Le blog de BA Amadou Bal, Paris 19ème ISSN 2555-3003 (BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE France B.N.F GALLICA. Http://baamadou.overblog.fr/

Le 27 avril 1972, il y a de cela 50 ans disparaissait, à Bucarest, en Roumanie, Kwame N’KRUMAH, un leader de la Gold Coast, appelée maintenant Ghana. NKRUMAH est né le 21 septembre 1909, dans un petit village du Sud-Ouest, à Kroful, en Côte d’Or, d’un milieu défavorisé. Fils unique de Magnae Ka Ku NYANIBA, son père, Opanyin Kofi Gnolomah, un artisan et chercheur en d’or, était polygame. Sa mère travaillait dans l’agriculture et faisait du commerce. La famille vient s’installer vers 1912, à Half-Assini où il est inscrit dans un école religieuse. Il sait que le salut des Noirs ne pourra venir que par l’éducation. Il a été premier ministre du Ghana de 1957 à 1960, et président de ce pays de 1960 à 1966.

Kwame NKRUMAH était destiné à devenir un homme d’église, mais il s’orienta vers l’enseignement, avec des études universitaires aux Etats-Unis. Jeune étudiant, en économie et en sociologie à partir de 1935, à l’université Lincoln en Pennsylvanie, puis, à partir de 1945, en théologie à l’université de Philadelphie.

Kwame NKRUMAH découvre la ségrégation raciale aux Etats-Unis ; il lit notamment Karl Marx, Lénine, Gandhi et surtout Marcus GARVEY (1887-1940). Il milite pour le retour des Afro-américains en Afrique. «Toutes les personnes d'ascendance africaine, qu'elles vivent en Amérique du Nord ou du Sud, dans la Caraïbe ou n'importe autre partie du monde, sont des Africains et appartiennent à la nation africain » dit-il. Kwame NKRUMAH rencontre George PADMORE (1903-1959) et WEB du BOIS (1868-1963), qui deviendra son conseiller. Il comprend que la puissance et la grandeur des Etats-Unis résident dans son unité et se désole de la longue servitude de l’Afrique. «Je suis Africain non pas parce que je suis né en Afrique, mais parce que l'Afrique est né en moi» dit NKRUMAH. De nombreuses personnalités noires américaines ont séjourné au Ghana (Mohamed ALI, Maya ANGELOU, Malcolm X, etc.). En 1945, il se rend à Londres poursuivre des études en droit. Président de l’Association des étudiants africains, et participe au 5ème congrès panafricaniste à Manchester ; il côtoie des futurs chefs d’Etat africains, comme Jomo KENYATTA (1894-1978) du Kenya ou Julius NYERERE (1922-1999), de Tanzanie.

Kwame N’KRUMAH est le premier africain à réclamer l’indépendance, une question taboue, à l’époque. La vision de KRUMAH de la libération de l’Afrique ne s'arrête pas aux frontières d'une nation. La libération de l'Afrique devrait être alliée à l'unité de ce continent. «Il ne saurait y avoir de réelle indépendance et de véritable développement économique, social, politique et culturel de l’Afrique, sans l’unification du continent» écrit Kwame NKRUMAH.

Depuis 1821, le colonisateur britannique avec la complicité des chefs traditionnels profitaient des richesses du pays notamment l’or, le cacao et avait organisé le commerce de l’esclavage. «We have found an intense suspicion that the Chiefs (les chefs coutumiers inféodés au colonisateur) are used by the government as an instrument for the delay, if not the suppression, of the political aspirations of the people» note le rapport WATSON, à la suite des émeutes du 28 février 1948. En effet, une révolte des jeunes, des difficultés économiques liées aux problèmes d’inflation après la guerre, le chômage anciens combattants, ainsi que le refus de payer leurs pensions, ont abouti à une marche sur le palais du gouverneur. La police tire sur cette foule pacifique, fait trois et de nombreux blessés. Kwame NKRUMAH devient, février 1948, le Secrétaire général de la «United Gold Coast Convention», (UGCC). Le colonisateur britannique décrète l’état d’urgence, et Kwame NKRUMAH est jeté en prison. Les troubles s’étendent rapidement dans plusieurs villes du Ghana.

NKRUMAH, bien que privé de liberté, milite pour un Self-Government. Après divers mouvement sociaux en A.O.F, à partir de 1947, c’est au Ghana qu’émerge le plus puissant mouvement nationaliste africain. Dès le début de la deuxième moitié du XXème siècle, une élite, dont fait partie Kwame N’KRUMAH milite pour une conscience nationale et une mobilisation anticoloniale. Kwame NKRUMAH quitte l’UGCC, pour fonder, le 12 juin 1949, la «Convention People’s Party», (CPP).

NKRUMAH gagne les élections législatives du 8 février 1951. En raison de cette résistance pacifique, le colonisateur britannique, qui était contraint à l’indépendance de l’Inde, prit de panique, nomme un nouveau gouverne et s’engage vers un processus graduel d’émancipation politique du Ghana, l’africanisation des cadres et une part du commerce donnée aux nationaux. 

Kwame NKRUMAH est libéré pour devenir Premier ministre du Ghana en 1952. Dans le cadre du Self-Government ou autonomie interne, Kwame NKRUMAH améliore considérablement le niveau de vie des populations (éducation, logements, infrastructures) et renforce ainsi sa popularité. Self-government now ! » était son slogan de compagne. NKRUMAH avait inclus trois ministres anglais dans son gouvernement, et Erica POWELL, une britannique est sa secrétaire de 1954 à 1966.

De nouvelles élections législatives sont organisées en 1954, Kwame NKRUMAH les gagne avec un objectif de l’indépendance. Le colonisateur britannique suscite des mouvements autonomistes Ashanti et du Nord, refusant l’indépendance et réclamant la partition du pays. En dépit des violences inter-ethniques, et de l’acceptation d’un régionalisme, Kwame NKRUMAH sort victorieux de ce piège qui lui a été tendu, en gagnant les trois quarts des sièges du parlement. Il forme, cette-fois, un gouvernement exclusivement composé de ghanéens. Deuxième pays africain à devenir indépendant, après le Soudan en 1946, le Ghana accède à la souveraineté internationale le 6 mars 1957. Après une réforme constitutionnelle, Kwame NKRUMAH devient président du Ghana le 14 juillet 1960.

Fervent partisan de l’unité africaine et du Panafricanisme, il publie un ouvrage «l’Afrique doit s’unir» et préconise, lors de la création de l’Organisation de l’Unité Africaine en 1963, les Etats Unis d’Afrique. «Divisés nous faibles. Unie, l'Afrique pourrait devenir, et pour de bon, une des grandes force du monde» écrit NKRUMAH. Anticolonialiste, pour lui, «l’indépendance du Ghana n’a pas de sens que si elle n’est suivie pas de la libération totale de l’Afrique». Aussi, Kwame NKRUMAH, en pleine guerre froide, soutient les mouvements de libération nationale.

Socialiste africain, NKRUMAH était partisan d’une «société heureuse, le bonheur et le travail pour tous», par l’élimination de la pauvreté, l’ignorance, la maladie et par l’égalité des chances. Kwame N’KRUMAH récusait le capitalisme considéré comme un esclavage moderne. «Le capitalisme n'est que l'esclavage pratique par des gentlemen» écrit-il. NKRUMAH avait inventé un néologisme, le «consciencisme» ou la nécessité pour les sociétés africaines «d'assimiler les éléments occidentaux, musulmans, euros chrétiens présents en Afrique et de les transformer, de façon à ce qu'ils s'insèrent dans la personnalité africaine, à savoir ses principes humanistes» dit-il.

Surnommé «l’Osagyefo» ou le rédempteur, il s’engage dans un culte de la personnalité et le CPP devient un parti unique. NKRUMAH qui a échappé à 5 attentats, fait voter une loi permettant de détenteur, sans jugement, ses opposants. Il se déclare président à vie et s’entoure d’une armée de garde du corps. La plupart des gouvernements africains sont hostiles au fédéralisme et les Occidentaux diabolisent NKRUMAH en raison de ses dérives autoritaires.

La politique d’industrialisation du Ghana, outre les cas de corruption, provoque un lourd endettement. Les cours du cacao ayant chuté, cela enfonce davantage le pays dans la crise. Cependant, Kwame N’KRUMAG avance plus de 25 millions de dollars à la Guinée de Sékou TOURE, opposée au général de GAULLE ; ce qui n’a pas été apprécié par la population.

En visite au Vietnam, le 21 février 1966, Kwame NKRUMAH est renversé par un coup d’Etat. Il se réfugie en Guinée de Ahmed Sékou TOURE (1922-1984), et meurt le 27 avril 1972, à Bucarest. Amilcar CABRAL, chef du PAIGC a dénoncé, à cette occasion, le cancer de la trahison qui souille les mouvements indépendantistes africains. «Nos larmes ne doivent pas noyauté la vérité. Nous ne pleurons pas la mort d’un homme. Nous pleurons, oui, de haine envers ceux qui ont été capables de trahir Nkrumah au service ignoble de l’impérialisme. Le président Krumah auquel nous rendons hommage, c’est d’abord le stratège génial de la lutte contre le colonialisme, celui qui a créé ce que nous appelons, l’action positive»,  a déclaré Amilcar CABRAL. Le corps NKRUMAG est rapatrié au Ghana et le président Jerry RAWLINGS (1947-2020), construit un mausolée digne de ce grand combattant pour le panafricanisme, «l’Homme qui croyait à Afrique» tel est le titre d’une biographique que lui consacre David ROONEY.

Kwame N’KRUMAH a eu un premier fils, Francis, né d’une mère ghanéenne. Il s’est marié, le 31 décembre 1957, à Helen Fathia HALIM RITZK (1932-2007), une copte originaire du district du Caire, en Egypte qui lui a donné trois enfants : Samia, née le 23 juin 1960, Gamal, né en 1959 et Sékou, né le 1er décembre 1963. Après le coup d'Etat, ses enfants et leur mère sont allés se réfugier en Égypte.

Quel héritage de Kwame NKRUMAH ?

L’Afrique a eu des dirigeants, disparus trop tôt, et érigés au rang de mythes, comme Patrice LUMUMBA  (1925-1961), Steve BIKO (1946-1977), Amilcar CABRAL (1924-1973), Mouammar KADHAFI (1942-2011) ou Thomas SANKARA (1949-1987). S’ils étaient restés longtemps au pouvoir, comment allaient-ils évoluer ? Comment, avec la distance, évaluer, de nos jours, avec une distance critique, leur héritage ? De nombreux textes en langue française, notamment chez Présence Africaine, sont disponibles sur la vie et les combats de Kwame NKRUMAH. «J’ai la certitude que la mort ne peut éteindre la flamme que j’ai allumée au Ghana et en Afrique. Longtemps, après ma mort, elle continuera de brûler et d’être portée haut, éclairant et guidant tous les peuples» disait Kwame NKRUMAH.

Samia, la fille de Kwame NKRUMAH, devenue présidente du parti de la Convention du peuple et maintenant députée, est celle a décidé de prendre l'héritage de son père. Fondatrice et présidente du centre Kwame NKRUMAH, Samia appelle à reprendre et revisiter l'héritage des Anciens. Samia qui parle plusieurs langues (arabe, italien, anglais) est journaliste et communicante, a pendant longtemps vécu entre l'Égypte et la Grande-Bretagne. Elle est retournée au Ghana depuis 2008.

Références bibliographiques

1 – Ecrits de Kwame NKRUMAH

NKRUMAH (Kwame), «Africanisme et culture», Présence africaine, 1963, Vol I, n°XLV, pages 5-18 ;

NKRUMAH (Kwame), «La naissance de mon parti et son programme d’action positive», Présence africaine, février-mars 1957, n°12, pages 11-26 ;

NKRUMAH (Kwame), «Le consciencisme», Présence africaine, 1964, Vol I, n°XLIX, pages 8-34 ;

NKRUMAH (Kwame), Autobiographie, traduction de Charles L. Patterson, Paris, Présence africaine, 2009, pages ;

NKRUMAH (Kwame), L’Afrique doit s’unir, Paris, Présence africaine, 1994, 256 pages ;

NKRUMAH (Kwame), La conscience, philosophie, idéologie pour la décolonisation et le développement, Paris, Payot, 1964, 174 pages ;

NKRUMAH (Kwame), La lutte des classes en Afrique, Paris, Présence africaine, 1972, traduction de Marie-Aïda BAH-DIOP, 108 pages ;

NKRUMAH (Kwame), Le néocolonialisme dernier stade de l’impérialisme, Paris, Présence africaine, 2009, 268 pages.

2 – Autres contributions

APTER (David, Ernest), Ghana in Transition, New York, Antheneum, 1963, 432 pages ;

ATTISSO (Fulbert, Sassou), De l’unité africaine de Nkrumah, à l’union africaine de Kadhafi, Paris, L’Harmattan, études africaines, 2008, 224 pages ;

AUSTIN (Dennis), Politics in Ghana (1946-1960), Londres, Oxford University Press, 1964, 459 pages ;

BEBEY (Kidi), Kwame Nkrumah : il rêvait d’unir les Africains, Paris, Cauris éditions, 2010, 24 pages ;

BIRMINGHAM (David), Kwame Nkrumah : The Father of African Nationalism, Ohio University Press, 1998,  142 pages ;

BOUKARI-YABARA (Amzat), Africa Unit : une histoire du panafricanisme, Paris, La Découverte, 2014, 300 pages ;

BOUKARI-YABARA (Amzat), Kwame Nkrumah, Paris, Ctim Ch, 2016, 96 pages ;

BOYON (Jacques), «Une idéologie africaine : le Nkrumaïsme», Revue française de science politique, 1963, n°1, pages 66-87 ;

CABRAL (Amilcar), «Allocution prononcée à l’occasion de la journée Kwame Nkrumah», Présence africaine, 1973, Vol I, n°85, pages 3-10 ;

CHINDJI-KOULEU (Fernand), Nkrumah un pionnier de l’union africaine, Paris, Yaoundé, Harmattan, 2011, vol I, 466 pages et vol II, pages 370 pages ;

HYMER (Stephen), «L’économie de la Côte de l’or du Ghana», L’actualité économique, 1970, Vol 46, n°1, pages 15-66 ;

KELLNER (Douglas), Kwame Nkrumah, New York, Chelsea House, 1987, 111 pages ;

Présence Africaine, Hommage à Kwame Nkrumah, Paris, Présence africaine, 1973, 247 pages ;

ROON (David), Nkrumah : l’homme qui croyait à l’Afrique, Paris, Jaguar, 1990, 207 pages ;

SMERTIN (Yuri), Kwame Nkrumah, New York, International Publishers, 1987, 198 pages ;

TIMOTHY (Bankole), Kwame Nkrumah : His Rise To Power, Evanston III, Northwestern University Press, 1963, 191 pages ;

WATSON (Aiken), DALGLEISH (A), MURRAY (Keith, A. H),  Report of the Commission of Enquiry into Disturbances in Gold Coast 1948, London, Her Majesty Stationery Office, 1948, 103 pages ;

YODA (Labila), Les fondements du discours politique de Kwame Nkrumah à l’heure des indépendances en Afrique francophone, thèse sous la direction de Jean Sevry, Montpellier, Université de Paul Valéry, 1988, 105 et 148 pages.

Paris, le 27 avril 2022 par Amadou Bal BA - http://baamadou.over-blog.fr/