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5 avril 2022 2 05 /04 /avril /2022 20:54
«Culture et traditions Vecteurs du développement en Centrafrique» par Victor BISSENGUÉ
Le samedi 26 mars 2022, le professeur Victor BISSENGUÉ a présenté une communication lors d’un débat organisé par LELAB RCA sur le thème «la culture face aux défis du développement en Centrafrique ». En particulier l’intervention du professeur Victor BISSENGUÉ a été axée sur "Culture et traditions Vecteurs du développement en Centrafrique» et qui reproduite ci-dessous.
La République Centrafricaine est confrontée à un défi de reconstruction. 
Il m’a été demandé de dire un mot sur la place de la culture, et plus particulièrement sur «La culture et les traditions» comme vecteurs du développement dans le contexte du pays.
Pour une meilleure compréhension, entendons-nous bien sur les termes ici en usage : « culture » et « tradition ». Que veulent-ils dire ? Quel est leur sens ? 
Ensuite, j’aborderai certains aspects de la question accompagnés d’un petit inventaire : Quel est notre héritage culturel ? Notre patrimoine culturel ? Quels sont les défis du développement et le rôle que jouent les élites ? Et une note finale.
1. Définir la culture et la tradition
A. Culture
La culture d’après l’UNESCO - Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization) - se définit de la manière suivante : 
« La culture, dans son sens le plus large, est considérée comme l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l'être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. »(1)
Pour sa part, Léopold Sédar SENGHOR déclare : 
« Mais qu’est-ce que la Culture ? J’avais pris l’habitude, quand j’enseignais, de la définir comme "l’esprit d’une civilisation." C’était là une définition trop intellectualiste. À l’expérience et dans le contexte actuel du dialogue des civilisations, je dirai que « la culture est l’ensemble des valeurs de création d’une civilisation. »(2)
B. Tradition
Selon le Dictionnaire de l’Académie française (8e édition), la « Tradition se dit, dans le langage courant, de la Transmission des doctrines, des procédés, des coutumes, des faits historiques, etc., qui s’est faite de génération en génération, spécialement par la parole et par l’exemple. Il se dit aussi de ces Doctrines, de ces procédés, de ces coutumes, de ces faits, etc., qui sont un legs du passé. »
La tradition serait un fait de permanence du passé dans le présent, une survivance à l'œuvre, le legs encore vivant d'une époque pourtant globalement révolue. En d’autres termes, la tradition désigne une pratique ou un savoir hérité du passé, répété de génération en génération.
Etymologiquement, la tradition désigne la transmission continue d'un contenu culturel à travers l'histoire depuis un événement fondateur ou un passé immémorial (du latin traditio, tradere, de trans « à travers » et dare « donner », « faire passer à un autre, remettre »). Cet héritage immatériel peut constituer le vecteur d'identité d'une communauté humaine, élément pouvant contribuer à son ethnogenèse. (Cf. Wikipedia)
La principale différence entre la culture et la tradition réside dans le fait que la culture est constituée des idées, des coutumes et du comportement social d’un groupe social particulier, alors que la tradition est la transmission des coutumes et des croyances d’une génération à l’autre. 
Les deux termes, coutume et tradition, sont souvent employés l’un à la place de l’autre. En un mot, la coutume renvoie à la façon d’agir par l’usage ; tandis que la tradition, à la transmission des usages.
2. Quel est notre héritage culturel ? Notre patrimoine culturel ?
- La langue comme vecteur de transmission orale des connaissances est la base de la tradition orale.
- Le tambour d’appel et le langage tambouriné ou encore la drumologie, participe à la transmission des messages codés [dont un prototype en provenance de la Ouaka en Centrafrique est conservé au  Musée de l’Homme à Paris]. 
- Le conteur Zandé s’accompagnant de la harpe, récite l’épopée de Tule ou Tere ("l’araignée") de génération à génération.
- Le rôle des anciens dans la société - le Baobab ou la Bibliothèque - Amadou Hampâté Bâ disait si justement au sujet de la tradition orale : 
« En Afrique, lorsqu'un vieillard meurt, c'est une bibliothèque qui brûle ».
Les anciens sont des éducateurs, des dépositaires de connaissances, la mémoire, qui servent de trait d’union entre le passé et le présent.
- L’arbre à palabre : le Conseil des sages, les juges coutumiers, en sont une autre illustration.
- L’éducation des enfants et la transmission des connaissances de base ou de la morale est assurée ; on retrouve au premier plan  les oncles maternels appelés « nôkö » ou « kôya » dans le rôle de pédagogues. D’une façon générale, l’éducation traditionnelle met surtout l’accent sur les valeurs : la bravoure, le sens de l’honneur, la solidarité, le travail collectif ou communautaire, le respect dû aux aînés, aux parents, aux vieillards,  aux handicapés.
- La parenté à plaisanterie désignée « mbûki », ou ce type de relation basée sur le pacte d’alliance, participe d’une manière aux règlements des litiges entre groupes et familles ; elle vise surtout à désamorcer les conflits qui interviennent à tout moment. 
- Jeu de stratégie kissoro ou awalé – jeu de société combinatoire abstrait, complexe ; il se présente sur deux rangées ou quatre rangées. 
- Face au problème lié à la consanguinité et ses conséquences génétiques, les mariages ont souvent été pratiqués dans des familles et contrées éloignées.
- La médecine traditionnelle, la pharmacopée : les tradipraticiens ou « nganga », particulièrement les Aka, connaissent les vertus des plantes et leurs portés curatives. 
- La musique, les chants, les danses : à l’instar de la musique polyphonique et la chorégraphie sacrée des Aka (Les "Traditions orales des Pygmées Aka de Centrafrique" se trouvent désormais considérées par l’Unesco le 07 novembre 2003, "Chef d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité"), les trompes Broto Trogodé, la danse Léngué… occupent une place de choix.
- Les travaux collectifs et les entraides (le labour des champs, les récoltes, les constructions d’habitations, la chasse aux filets, etc.), emportent l’adhésion populaire.
- Les centres d’artisanat, la poterie, la forge, exigeant un savoir-faire transmis de génération à génération, participent au développement économique.
- La maât, fondement de la pensée égyptienne remontant vers 2350-2200 av. J.-C., subsiste encore aujourd’hui : elle se base sur la justice, la vérité, l’ordre, la spiritualité.
- Les tatouages et scarifications, sont autant de signes extérieurs de reconnaissance des ethnies, tribus, clans, voire des hiérarchies sociales au sein de ces clans.
- Les naissances, les mariages, les initiations, les deuils, revêtent une place centrale dans les sociétés ; ils donnent lieu à des moments de partagent, des cérémonies qui rassemblent les populations, réconcilient, et à des activités qui génèrent des revenus soit entraînent des dépenses (pour de bonnes causes)…
3. Quels sont les défis du développement et le rôle que jouent les élites ?
Les activités culturelles se déploient. Elles deviennent des vecteurs de développement économique. 
Aujourd’hui, des spécialisations apparaissent comme l’économie culturelle, l’ingénieur culturel ; on parlera de relais de croissance, de levier de développement économique. La mondialisation y est présente tout en imprégnant son standard économique. Ainsi, les œuvres de création à l’exemple des films, de la peinture, de la musique, s’octroient des nationalités.
Des élites inaugurent et ont tendance à appliquer des modèles de développement qui ont cours, c’est-à-dire, le développement extraverti, exogène. 
Se souvient-on des plans d’ajustements structurels(3) qui firent couler beaucoup d’encre et de larmes dans les années 1980 sans pourtant ouvrir une quelconque voie de développement réel en Afrique. Ces élites ne pensent pas à leur propre stratégie.
Un modèle imposé, ce sont des obstacles qui s’érigent. Ce progrès ne permet pas le dynamisme endogène, autocentré. C’est la course au poste le plus juteux.
Les populations ne sont pas impliquées. On ne peut agir sans et contre le peuple ; d’où : le disfonctionnement et l’impasse. Il ne reste plus qu’à repenser le projet.
4. Note finale
Les termes «culture, tradition, coutume» sont devenus suspects, parce qu'ils sont considérés comme des freins au système de développement imposé(4).
La République Centrafricaine est confrontée à un défi de reconstruction. La situation sollicite de nouveaux paradigmes, une vision dynamique de développement économique. L’élaboration d’un tel plan prend en compte l’aspect sécuritaire, l’aspect institutionnel, les valeurs intrinsèques. 
La sensibilisation et la rééducation des élites qui doivent servir d’avant-garde pour le peuple sont une préconisation. Il est une priorité. 
Une proposition serait de mettre sur pied des projets de développement qui touchent à l’agriculture, à la paysannerie, aux travaux publics, aux transports dont la population a besoin. J’en appelle  à la préservation de la nature, au respect des droits humains, notamment ceux des Aka, qui sont des écologistes avant l’heure, et aujourd’hui en danger d’ethnocide. Léonard Fabrice Odambo Adone, Bakoya du Gabon attire l’attention : « C’est nous, les peuples autochtones, qui devons être les auteurs et les acteurs de notre destin. »(5)
La mise en valeur par l’écotourisme des espaces classés au patrimoine mondial pour la richesse de leur biodiversité et la culture immatérielle des Pygmées associée à la forêt – à l’instar du "Trinational de la Sangha"(6) - montre un certain nombre de limites liées notamment au type de gestion du projet. Pour qu’ils soient durables, les processus de valorisation et la gestion des patrimoines culturels et naturels devraient par exemple veiller à mieux assurer la participation des communautés locales dans leur ensemble.
Pour remonter les obstacles afin d’en sortir, pouvoir puiser et valoriser les potentialités fondamentales traditionnelles pour le développement, la réappropriation des cultures s’impose.
Enfin, à propos de la dimension politique et anthropologique de la culture, l’UNESCO souligne, 
- d’une part que « La culture donne à l'homme la capacité de réflexion sur lui-même. », 
- et d’autre part que « La culture constitue une dimension fondamentale du processus de développement et contribue à renforcer l'indépendance, la souveraineté et l'identité des nations. La croissance a souvent été conçue en termes quantitatifs, sans que soit prise en compte sa nécessaire dimension qualitative, c'est-à-dire la satisfaction des aspirations spirituelles et culturelles de l'être humain. Le développement authentique a pour but le bien-être et la satisfaction constante de tous et de chacun.
Il est indispensable d'humaniser le développement, qui doit avoir pour finalité ultime la personne, considérée dans sa dignité individuelle et sa responsabilité sociale. Le développement suppose que chaque individu et chaque peuple aient la possibilité de s'informer, d'apprendre et de communiquer son expérience. »(7)
Références du professeur Victor BISSENGUÉ
  1. Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles. Conférence mondiale sur les politiques culturelles, Mexico City, 26 juillet - 6 août 1982.
  2. Léopold Sédar SENGHOR, La Culture africaine. Communication à l’Académie des sciences morales et politiques. Le 26 septembre 1983.
  3. En 1979, le G7 invite la Banque Mondiale et le FMI à mettre en œuvre des Plans d’Ajustement Structurel (PAS). Désignant un ensemble de conditions posées pour le rééchelonnement de la dette des pays en développement, ils ont constitué une réponse au phénomène d’insolvabilité de nombreux pays en développement. Leurs conséquences sociales ont néanmoins remis en cause leurs objectifs.
  4. Victor Bissengué, Les maux de la République Centrafricaine. Infantilisation, arrogance, nihilisme, kôbetîyângâ. 2021, Dossier "N°8 Question de la bonne et mauvaise tradition : pêcher par ignorance" pp. 79-99]
  5. Léonard Fabrice Odambo Adone est le premier journaliste Pygmée et double directeur général de l’entreprise de presse : « Le Citoyen », in Discrimination des Pygmées. Réfutation des Maîtres de la forêt, par Victor Bissengué, Edit. Paari, 2014, p. 86.
  6. Le Trinational de la Sangha comporte trois aires protégées contiguës de catégorie II selon la typologie de l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature). Il comprend trois parcs nationaux contigus couvrant une superficie totale de 746 309 hectares. Il s’agit du parc national de Lobéké au Cameroun, du parc national de Nouabalé-Ndoki en République du Congo et du parc national Dzanga-Ndoki en République Centrafricaine.
  7. Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles, UNESCO, Conférence mondiale sur les politiques culturelles, Ciudad de Mexico, 26 juillet - 6 août 1982
Le samedi, 26 Mars 2022, 14H00 -19H00. 30 rue Lhomond Paris 5ème, par M. Victor BISSENGUÉ, écrivain.

 

«Culture et traditions Vecteurs du développement en Centrafrique» par Victor BISSENGUÉ
«Culture et traditions Vecteurs du développement en Centrafrique» par Victor BISSENGUÉ
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