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  • : Le blog de BA Amadou Bal, Paris 19ème ISSN 2555-3003 (BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE France B.N.F GALLICA. Http://baamadou.overblog.fr/
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5 mars 2022 6 05 /03 /mars /2022 22:57
«Ibra Ciré N’DIAYE et son livre : Temporalités et mémoire collective au Fouta-Toro. Histoire d’une aliénation culturelle et juridique» par Amadou Bal BA - http://baamadou.over-blog.fr/
Jusqu’ici, et depuis Ciré Abbas SOH, avec ses «chroniques du Fouta» traduites en 1913, en passant par les travaux de Cheikh Moussa CAMARA (1864-1945), un historien et spécialiste de la généalogie des grandes familles du Fouta-Toro, ainsi que la thèse de Oumar KANE (1932-2008), le travail de Baïla WANE en 1981, tout convergeait à glorifier la «Révolution des Torodos» conduite, en 1776, par Thierno Sileymane BAL et poursuivie par les Almamy, considérés comme ayant résisté à la colonisation et instauré des règles de bonne gouvernance, tout en luttant contre l’esclavage. Le regretté, professeur Iba Der THIAM (1937-2020) avait entrepris, dans son histoire générale du Sénégal, de revaloriser et rehausser l’héritage de Thierno Sileymane BAL. L’artiste Baaba MAAL a rendu hommage à Thierno Sileymane BAL, «Mouddo Horma», dans sa lutte contre le système esclavagiste des Maures. En décembre 2021, j’ai consacré dans mon troisième livre, «le Sénégal, un Grand petit pays», un chapitre à Coly Tenguella BA, l’unificateur du Fouta-Toro et fondateur de la dynastie des Dényankobé, mais aussi à Thierno Sileymane BAL et sa Révolution des Torodos, un bilan critique de l’histoire du Fouta-Toro.
Dans ce ciel serein et quasi unanimiste, l’ouvrage du professeur Ibra Ciré N’DIAYE, un anthropologue, juriste, originaire de M’Boumba et descendant des Satigui, est une puissante déflagration. En effet, son ouvrage, «Temporalités et mémoire collective au Fouta-Toro. Histoire d’une aliénation culturelle et juridique», dans une démarche de déconstruction et polémique, est une violente charge contre ce qu’il appelle le «système Torodo». En effet, Le totem, que constituait la «Révolution des Torodos», est désacralisé, voire souillé. Le professeur Ibra Ciré N’DIAYE part de l’idée que les Almamy ont délégitimé les Satigui, des «insoumis», et pour le faire, ils leur ont apposé une étiquette infâmante de «mécréants» et d’esclavagistes. «Les Satigui furent dénigrés et considérés par les Torobés comme des mécréants, alors qu’ils s’opposaient à la colonisation arabo-berbère musulmane et à la Charia qui allaient les asservir et soumettre le Fouta-Toro» écrit-il. Or, selon l’auteur, l’Islam existait déjà au Sénégal, et en particulier au Fouta-Toro, depuis 1030, sous Wardiabi qu’il affuble du patronyme de N’DIAYE. Le Déniyanké, Ibra Ciré N’DIAYE a reconnu, tout de même, que les 33 mosquées érigées par les Almamy, en 114 années de règne, ont contribué à renforcer l’Islam au Sénégal.
Par conséquent, dans sa démarche de déconstruction de cette doxa sacralisant les Almamy, et survalorisant leur héritage, le Déniyanké, Ibra Ciré N’DIAYE estime qu’il n’y aurait pas eu, en 1776, de «Révolution des Torodos», mais un «coup d’Etat» de l’aristocratie, de l’intelligentsia peule, des «mendiants et prosélytes» convertis à l’Islam, pour s’accaparer du pouvoir, avec un vernis de l’Islam. «La théocratie n’est pas un régime politique d’émancipation et de liberté des personnes. La prétendue révolution Torodo a viré au désastre politique et social. (…). Le système Torodo, plus politique que religieux, incarnait l’instrumentalisation de l’Islam pour masquer ce qui le caractérisait profondément, c’est-à-dire la collaboration, la subordination et l’assujettissement aux systèmes arabo-berbères, musulman et judéo-chrétien» écrit Ibra Ciré N’DIAYE. Les Almamy, dans leur cupidité, se sont accaparés des terres et de la dîme. Tandis que les Satiguis sont des «résistants» ou des «insoumis» ; les Almamy, n’étant pas descendants de Dieu sur terre, peuvent donc être critiqués à ce titre ; ils se seraient couchés devant l’ennemi, à savoir les esclavagistes arabes et le colonisateur français. Par ailleurs, les Almamy ont figé les relations sociales, en introduisant un système de «castes» au Fouta-Toro, initialement une simple division du travail, devenue un mécanisme «réactionnaire» d’accaparement des Torodos du pouvoir. Au Fouta-Toro, même de nos jours, ne seraient légitimes à aspirer aux fonctions électives que les Torodos, les «castés» restant, depuis les Almamy, disqualifiés à jamais.
Dans cette violente charge, le professeur Ibra Ciré N’DIAYE prend la précaution de préciser qu’il ne s’en prend pas à Thierno Sileymane BAL (1746-1778), mais aux Almamy qui ont confisqué le pouvoir par avidité, à leur profit personnel, et donc les idéaux de la «Révolution» auraient été trahis. Cependant, le professeur N’DIAYE introduit un sorte de venin, semant le doute dans l’esprit du lecteur, à savoir que Thierno Sileymane BAL ne serait pas né à Bodé, mais au Macina (Mali). Son patronyme serait «BARRY», au lieu de «BAL» ; il serait issu de la famille de Cheikhou Amadou. Venu à Bodé (Podor, Sénégal) pour des études coraniques, Thierno Sileymane aurait été «Balissisé» dans ce village, où il n’est pas né. Par ailleurs, au lieu de parler de «Révolution», il s’agirait plutôt d’un coup de force. Le dernier Satigui, Soulèye N’DIAYE, aurait même renoncé, volontairement, au pouvoir. Pour le Déniyanké, Ibra Ciré N’DIAYE, la révolte de Thierno Sileymane BAL contre la dime imposée (Mouddo Horma) par les Maures n’aurait pas eu lieu ; ce serait un incident entre Souleye N’DIAYE et un paysan qui ne pouvait pas s’acquitter de l’effort de guerre, dans un contexte de disette. Dans ses attaques au bazooka, contre ce qu’il appelle «le système Torodo», le Déniyanké Ibra Ciré N’DIAYE affirme, et sans le démontrer, que Thierno Sileymane BAL, en 1778, aurait même été assassiné par des Almamy. Par ailleurs, le premier Almamy ne serait pas Abdelkader KANE (1721-1807), mais Soulèye N’DIAYE II. Dans sa croisade, Thierno Baïla Pérédio SOW, et en dépit des mises en garde de Thierno Sileymane BAL, prêchant la non-violence, a été tué à la bataille sanglante de Waly Diantang (commune rurale du département actuel de Maghama, dans la région de Gorgol, en Mauritanie).
Le Déniyanké et professeur Ibra Ciré N’DIAYE, en dépit des allures polémiques, parfois binaires, de son travail, a posé une question fondamentale et complexe qu’il ne faudrait pas évacuer pas rapidement : faudrait-il réévaluer l’histoire du Fouta-Toro, et donc celle de la conquête et de la conservation du pouvoir au Sénégal ?
«Ecrire c’est agir» disait Simone de BEAUVOIR (1908-1986) ; c’est en cela que les graves interrogations du professeur et Déniyanké, Ibra Ciré NDIAYE, sans crier au sacrilège ou au parricide, sont légitimes, pertinentes et nous interpellent tous. Ecrire, c’est être confronté au devoir de lumière et de vérité. «Les intellectuels doivent dire la vérité aux décideurs politiques, sinon on peut avancer sans se tromper qu’ils ont failli à leur mission», dit Abdoulaye Bara DIOP (1930-2021). Loin de moi de faire l’éloge du relativisme, un système dans lequel chacun a sa Vérité. Je suis fondamentalement attaché à la Vérité, même si elle dérange, mais pourvu qu’elle soit rigoureusement établie. Les clercs (intellectuels) «ne doivent pas renoncer à leur vocation de défense des valeurs universelles de Vérité et de Justice» disait, en 1928, Julien BENDA (1867-1956), philosophe et écrivain, dans son ouvrage, «la trahison des clercs». Par conséquent, écrire, sur un sujet sensible, c’est faire fi des ressentiments, des rancœurs ou du venin de la division, tout en s’entourant d’une rigueur intellectuelle, sans failles. C’est à titre que je recommande, très vivement, son ouvrage, bien écrit et documenté. L’histoire du Sénégal n’est pas gravée dans le marbre ; elle peut donc être, sans tabou, être questionnée, à tout moment, mais avec une distance critique, ainsi qu’une solide argumentation.
Cependant, dans cet ouvrage, d’une grande qualité, il est regrettable que, parfois, la polémique, des approximations ou des affirmations lacunaires non suffisamment étayées, aient pris le pas sur la démonstration concernant des questions complexes, pour lesquelles une réponse affirmative ou négative ne suffirait pas. A mon sens, il n’y a pas d’un côté les valeureux Déniyanké, des «insoumis» et rebelles, et de l’autre des Almamy, avec leur coup d’Etat, cupides et ayant vendu leur âme au diable que sont les Arabes et les colons. Une telle vision serait caricaturale de l’Histoire. En effet, l’héritage des Déniyanké, comme d’ailleurs celui des Almamy, est placé sous le sceau de la complexité. En effet, je souscris pleinement à la théorie de la complexité développée par un sociologue français, à savoir Edgar MORIN (1921-2021). Qu’est-ce qu’un être humain ? : «Puis, j'ai perçu que la connaissance de l'humain nécessitait un rassemblement, une association et une articulation de savoirs dispersés et compartimentés dans des disciplines closes. Puis j'ai compris que, pour effectuer cette association et articulation, il fallait modifier notre mode de «connaître» et notre mode de pensée. Puis, j'ai compris que cette modification nécessitait un paradigme prescrivant distinction et conjonction, au lieu du paradigme dominant imposant disjonction et réduction. Seul ce mode de «connaître» et de penser permettrait d'affronter les complexités de notre monde en interaction et transformation, multiples et incessantes» dit-il. Edgar MORIN propose la «Méthode», soit accepter de ne pas avoir toutes les réponses, mais en se posant les bonnes questions.
Le Déniyanké, Ibra Ciré NDIAYE affirme que les premiers Satigui, des NDIAYE, étaient des «Garmi» venus du Djolof. Cette prétention semble être contredite par l’histoire de Coly Tenguella BA, venu du Mali, à la suite de l’assassinat de père par Askia Mohamed. Coly Tenguella BA est bien le fondateur de la dynastie des Dényankobé. Les N’DIAYE seraient-ils des Peuls ou des Ouolofs ?
Il est généralement admis que le Sénégal est un pays multiculturel, et cela le travail du Déniyanké, Ibra Ciré N’DIAYE, un peul avec des ascendances ouolof, le montre. Le Sénégal est un pays fondé sur la diversité ethnique, culturelle et religieuse. «La beauté d’un pays grandit de sa multiplicité» écrit Edouard GLISSANT (1928-2011). En effet, les N’DIAYE ne sont ni Peuls, ni Ouolofs, ils sont des Sénégalais. «L’arc-en-ciel, rappelait-il, ne doit-il pas sa beauté à la variété de ses couleurs ?» disait Amadou Hampâté BA (1901-1991). Le Sénégal est bien «un Grand petit pays», en référence au titre de mon troisième ouvrage. Ma mère est une N’DIAYE, dont les ancêtres viennent de Louga, dans le Djolof, où résident également des Peuls, comme des Ouolofs. De part, mon grand-père paternel, Bocar BAL, originaire de Mauritanie, je suis un descendant de Thierno Sileymane BAL, donc faisant partie de ce «système Torodo» dénoncé par le professeur Ibra Ciré NDIAYE. En effet, l’ancien royaume du Tékrour, l’actuel pays des Toucouleurs ou Peuls, dans le Nord du Sénégal, était occupé par des Peuls, des Sérères, des Ouolofs et des Sarakolé. La preuve de cette cohabitation multi-ethnique au Fouta-Toro, est fondée sur la présence encore, de nos jours, de nombreux villages ouolofs dans le Fouta-Toro (Seddo Sébbé, Mogo, Taïba).
En 1250, des tribus païennes, les Socé, envahirent le Tékrour et régnèrent jusqu'à la fin du XIIIème siècle. Le Tékrour fut ensuite victime de la conquête mandingue menée par Soundiata KEITA (1190-1255), fondateur de l’Empire du Mali. On pense, qu'au IXème siècle, les Peuls prirent le pouvoir au Tékrour et le conservèrent jusqu'au XIème siècle. À ce moment, Ouar Diabi s'empara du pouvoir et favorisa l'islamisation vers 1030, contraignant les Sérères et les Ouolofs, à émigrer vers la côte. Est-ce pour autant, comme semble l’insinuer, le Déniyanké, Ibra Ciré N’DIAYE, que l’Islam est durablement installé, dans tous les recoins et en profondeur dans le Sénégal ?
Cette résistance des Sérères et des Ouolofs à l’Islamisation prouve bien que cet Islam des caravanes, au XIème siècle, est resté en surface. Les Peuls Déniyanké étaient des animistes, et ce n’est une offense que de le dire ; ils n’ont été islamisés, comme la grande masse des Sénégalais, qu’avec les 33 mosquées des Almamy, mais aussi par l’action courageuse d’El Hadji Omar TALL (1796-1864), par la suite de Maba Diakou BA (1809-1867). C’est donc les Foutankais qui ont islamisés le Sénégal, et tous les grands marabouts du Sénégal, sans exception, sont d’ascendance peule.
Le professeur Ibra Ciré N’DIAYE affirme que l’histoire des Déniyanké, des «résistants» serait minorée, voire discréditée. A cela deux remarques.
D’une part, le terme «Déniyanké» n’a pas fait, dans sa signification, l’unanimité des historiens. Le mot «Déniyankobé» a été interprété de différentes manières. En 1911, pour André ARCIN, «Déniyanké» sera issu de «Dénia», une région côtière du Maroc. En Malinké, «Dénia» est le diminutif de «Déniouma» désignant «le joli enfant» ou «l’enfant béni». En effet, pour Samba Alassane BA, Déniankobé, signifierait «chefs, une famille de guerriers venant du Dolo». Les Peuls Déniyanké sont «les habitants de Déni», un village peul du Macina, au Mali. Ce terme est plus célèbre comme désignant «la tribu peule dont étaient originaires Coly Tenguella BA et ses conquérants» écrit, en 1969, Yaya WANE, dans sa magistrale «histoire des Toucouleurs du Fouta-Toro». Pour Yaya WANE, «Satigui» signifie «le Guide». Cheikh Moussa CAMARA pense, sans être affirmatif, que «Silatigi est, peut-être, le nom d’un ancêtre ou un titre royal». Henri GADEN (1876-1939) a donné l’explication la plus crédible, que je reprends à compte, à savoir que les Peuls étant des voyageurs et éleveurs, Tenguella avait pris les titres d’Ardo (chef peul), puis celui de «Saltigui», un terme mandingue, ou «Satigui» en Peul, signifiant «maître de la route» ou «chef de la migration», ou encore «celui qui ouvre le chemin», et donc celui ayant connaissance des choses pastorales et de la brousse, investi du culte des ancêtres et de leur génie.
D’autre part, si les sources concernant les Satigui sont éparses, difficiles d’accès, voire parfois contradictoires, je me suis efforcé, dans mon ouvrage, «le Sénégal, un Grand petit pays», à retracer la contribution de Coly Tenguella BA et de ses descendants, dont les N’DIAYE, des «pièces rapportées», arrivées tardivement au pouvoir. Samba Guéladio Diégui, et suivant Cheikh Moussa CAMARA, porte le patronyme de BA, comme ses ancêtres Déniyanké, des anciens temps. Il est indubitable que l’on doit à Coly Tenguella l’unification des différents royaumes du Fouta-Toro et leur indépendance de l’empire du Djolof. En effet, au XIVème siècle (1512 ou 1535 ?), des Peuls, Déniyanké, à leur tête Coly Tenguella BA, ont réorganisé l’Etat du Fouta-Toro. Pour ma part, l’année 1776, après plus de 260 années de règne des Dényankobé, est donc une véritable «Révolution» qui a porté les Almamy au pouvoir, dans l’ancien Tékrour, devenu le Fouta-Toro. En effet, et cela les travaux de Oumar KANE l’ont démontré, depuis plus de 70 ans, il y avait une crise dynastique chez les Déniyanké, les règles sur la succession étant incertaines. Certains princes ont plongé le Fouta-Toro, dans une atmosphère permanente de guerre civile, de violence, de famine, et pour financer leurs ambitions, ils faisaient recours aux Maures, et à l’esclavage.
Qu’en est-il exactement de l’héritage des Almamy ?
Les Satigui seraient-ils des «insoumis» ou des «résistants», par rapport à qui et à quoi, comme semble le suggérer le professeur et Déniyanké, Ibra Ciré N’DIAYE ? Il se fonde sur les chansons du Yella, et donc sur la tradition orale pouvant véhiculer et restituer «des éléments de savoir et de pouvoir» écrit-il. Et en quoi, les Almamy seraient des «collaborateurs» du colonialisme et des Arabes ?
Le long règne des Satigui s’est étendu, on l’a dit entre 1512 et 1776 ; c’est l’époque des comptoirs où la colonie du Sénégal, créée en 1626 par la Compagnie normande de Rouen, n’avait pas encore vraiment d’autorité sur l’intérieur du pays, encore régenté par de nombreux royaumes, et dont le plus puissant est celui du Fouta-Toro. En réalité, c’est à partir de 1895, avec la création du gouvernement général, le Sénégal étant devenu le siège de l’A.O.F., que les colons, avec les relais des chefs de canton et non pas les Almamy, ont fini par tout «normaliser», suivant leur expression. A cette époque, l’Almamiyat était déjà liquidée. L’écrivain malien, Yambo OUOLOGUEM (1940-2017) avait bien montré, dans son ouvrage, «Devoir de violence» publié en 1968, que le colonisateur s’est appuyé sur les fils des chefs, et non sur les Almamy ou les Résistants, pour asseoir sa domination. Le colonisateur ne s’est donc attaqué à ces structures féodales qui lui serviront d’intermédiaires avec les populations. Les fils des chefs traditionnels sont instruits à l’occidentale. Aucun Almamy, à ma connaissance, n’a été nommé chef de canton pendant la colonisation.
Par ma part, la Charte de Thierno Sileymane BAL visant à faire élire des gouvernants, non plus sur la base de l’héritage, mais sur le savoir, avec une validation d’un Conseil de notables, a été un progrès. Le «Diagordo», assemblée des notables, des Satigui n’était composé que de princes Déniyanké, ne faisant que valider l’état des rapports de forces en présence. Samba Guéladio Dégui, dans son conflit contre Konko Boubou Moussa, s’est d’ailleurs affranchi de l’onction du «Diagordo», en disant «Gniwa aala Gaynako» ou «l’éléphant n’a pas de berger». Si on appliquait la Charte, défendant la Femme, l’enfant et les orphelins, définie par Thierno Sileymane BAL, de nos jours, il n’y aurait en Afrique ni corruption, ni régime monarchique et dynastique. En dehors du premier Almamy, Abdel Kader KANE, resté au pouvoir 33 ans, les autres Almamy pouvaient être destitués, à tout moment, en cas d’abus. Ce qui a créé une instabilité gouvernementale. Un point commun aux Satigui et aux Almamy, l’institut du chef de village, avec des pouvoirs traditionnels, administratifs et politiques, depuis Coly Tenguella BA, a survécu, et reste encore un bel héritage de l’histoire du Fouta-Toro.
Cependant, et à bien des égards, je partage le point de vue du professeur Ibra Ciré N’DIAYE. L’Almamiyat a instauré un régime théocratique. Républicain, je puis partisan de la laïcité, un puissant outil, s’il est correctement appliqué, du bien-vivre ensemble, dans toute société fondée sur l’égalité et la diversité. Même si 95% Sénégalais sont musulmans, la religion doit rester une affaire privée, un rapport entre l’individu et Dieu. Le fait de vouloir, pour certains savants, de rattacher leurs ancêtres au Prophète Mahomet, a déjà été dénoncé et condamné par Cheikh Moussa CAMARA. Par ailleurs, la religion musulmane devrait être distinguée des coutumes et traditions arabes, et donc les valeurs culturelles africaines, sont impérativement à préserver. On peut bien être Africain, Peul et musulman, sans se référer à d’autres valeurs culturelles. Le Sénégal, un «Grand petit pays» est riche d’un passé glorieux, avec ses Saints (Thierno Sileymane BAL, El Hadji Omar TALL Maba Diakhou BA, Cheikh Ahmadou Bamba, etc.). Cependant, leur message, de nos jours, a été trahi. L’Islam est devenu un véritable mafia, un business et diverses confréries ou Dahiras en ont fait une affaire juteuse, un moyen de solliciter des financements de l’Etat.
La question des castes, a bien été dévoyée de son sens originelle. Yaya WANE, comme Abdoulaye Bara DIOP, qui ont étudié la société peule, estiment que les castes sont un système fondé sur la division du travail et des fonctions, se caractérisant par des rapports d’interdépendance. Ce n’est pas donc une hiérarchisation entre les individus. C’est un simple système de répartition du travail en vue d’une recherche d’efficacité, de cohésion sociale ou de solidarité.
Enseignant chercheur à l'Université Paris I, Panthéon-Sorbonne et à l'IDHP (Institut des Droits de l'Homme et de la Paix), à l’Université Cheikh Anta Diop, Juriste et anthropologue du droit, médiateur, le professeur Ibra Ciré N’DIAYE s'est beaucoup intéressé aux questions liées à l'histoire et la gouvernance du foncier dans les sociétés africaines. Il a loué la réforme introduite par Léopold SENGHOR, en 1964 concernant le domaine national. «Le foncier est une projection des relations de pouvoir» dit M. NDIAYE. En effet, c’est sur ce point, avec notamment la spéculation foncière de nos jours au Fouta-Toro, que cette question d’une très haute importance, devrait retenir l’attention des pouvoirs publics. Il y a bien eu, en 1790, au début du règne des Almamy, le «Féccéré Fouta», une redistribution des terres.
Références bibliographiques 
1 – Contributions de Ibra Ciré N’DIAYE
N’DIAYE (Ibra, Ciré), Temporalités et mémoire collective au Fouta-Toro. Histoire d’une aliénation culturelle et juridique, avant-propos du professeur Samba Thiam, préface du professeur Etienne Le Roi, Dakar, L’Harmattan, Sénégal, 2019, 267 pages ;
N’DIAYE (Ibra, Ciré), «Club des africanistes, rencontre en hommage au Recteur Alliot», In Association anthropologie et juristique, Sacralité, pouvoir et droit en Afrique : quinze après, Bulletin de liaison du laboratoire d’anthropologie juridique de Paris, juin 1995, n°20, 136 pages, spéc pages 10-11 ;
N’DIAYE (Ibra, Ciré), «Dynamisme et isolement des Toucouleurs (Peuls) de France : contribution de la communauté au développement du village d’origine», Hommes et Migrations, mars-avril 1996, vol 8, n°44, pages 77-83 ;
N’DIAYE (Ibra, Ciré), «Entretien avec Sada Kane», Dakar, Télévision, 2STV, 22 août 2019, durée 55 minutes et 52 secondes ;
N’DIAYE (Ibra, Ciré), Contribution du droit au développement de l’Afrique, sessions de formation des 1er, 8, 9, 14 et 15 juin 1995, rapport final, Paris, Ministère de la Coopération, 1995, 206 pages ;
N’DIAYE (Ibra, Ciré), PLANçON (Caroline), Une piste de solution pour la réforme foncière au Sénégal : la fiducie comme mode d’appropriation des terres AFC, Agence française et développement, mars 2010, 102 pages ;
N’DIAYE (Ibra, Ciré), Les Toucouleurs et les bases socio-juridiques de l’agriculture irriguée dans la moyenne vallée du Sénégal, thèse de doctorat, sous la direction du professeur Etienne Le Roi, Paris I, Lille, Atelier national de reproduction des thèses, 1998, 435  pages.
2 – Autres références
ALLIOT (Michel), Le droit et le service public au miroir de l’anthropologie, textes choisis et édités par Camille Kuyu, épilogue par Etienne Le Roy, Paris, Karthala, 2003, 400 pages ;
BA (Amadou, Bal), «Abdoulaye Bara Diop (1930-2021)», Médiapart, édition du 5 janvier 2021 ;
BA (Amadou, Bal), «Edgar Morin, pensée complexe, cosmopolitisme», Médiapart, édition du 10 juillet 2021 ;
BA (Amadou, Bal), Le Sénégal, un Grand petit pays, préface du professeur Abdoulaye Baïla N’Diaye, Paris, éditions Arsinoé, 2021, 626 pages, spéc sur «Coly Tenguella BA, unificateur du Fouta-Toro et fondateur de la dynastie des Dényankobé», pages 239-259 et sur «Thierno Sileymane BAL et sa Révolution des Torodos», pages 259-284 ;
DIOP (Moustapha), Réformes foncières et gestion des ressources naturelles en Guinée. Enjeux de la patrimonialité et de la propriété, dans le Timbi au Fouta Djallon, préface Pierre Philippe Rey, postface Etienne Le Roy, Paris, Karthala, 2007, 448 pages ;
DIOUME (Oumar), Les lumières noires de l’humanité : inventeurs, héros, artistes et sportifs, Dakar, Nouvelles éditions numériques africaines, 2013, 190 pages ;
KAMARA (Cheikh Moussa), Florilège au jardin des Noirs, Zuhur Al Basatin. L’aristocratie peule et la Révolution des clercs musulmans (Vallée du Sénégal), préface de Jean Schmidt, Paris, éditions CNRS, 1998, 468 pages, spéc sur les Satigui pages 93-130 et sur Thierno Sileymane Bal pages 315-325 et 339-340, 326-338 et 375-392 ;
KANE (Oumar), La première hégémonie peule : le Fouta-Toro de Koli Tenella à Almami Abdul, préface de Ahmadou Maktar M’Bow, Paris, Karthala, 2005, 672 pages ;
KYBURZ (Olivier), Les hiérarchies sociales et leurs fondements idéologiques chez les Haalpulaar’en (Sénégal), thèse sous la direction d’Alfred Adler, Université Paris X, 17 décembre 1994, 444 pages :
OUOLOGUEM (Yambo), Devoir de violence, Paris, Seuil, 2018, 304 pages ;
SALL (Mamadou, Youry), Ceerno Sileymani Baal, le leader de la Révolution du Fuuta-Toro (1765-1776), Presses universitaires européennes, 2017, 50 pages ;
SOH (Ciré Abbas), Chroniques du Fouta sénégalais, traduction et annotations de Maurice Delafosse et Henri Gaden, Paris, Ernest Leroux, 1913, 325 pages ;
THIAM (Samba), La méthodologie du droit et l’art du juriste, contributeurs Bernard Durand, Demba Sy et Ibra Ciré N’Diaye, Dakar, l’Harmattan Sénégal, 2021, 178 pages ;
WANE (Baïla) «Le Fuuta Tooro de Ceerno Suleymaan Baal à la fin de l’Almamiat (1770-1880)», Revue sénégalaise d’Histoire, 1981, vol 2, n°1 pages 38-50 ;
WANE (Mamadou), «Réflexions sur le droit de la terre toucouleur», Bulletin de l’I.F.A.N. 1980, t. XLII pages 86-128 ;
WANE (Yaya), Les Toucouleurs du Fouta-Toro : stratification familiale et structure sociale, Dakar, Collection Initiatives et études africaines, 1969, n°XXV, 250 pages ;
YOUNES (Carole), LE ROY (Etienne), sous la direction de, Médiation et diversité culturelle. Pour quelle société ?, Paris, Karthala, 2002, 311 pages.
Paris, le 4 mars 2022, par Amadou Bal BA - http://baamadou.over-blog.fr/
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