000 étrangers, non communautaires à Paris. Il existe de vrais quartiers africains, notamment Barbès et Château Rouge, avec son marché spécialisé en produits africains. Des dealers de drogue avaient un certains temps occupé la place de Stalingrad, mais ils ont été boutés hors de Paris. Les jeunes noirs issus de l’immigration, même s’ils habitent la banlieue, ont leurs lieux de rendez-vous à Paris ; il s’agit essentiellement du hall de la Gare du Nord, et le Quartier des Halles. En raison de cette population, des commerces ethniques se sont développés dans Paris ; il s’agit notamment de restaurants pour la cuisine africaine. Le musicien camerounais Manu DIBANGO a un restaurant camerounais dans le XXe arrondissement. C’est tenant compte de cette forte présence des étrangers à Paris, et du fait que la promesse de François MITTERRAND pour un droit de vote des étrangers aux élections locales n’a jamais été honorée, que M. DELANOE a créé le 12 janvier 2002 un Conseil de la citoyenneté des Parisiens non communautaires. Cette instance consultative vise à favoriser la participation des Parisiens de nationalité étrangère à la vie démocratique locale. L’histoire de Paris s’est nourrie d’apports décisifs qui symbolisent des noms mémorables qui illustrent la tradition d’ouverture de Paris. En effet, des étrangers célèbres ont vécu à Paris, comme Pablo PICASSO, Igor STRAVINSKI, Georges BRAQUE, Gioacchino ROSSINI, Jim MORRISSON, ou PICCABIA…
Au-delà de ces
figures célèbres, la ville de Paris s’est toujours enrichie de l’apport de populations étrangères, tant sur le plan démographique, qu’économique, culturel et social. La classe politique
africaine a choisi également d’acheter des maisons à Paris. On sait que M. Omar BONGO avait une propriété à l’avenue Foch dans le 8e arrondissement, Ben
ALI possédait un appartement à la Place des Vosges dans le Marais, Léopold Sédar SENGHOR avait un appartement dans le 17e arrondissement, Abdou DIOUF vit dans
le 7e arrondissement. Quant au Président Abdoulaye WADE, il a choisi la ville de Versailles qui est royaliste ; comme quoi, il avait bien des visées
monarchistes de longue date. En ce début du XXIe siècle M. DELANOE a des ambitions pour la ville de Paris : l’aménagement des berges de la Seine et
la rénovation des Halles. La ville de Paris va entreprendre la rénovation des Halles, par des travaux d’envergure, notamment la restructuration des espaces publics de voirie de surface et
souterraine, des parkings, des circulations intérieures et la réalisation de la Canopée, c’est-à-dire une zone intense d’activité biologique située au dessus des arbres et comprenant un espace
pour les sourds-muets, une bibliothèque, un grand conservatoire et un auditorium. Mais ce projet de rénovation des Halles est controversé en raison de la complexité du site qui rassemble en
seul endroit deux gares RER, un métro, des commerces et un jardin. En effet, les Halles ont une histoire ancienne dans la ville de Paris. Créé par Louis VI Le Gros en 1137, sur la rive droite,
le marché est dans la ville de Paris par Philippe Auguste en 1183 ; il y fait construire les premières halles, près du cimetière des Innocents, le plus grand de Paris de l’époque. Avec les
mutations économiques et démographiques, les anciens équipements deviennent obsolètes, de nouvelles halles sont nécessaires pour ravitailler Paris. Le baron HAUSSMAN confie le soin à un
architecte de réaliser de entre 1854 et 1874, 10 pavillons qui vont fonctionner pendant un siècle. Par conséquent, les Halles sont le « ventre de Paris » depuis le Moyen Age. Entre
1962 et 1969, la vétusté et l’encombrement du marché provoqua son transfert à RUNGIS, dans le Val de Marne, à 15 km au sud de Paris et les 10 pavillons furent détruits. Pendant plus de 10 ans
le trou des Halles resta béant, faisant l’objet de multiples projets souvent futuristes. L’aménagement des Halles à la fin des années 1970 avec l’inauguration du RER en 1977, l’ouverture du
centre commercial du Forum en 1979, la création du parking souterrain et du jardin en 1986, ont provoqué une fréquentation intense du site et de nombreux dysfonctionnements sont apparus (manque
de lisibilité des espaces, opposition des dessus et dessus, désaffectation du jardin des Halles, trop forte fréquentation, sécurité, etc.).
Le Maire de Paris a prévu de faire aménager avant 2016, les voies sur berges de la Seine. Ce plan de reconquête des voies sur
berges prévoit la fermeture à la circulation du quai bas Rive Gauche entre le musée d’Orsay et le Pont d’Alma. Le Grand Paris est un projet ambitieux visant à sortir Paris de ses limites
géographiques actuelles (105 km2) ; le département de Paris sera fusionné avec les départements de la petite couronne (Val de Marne, Seine Saint Denis et Hauts de Seine). Ce projet piloté
par Christian BLANC associera l’Etat, la ville de Paris et la région Ile de France autour de création de pôles économiques, d’un réseau de transport public souterrain qui relierait ces pôles
aux aéroports, gares TGV et centre de Paris.
Paris le 14 août 2011
Notre ambition n’est pas de survoler l’héritage de cet illustre personnage aux facettes multiples et particulièrement riches. La problématique générale de cette contribution se veut plus modeste, et est la suivante : dans quelle mesure le Président SENGHOR a-t-il contribué à la naissance et à la consolidation de l’idée de l’Etat dans notre pays ? Quels héritages nous a-t-il légués dans la construction de la Nation sénégalaise ? En particulier, en quoi le Président SENGHOR a-t-il été un visionnaire dans l’édification d’une République sénégalaise laïque, démocratique, pacifique, tolérante et rayonnante dans le monde ?
Il n’est pas inutile de rappeler, brièvement, qui était cet homme d’Etat, dont la vie se confond, à bien des égards, à l’histoire de son pays. Né à JOAL, dans la Petite Côte, non loin du Sine Saloum, au Sénégal, le 9 octobre 1906, SENGHOR a fait ses études à la mission catholique de NGAZOBIL, au collège Libermann et au cours d’enseignement secondaire de DAKAR, puis, à PARIS, au Lycée Louis-le-Grand et à la Sorbonne. Il est reçu à l’Agrégation de grammaire en 1935. Tout en enseignant les Lettres et la grammaire au lycée Descartes à Tours (1935 à 1938), il suit les cours de Linguistique négro-africaine de Lilias HOMBURGER à l’Ecole pratique des hautes études et ceux de l’Institut d’ethnologie à PARIS. Nommé professeur au lycée Marcellin Berthelot de Saint-Maur-des-Fossés, en 1938, il fut mobilisé en 1939 et fait prisonnier en juin 1940.
Réformé pour maladie en janvier 1942, il participe à la Résistance dans le Front National Universitaire. De 1944 jusqu’à l’indépendance du Sénégal, il occupe la chaire de Langues et Civilisations négro-africaines à l’Ecole Nationale de la France d’Outre-Mer. L’année 1945, marque le début de sa carrière politique, élu député du Sénégal à l’Assemblée Nationale française, il est, par la suite, constamment réélu en 1946, 1951 et 1956. Membre de l’Assemblée Consultative du Conseil de l’Europe, il est, en outre, plusieurs fois délégué de la France à la conférence de l’UNESCO et à l’Assemblée Générale de l’ONU.
Secrétaire d’Etat à la Présidence du Conseil, sous le cabinet d’Edgar FAURE entre le 23 février 1955 et le 24 janvier 1956, il devient maire de la ville de THIES, en novembre 1956. Ministre-Conseiller du gouvernement de la République française en juillet 1959, il fut élu le 1er Président de la République du Sénégal, le 5 septembre 1960. Homme de culture, il a organisé le 1er festival mondial des Arts Nègres, en 1966. Réélu président de la République sénégalaise en 1963, 1968, 1973, en 1978, il se démet, volontairement, de ses fonctions, le 31 décembre 1980. Le Président SENGHOR est décédé le 20 décembre 2001, mais il nous a légué un solide héritage qu’il faut conserver et développer, en termes d’indépendance, de conception du pouvoir ou de la Nation sénégalaise.
I - La conception d’un Sénégal indépendant :
La liberté dans l’interdépendance
L’acte fondateur de la République fut, sans nul doute, le choix pour Léopold Senghor d’appeler à voter « oui » au référendum du 28 septembre 1958 organisé par la France.
Le Président SENGHOR a opté, dès le départ, pour un processus d’indépendance pacifique, des liens privilégiés avec la France, un solide amarrage dans le camp de la liberté, un socialisme démocratique, et maintien de l’unité de l’Afrique.
Cette vision prophétique a, pourtant, été sérieusement contestée, sur le plan interne par le Parti Africain de l’Indépendance, d’obédience communiste, et sur le plan externe, par le Président Sékou TOURE de la Guinée-Conakry.
La contestation sur le plan interne et fédéral
Différentes contestations de la conception Senghorienne de l’indépendance eurent lieu, tant au niveau de la Fédération du Mali, qu’au sein de la classe politique sénégalaise.
L’une, première secousse contre la conception Senghorienne de l’indépendance, fut tout d’abord, l’échec de la fédération du Mali. Le Président SENGHOR s’est toujours érigé contre la balkanisation de l’Afrique. Après le referendum de 1958 qui a été largement approuvé par le peuple sénégalais, en janvier 1959, le Sénégal et le Soudan, créent la Fédération du Mali, dont DAKAR devient la capitale. Le malien Modibo KEITA est le Président, Mamadou DIA, le Vice-président, et SENGHOR, le Président de l’Assemblée fédérale. En décembre 1959, le Mali demande et obtient l’indépendance. Le 4 avril 1960 sont signés les accords de transfert du pouvoir de la Fédération du Mali.
Le 19 juin 1960, à minuit, la Fédération du Mali est indépendante et les accords de coopération sont signés avec la France. Mais le 20 août 1960, le Sénégal se retire de la Fédération du Mali. Cet échec est lié aux différences de conception du pouvoir entre SENGHOR et Modibo KEITA, notamment la répartition des postes clés, et surtout le veto opposé de Modibo KEITA à la candidature de SENGHOR à la présidence de la Fédération. Le Président SENGHOR change de Constitution, choisit Mamadou DIA comme Chef de Gouvernement et Lamine GUEYE comme Président de l’Assemblée Nationale.
Sur le plan interne, la vision du Président SENGHOR a été fortement remise en cause par l’opposition communiste. En effet, avant l’indépendance, le Sénégal connaissait déjà le multipartisme et l’opposition avait contesté le referendum de 1958. Ainsi, à la Place actuelle de l’indépendance, le 26 août 1958, devant les porteurs de Pancartes du Parti Africain de l’Indépendance (P.A.I.) et du Parti du Rassemblement Africain (P.R.A.), le général de Gaulle avait déclaré « nous ne contraignons personne, nous demandons qu’on nous dise OUI ou qu’on nous dise NON, nous en tirerons les conséquences ».
Bien après cette échéance, les dirigeants communistes et leurs militants ont continué une mobilisation, parfois violente, autour des slogans comme « MOMSAREW », africanisation des cadres, unité des forces patriotiques. C’est ce contexte de tension que le 31 juillet 1960 eurent lieu les premières élections régionales et municipales sous l’indépendance. A cette occasion, le Parti Africain de l’Indépendance de Majhémout DIOP, qui représentait la gauche radicale, a fortement contesté, l’option de l’indépendance prise par le Président SENGHOR.
Des heurts ont eu lieu, notamment à Mbour, Thiès et surtout Saint-Louis, ville natale de Majhémout DIOP ; de nombreux décès ont été enrelinkgistrés. C’est en raison de ces troubles graves de l’ordre public que le P.A.I. a été interdit par un décret n°60-267 du 1er août 1960, son leader a été emprisonné pour un an. Le PAI a vécu dans la clandestinité de 1960 à 1976, date de l’instauration d’un multipartisme limité au Sénégal.
Le jugement de l’Histoire a été l’échec cuisant du PAI aux élections de 1983 et l’intégration de son dirigeant dans le jeu politique démocratique multi-partisan, tel que l’avait conçu le Président SENGHOR à l’aube de l’indépendance.
Il ne faut oublier que le Président SENGHOR a été également contesté par une partie de son camp. En effet, le referendum de 1958 a provoqué l’éclatement de l’Union Progressiste Sénégalaise entre l’aile radicale, les partisans du NON, c’est-à-dire les indépendantistes comme Abdoulaye LY, Assane SECK, et Amadou Makhtar MBOW qui ont fondé la section sénégalaise du Parti du Rassemblement Africain (PRA) et les partisans du OUI (SENGHOR et Mamadou DIA). Là aussi le peuple sénégalais a tranché, sans ambiguïté le 28 septembre 1958 par le OUI à 97,60% des voix contre 2,40% des voix pour le NON (PRA et PAI). Cependant, fidèle à lui-même, le Président SENGHOR a, par la suite, nommé M. Assane SECK, plusieurs fois à des portefeuilles ministériels (Culture de 1966 à 1968 ; Education nationale de 1968 à 1973 et 1978 à 1981 - Affaires Etrangères 1973 à 1978 ; Equipement 1981 à 1983 sous Abdou DIOUF).
M. Amadou Makhtar MBOW a été Ministre de l’Education Nationale (1966-1968), Ministre de la Culture et de la Jeunesse (1968-1970), Sous Directeur, puis Directeur Général, de l’UNESCO (1970-1987). M Abdoulaye LY, plus intransigeant, a fait la prison entre 1964 et 1965, mais il a fini par rallier le point de vue du Président SENGHOR, pour devenir Ministre de la Santé Publique et des Affaires Sociales entre 1966 et 1970.
La contestation externe : le cas guinéen
La contestation la plus énergique du choix du Président SENGHOR est venue d’un pays voisin : la Guinée de Sékou TOURE. M. TOURE, fondateur de la section guinéenne du Rassemblement Démocratique Africain, maire de Conakry, député à l’Assemblée Nationale française, syndicaliste, a toujours eu une phraséologie révolutionnaire. Le général de Gaulle est reçu avec une grande froideur en Guinée ; pire, une vieille dame soulève son pagne sur son passage et crache sur sa voiture.
M TOURE déclarera le 25 août 1958 « il n’y a pas de dignité sans liberté : nous préférerons la liberté dans la pauvreté, à la richesse dans l’esclavage ». Le général de Gaulle lui rétorque que « l’indépendance est à la disposition de la Guinée, mais que la France en tirera les conséquences ». De son retour à Paris, le général précisera « puisqu’ils veulent l’indépendance, eh bien qu’ils la prennent, mais ils n’auront plus un sou ». A la suite du NON du 28 septembre 1958, la Guinée deviendra indépendante le 2 octobre 1958.
Le Président Sékou TOURE s’en prend violemment au Président SENGHOR qui est qualifié, à longueur de journée sur les ondes de la radio guinéenne de « valet de l’impérialisme », de « laquais de l’impérialisme ».
Curieux hasard de l’histoire, ce fougueux, et soit disant intransigeant « révolutionnaire » qu’était Sékou TOURE est mort le 26 mars 1984, dans un hôpital du Cleveland, aux Etats-Unis, le pays du « grand satan ». Après une parenthèse militaire sanglante, la Guinée est revenu dans le camp de la liberté avec l’élection de Alpha CONDE, le 21 décembre 2010.
La victoire de la Liberté
La chute du communisme depuis les années 1990 et la victoire du camp de la Liberté, ont validé les thèses défendues dès l’indépendance par le Président SENGHOR. Même si le multipartisme n’est pas la démocratie, il existe toujours des raisons de se révolter contre l’injustice, ce système a connu depuis lors un vif succès en Afrique. Le Sénégal, grâce à cet héritage senghorien, a connu une alternance démocratique en 2000. Il est regrettable que M. WADE n’ait pas saisi cette opportunité pour se hisser au rang d’homme d’Etat et entrer dans l’Histoire.
Pour le Président SENGHOR, la Liberté est indissociable de la République, des idées de justice sociale, sans lesquelles elle n’est qu’un vain mot. En effet, pour le Président Senghor, l’indépendance pacifique conduit sur le long chemin en quête de la dignité, de l’égalité et de la fraternité ; c’est tout le sens qu’il avait voulu donner à son socialisme africain, en privilégiant l’éducation, un moyen d’assurer l’égalité des chances.
II - La conception du pouvoir :
une République irréprochable Le refus du pouvoir personnel
Un des points majeurs de l’héritage senghorien, c’est le refus du pouvoir personnel ; c’est l’idée que la République doit être diligentée par des règles de droit précises, tant au niveau du fonctionnement de l’Administration, que de la dévolution du pouvoir au sein de l’Etat. Dans ce contexte, le choix des hommes, pour conduire les destinées de l’Etat, doit être fait en fonction, non pas des affinités politiques, amicales ou familiales, mais des critères de compétences. Le Président SENGHOR avait choisi les agents plus qualifiés pour être au service de son cabinet. La République fonctionne à travers une série de règles de procédure, de rites, de symboles ; l’improvisation et le folklore sont bannis.
Le Président SENGHOR avait opté pour un pouvoir laïc débarrassé de toute allégeance servile et coûteuse aux chefs religieux. Dans sa conception du pouvoir, le Président SENGHOR avait établi des règles de compétences précises qui sont dévolues aux Ministres, aux autorités administratives et au Parlement
Il est remarquable de noter que le Président SENGHOR avait introduit une éthique, une probité dans la gestion des affaires de l’Etat qui a fait de lui la référence en matière de République irréprochable. En dépit de sa longévité au pouvoir, son nom n’a été mêlé à aucun scandale financier, personne n’a pu lui reprocher un enrichissement personnel. Encore, mieux, il a inculqué à ses Ministres et à l’Administration, le respect des règles sur les marchés publics ; ce qui nous fait cruellement défaut sous la gouvernance des libéraux.
Le Président SENGHOR a instauré dans un premier temps un régime parlementaire bicéphale, mais qui a conduit à la crise de décembre 1962, puis il expérimenté un régime présidentiel strict avec la suppression du poste de Premier Ministre entre 1962 et 1970, et a enfin établi un régime présidentiel déconcentré entre 1970 et 1980, avant de quitter volontairement le pouvoir.
La crise du 17 décembre 1962 : un régime parlementaire bicéphale - deux caïmans dans le même marigot
La première Constitution sénégalaise du 26 août 1960 avait instauré un régime parlementaire, avec un parti unique, du type de la IVème République. Le Président de la République, L. S. SENGHOR, élu par un collège restreint, pour 7 ans, n’avait que des pouvoirs honorifiques, comme ceux de la Reine de Grande-Bretagne. Le Premier Ministre, Mamadou DIA, investi par l’Assemblée Nationale était, en fait, l’homme fort du régime ; « il détermine et conduit la politique de la Nation » et proclame l’article 26 de la Constitution. Cette situation a bien fonctionné entre 1960 et 1962, en raison de la confiance qui régnait entre les deux hommes. Le 17 décembre 1962, Mamadou DIA est renversé par une motion de censure et sera emprisonné, pour « tentative de coup d’Etat » à Kédougou entre 1962 et 1974, avec 4 de ses compagnons, Ibrahima SARR, Joseph M’BAYE, Validiodio NDIAYE et Alioune SARR. Comment interpréter cette crise politique qui a fortement ébranlé pays et la conception Senghorienne du pouvoir ?
Officiellement, le Président SENGHOR avait reproché à Mamadou DIA de « pratiquer une politique de clan. L’appareil administratif était au service du parti dominant et non de la Nation ». La clause de « primauté du Parti » sur l’Etat n’avait pas de base constitutionnelle. En fait, les raisons de cette éviction du Président de Conseil sont ailleurs. Les sources de ce conflit sont à rechercher dans la façon dont DIA avait conduit les relations internationales et surtout sa démarche nationaliste, commençaient à inquiéter SENGHOR.
La conduite des relations internationales n’était pas fixée de façon précise. Il en résulte que c’est le Premier Ministre qui se rendait régulièrement à l’extérieur pour rencontrer les chefs d’Etat étrangers ; ce qui accentuait l’isolement du chef de l’Etat et créé ainsi une frustration et donc une tension latente au sein de l’exécutif. Quand on a deux caïmans dans le même marigot cela finit par faire des vagues.
La chute de Mamadou DIA est due, également, à son orientation, plus nationaliste que celle de SENGHOR. Le Président du Conseil souhaitait instaurer une politique de « bonne gouvernance » en envoyant en prison tous les Ministres convaincus de détournements de deniers publics, s’ils refusaient de rembourser. Par ailleurs et surtout, Mamadou DIA a affirmé qu’il se conduirait comme « partenaire loyal » de la France, voire un ami, mais qu’il n’a jamais accepté d’être, cependant, « un partenaire inconditionnel, encore moins, un agent de la France fermant les yeux sur les manquements aux engagements contractés ».
Mamadou DIA était partisan d’un « socialisme autogestionnaire » comme celui de TITO, et d’un « islam éclairé, moteur du développement ». Mamadou DIA se dit un militant opposé « à la vassalisation du Sénégal » à la France, et à partir de juillet 1961, il a entrepris de nombreux voyages, notamment en Yougoslavie et en Union Soviétique ; cette forme d’intransigeance a fortement déplu à la France. Le Président SENGHOR étant fortement hostile au communisme, n’a pas apprécié ces déplacements qui menaçaient sa vision des relations privilégiées avec la France. Le régime présidentiel strict 1962 - 1970 ou la période de « glaciation »,
La Constitution du 7 mars 1963 instaure un régime présidentiel monocéphale ; le poste de Premier Ministre est supprimé. Une bonne partie des libertés est abolie, avec de nombreuses arrestations et détentions arbitraires notamment entre 1962 et 1965 ; bref, le Sénégal aura vécu une période de « dédiaisation », de « glaciation ». Les partisans de Mamadou DIA sont évincés de l’Etat et une nouvelle garde Senghorienne et rajeunie monte au pouvoir. Le Président SENGHOR a les mains libres, et réussit même, le 14 juin 1966, à fusionner le parti du pouvoir l’UPS et le PRA en une seule entité. Réélu Président de la République en 1968, Senghor décrétera l’état d’urgence avec la grève des étudiants. Les différentes secousses cessent miraculeusement avec les cérémonies de funérailles de maître Lamine GUEYE, président de l’Assemblée Nationale, premier avocat africain. Lors de ses obsèques, le Président SENGHOR a salué la mémoire de celui qui « rassemblait, en sa personne, tous les dons : l’intelligence, l’aisance et la générosité, la culture et l’éloquence ».
La période de 1974 à 1981 : le dégel ou la période de renouveau avant le départ volontaire
En 1973, le SENGHOR, candidat unique à sa succession, se fait réélire pour la troisième fois, Président du Sénégal. Un multipartisme limité, avec le vote de la loi sur les courants, est instauré ; en dépit des critiques, c’est une période de renouveau démocratique. L’UPS devient le Parti Socialiste ; Abdoulaye WADE créé le Parti Démocratique Sénégalais, Majhémout DIOP rétablit le PAI et le professeur Cheikh Anta DIOP tente en vain de faire reconnaître l’Union pour le Renouveau Démocratique.
Ce multipartisme limité avait été précédé de la libération de Mamadou DIA et de tous les prisonniers politiques. C’est une clôture d’une page sombre de l’histoire politique du Sénégal que le Président SENGHOR dit avoir regretté en ces termes « Bien sûr, je le regrette, dit Léopold Sédar Senghor, vous savez il y a 17 ans que je suis avec Mamadou Dia. C’est moi qui l’ai découvert et qui l’ai poussé à franchir les étapes de la carrière politique l’une après l’autre. Je le regrette mais le régime de l’exécutif bicéphale, nous en avons fait l’expérience, est impossible. Que se passent - ils autour du président du conseil et du président de la république ?, des clans rivaux se forment auprès du président du conseil et du président de la république, qui cherchent à les dresser l’un contre l’autre et vous en voyez les conséquences ».
Le Président SENGHOR qui a cependant, le sens de l’histoire, après avoir remporté les élections présidentielles, législatives et municipales de 1978, démissionnera de ses fonctions le 31 décembre 1980, pour céder le pouvoir à son Premier Ministre, Abdou DIOP. Il est rare, hormis le cas de Nelson MANDELA, qu’un chef d’Etat africain quitte volontairement le pouvoir, surtout lorsqu’il est parfaite santé et à la suite d’une victoire électorale. Il est encore plus rare qu’il prépare minutieusement et pacifiquement sa succession. M. WADE s’est séparé de tous ses successeurs potentiels (Macky SALL et Idrissa SECK), son fils n’est pas légitime, dans une République à le succéder. Il serait bien inspiré de ne pas se représenter en 2012.
En définitive, dans sa conception du pouvoir, en dehors du cas du mauvais départ de 1962, le Président SENGHOR a légué au Sénégal une République laïque, démocratique et sociale, débarrassée de tout pouvoir personnel ou népotique. Ces caractéristiques d’un Etat moderne, avec une majorité qui gouverne et une minorité qui s’oppose suivant des règles précises, ont conféré à notre pays une grande stabilité et une paix sociale. Le choix après 2012, de l’opposition si elle remportait les élections présidentielles, c’est de consolider ce choix du président SENGHOR en instaurant un régime semi-présidentiel du type de la Vème République.
III - La conception de la Nation sénégalaise :
La République du respect et de la compréhension mutuelle
Le Président SENGHOR a été le fondateur de la Nation sénégalaise. La Nation est une communauté humaine ayant une conscience d’être unie par une identité historique, culturelle ou religieuse. La Nation est davantage une construction idéologique qu’une réalité concrète ; ce qui explique la difficulté de lui donner une définition pleinement satisfaisante. Je souscris entièrement à la définition qu’en donne Ernest RENAN, à savoir que la Nation « c’est le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis ».
Le Sénégal étant à plus de 96% musulman, le Président SENGHOR, issu d’une minorité ethnique (les Sérères) et religieuse (les catholiques) a su préserver cet héritage du « vouloir vivre en commun », en négociant habilement et prudemment l’indépendance, en instaurant une paix sociale entre les différents groupes ethniques, en faisant fructifier l’héritage démocratique ancré dans ce peuple de longue date. En Afrique, bien des Etats qu’on pensait solides et stables comme la Côte-d’Ivoire, ont raté le virage de la construction nationale, et sont confrontés à des tensions ethniques graves. D’autres Etats, à défaut de disparaître, se sont empêtrés dans des conflits ethniques ou régionaux qui rendent le quotidien de la population très difficile.
Un des puissants leviers utilisés par le Président SENGHOR, dans la construction de la Nation sénégalaise, a été sans doute la place de l’éducation dans sa politique. Le Budget de l’Education Nationale, représentant plus du tiers de celui de l’Etat, a permis le brassage de personnes d’origines diverses, et favorisé la compréhension mutuelle. L’école a été des moteurs de l’intégration des différentes ethnies dans le moule de la Nation. Le choix de la langue française, comme langue officielle du pays, et la place que le Président SENGHOR accordait à la culture, ont contribué à une compréhension mutuelle et à l’édification d’une République du respect.
Le Président SENGHOR a lui – même donné l’exemple, à travers la composition de ses différentes équipes gouvernementales qui ont toujours reflété la diversité de la société sénégalaise. Certes, la question de la Casamance, et celle des contrées périphérique comme le Fouta et le Sénégal Oriental n’ont pas été résolues de façon satisfaisante. Cependant, la place de la décentralisation dans la construction nationale n’a pas, non plus, été négligeable. L’unité de l’Etat est préservée, mais chaque échelon local peut participer à la gestion des affaires.
Conclusion : Nous avons tous le devoir, quelque soit notre choix politique, préserver et consolider cet héritage que le Président SENGHOR a laissé au Sénégal et au continent africain, pour que vive la République.
Paris, le 4 août 2011
Par Amadou Bal BA, Paris 19ème
Cet article a été publié dans www.ferloo.com du25 juillet 2011
La montée du racisme en Europe par Amadou Bal BA.