23 avril 2016
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«Batoula», premier et unique prix Goncourt attribué à un Noir le 14 décembre 1921, est tombé dans l’oubli. «C’est René MARAN qui, le premier, a exprimé «l’âme noire » avec le style nègre en français» souligne Léopold Sédar SENGHOR qui voyait en ce roman un «précurseur de la négritude». René MARAN qui a mis six années pour écrire «Batouala» qualifié de véritable «roman nègre», relate que son ouvrage est «une successions d’eaux fortes». Il n’a fait rien inventé dans ce roman ; il n’a fait que constater et enregistrer la vie des Africains. Il faut se méfier des préjugés : «Les Nègres de l’Afrique équatoriale sont, en effet, irréfléchis et n’auront jamais aucune espèce d’intelligence. Du moins, on le prétend. A tort, sans doute. Si l’intelligence caractérisait le Nègre, il y aurait fort peu d’Européens» dit d’emblée René MARAN dans la préface. Dans un roman autobiographique, «un homme pareil aux autres», paru en 1947, René MARAN exprimera tout le mal-être lié à sa double culture et contre la politique coloniale d’assimilation : «tu te crois Nègre, et on te croit Erreur ! Tu n’as que l’apparence. Pour le reste, tu penses en Européen», dit-il. La préface de ce brûlot constitue, en effet, une véritable charge frontale contre le système colonial puisque MARAN s'attaque de manière directe à la façon dont l'administration coloniale gère ses territoires de l'Afrique Équatoriale Française. Ce roman est une diatribe violente contre le colonialisme français qui, loin d’être une entreprise de «civilisation», serait un «royaume de cadavres». Dans son entreprise de domination, fondée sur la force, le colonialisme est inspiré des idées racistes qu’exprime clairement Montesquieu, à savoir «ils sont noirs des pieds jusqu’à la tête, et ils ont le nez écrasé qu’il est presque impossible de les plaindre». René MARAN est encore plus précis dans sa préface : «après tout, s’ils crèvent de faim, par milliers comme des mouches, c’est que l’on met en valeur leur pays. Ne disparaissent que ceux qui s’adaptent à la civilisation. Civilisation, civilisation, orgueil des Européens, et leur charnier d’innocents. Tu bâtis ton royaume sur des cadavres. (…). Tu es la force qui prime sur le droit. Tu n’es pas un flambeau, mais un incendie. Tout ce que tu touches, tu le consumes». Les indigènes débilités par des travaux incessants, excessifs et non rétribués, le colonialisme les a met dans l’impossibilité de se consacrer à leurs semailles, d’où la famine dans un pays pourtant fertile. «Si, comme je le crois, René Maran dit la vérité, que maudite cent fois soit une civilisation qui produit de tels résultat», dit René VIOLAINES, un des amis de René MARAN.
Pour René MARAN, la vie coloniale, n’est pas une mission de «civilisation», mais elle est faite d’abus, de malversations, d’atrocités, ainsi que de bassesses. En effet, le colonialisme avilit peu à peu les serviteurs de la France «rares sont, parmi les fonctionnaires, les coloniaux qui cultivent leur esprit. Ils n’ont pas la force de résistance à l’ambiance. On s’habitue à l’alcool». Ces excès et d’autres, ignobles, conduisent à ceux qui y excellent à «la veulerie, la plus abjecte». Les fonctionnaires coloniaux, pour avancer en grade, hantés par cette idée, «ont abdiqué à toute fierté, ils ont hésité, temporisé, menti, délayé leurs mensonges. (…). A leur anémie intellectuelle, l’asthénie morale s’ajoutant, sans remords, ils ont trompé leur pays».
Un député, pourtant communiste, Georges BARTHELEMY exige des sanctions contre René MARAN, un fonctionnaire «qui a répandu sa bile sur la grande famille coloniale française». René MARAN affirme pouvoir prouver certains comportements humiliants de ses supérieurs à l’égard des indigènes et des fonctionnaires de «race noire» qu’ils traitent avec un mépris absolu de la dignité humaine ou un parti pris, et ont voulu de diminuer l’autorité attachée à leurs fonctions. L’administration coloniale est naturellement fortement irritée contre ce roman devenu célèbre : «Conserver un agent dont la valeur est nulle qui ne se distingue que par sa suffisance et son incapacité ; dont l’orgueil est indomptable et ne lui permet pas d’obéir ; qui ne fait usage de ses facultés que pour critiquer ses chefs, enfin qui ne peut être qu’une charge pour la colonie, serait regrette», souligne un rapport. On s’étonne, dès lors, comment le prix Goncourt a été attribué à René MARAN. En fait, les Noirs ayant partagé l’expérience des tranchées, la dette du sang devient un argument fondamental des demandes d’égalité. Courtisés par des mouvements d’obédience communiste, à travers un journal «Paria», les tirailleurs sénégalais ont commencé à acquérir une conscience politique. En effet, l’attribution de cet unique prix Goncourt à un Noir, depuis près d’un siècle, était à l’époque une sorte d’hommage aux 160 000 tirailleurs sénégalais qui avaient vaillamment combattu pour la «mère patrie» pendant la première guerre mondiale. Sur les 370 000 Noirs américains enrôlés dans la Première Guerre mondiale à partir de 1917, environ 200 000 servirent en France. «Vous Tirailleurs Sénégalais, mes frères noirs à la main chaude sous la glace et la mort. Qui pourra vous chanter si ce n'est votre frère d'armes, votre frère de sang ? Je ne laisserai pas la parole aux ministres, et pas aux généraux. Je ne laisserai pas -non! Les louanges de mépris vous enterrer furtivement. Vous n'êtes pas des pauvres aux poches vides sans honneur. Mais je déchirerai les rires «banania» sur tous les murs de France» dit SENGHOR dans un poème liminaire d’Hosties Noires.
Au début du siècle dernier, en pleine expansion de la domination française en Afrique, personne n'osait douter des aspects positifs du colonialisme censé être porteur de civilisation et de paix. Pourtant une voix singulière s’insurge contre cette imposture, celle de René MARAN, auteur antillais (1887-1960), de surcroît fonctionnaire au ministère des Colonies. Ses propos font l’effet d’une bombe dans le paysage politique d’une France victorieuse de la première guerre mondiale et sûre d’elle-même. Lorsque René MARAN obtient le prix Goncourt avec le roman «Batouala», il acquiert une immense réputation internationale. Brillant élève à Bordeaux, fonctionnaire colonial en Afrique, écrivain talentueux et intellectuel engagé, René MARAN est resté jusqu'ici une personnalité peu connue, voire ignorée du grand public. René MARAN, à travers la première biographie que lui consacre Charles ONANA, est un homme de lettres et de culture qui a bouleversé et marqué la vie littéraire française en termes de dualité de construction identitaire.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, René MARAN décrit ses compatriotes de façon stupéfiante : "Les Français sont, présentement, ou anglophiles, ou hitlérophiles, ou américanophiles, ou sovietophiles, ou fascistophiles. Tous comptent, selon leurs affinités électives, ou sur l'Amérique, sur l'Angleterre, sur la Russie, sur l'ordre hitlérien ou sur les disciplines fascistes pour les sauver du chaos où les ont plongés, leur insouciance, leurs querelles intestines et leur incurie». Comme le nom l’indique, «Batouala» est un roman africain. Par contre le nom de l’auteur ne révèle pas qu’il s’agit d’un noir, «le premier Goncourt noir». Ce roman couronné d’un Goncourt «trop noir et ineuropéen» pour les Français, qui force l'admiration des uns, et provoque la colère des autres, est interdit de diffusion en Afrique. René MARAN, fonctionnaire colonial en Oubangui Chari, (République Centrafricaine), sera contraint de démissionner de son poste. Léon DAUDET, membre de l’Académie Goncourt écrit, le 16 décembre 1921 que le roman «Batouala est un livre remarquable, d’une langue puissante et hardie». Loin de disqualifier le Goncourt, Léon DAUDET en parlait termes élogieux : «L’attribution du prix Goncourt le seul prix littéraire qui compte vraiment aujourd’hui, à un écrivain de race noire, M. René MARAN, auteur de Batouala, confirme ce que j’ai eu l’occasion de répéter ici, à maintes reprises, quant à la prétendue infériorité de la race noire. Cette infériorité est un mythe, comme, dans un autre genre, la prétendue supériorité du dix-neuvième siècle».
La relecture au XXIème siècle de René MARAN est d’une grande actualité face à la montée du Front National et à la grande lepénisation des esprits. En effet, les discussions qu’il a entretenues sur les questions relatives aux Noirs (leur statut, leur identité, etc.) avec d’autres intellectuels et artistes au sein de ces différents espaces sont encore des questions majeures de notre temps, même si le contexte a changé. Les idées de René MARAN, sont certes radicales, mais sont été au fondement d’un travail de compréhension des situations et conditions des Noirs dans leurs spécificités contextuelles mais aussi dans ce qu’elles ont de commun. Par ailleurs, et en dépit de l’affirmation du principe d’égalité encore en ce moment, les Noirs de plus en plus nombreux en France, sont exclus des principaux de décisions : direction des partis politiques, représentation à l’Assemblée nationale, dans les groupes publics, postes à responsabilité dans la haute administration. C’est une ségrégation qui ne dit pas son nom. Dans les années 20, René MARAN parlait d’une «américanisation» de la société française, avec le phénomène d’exclusion que développe le colonialisme.
La relecture de «Batouala» soulève d’autres questions. En quoi René MARAN invite à réfléchir à la figure de l’écrivain engagé et en quels sens. En quoi permet-il d’éclairer, ou non, le parcours d’autres écrivains. René MARAN est un grand précurseur du roman nègre et africain. «Bien plus aux circonstances qu’à mes origines. Celles-ci, compte tenu des mystérieuses lois de l'hérédité, m’ont sans aucun doute permis de mieux comprendre, de mieux sentir et de mieux traduire qu'un Européen la vie de la brousse. Mais ce sont les circonstances qui m'ont contraint à devenir ce que je suis devenu. Le succès de Batouala m'a fait prisonnier des causes que j'ai défendues» dit-il en 1953. Sa contribution littéraire est particulièrement dense et importante. Il a écrit des romans, des essais et des poèmes. «Tout le roman nègre en francophonie procède de René Maran» dit Nimrod. Qui était donc René MARAN ?
René MARAN est né le 5 novembre 1887 sur le bateau qui menait ses parents d’origine guyanaise à Fort-de-France. Comme c’est là où sa naissance a été enregistrée, on le présente souvent comme un écrivain de Martinique. «Je suis né en effet à Fort-de-France le 5 novembre 1887, que je sois né ici ou là n'a d'ailleurs, pour moi, qu'une importance relative. L'essentiel est de vivre et d'essayer de laisser une œuvre après soi. Le reste dirait Verlaine, n'est que littérature» dit René MARAN. Le jeune René fut très vite contraint de déménager dans «la métropole», à Bordeaux plus précisément, alors que son père est muté en Afrique Equatoriale. Dès l’âge de sept ans, on le retrouve pensionnaire au petit lycée de Talence, en Gironde, avant d’intégrer le Lycée Montaigne en 1902. Il publie son premier recueil de poèmes en 1904 et se destine à une carrière littéraire lorsqu’il doit brusquement renoncer à s'inscrire à la Faculté de Lettres pour subvenir dorénavant aux besoins de sa famille. Il connut ainsi la jeunesse mélancolique des enfants de coloniaux, des quasi-orphelins qui n’avaient droit à la présence de leurs parents que pendant un semestre tous les trois ans, au rythme des congés administratifs. C’est au grand lycée de Bordeaux, en classe de seconde, que se confirma sa vocation littéraire grâce à la rencontre avec son professeur de lettres, Monsieur LAMBINET, auquel il devait prodiguer des témoignages de fidélité tout au long de son existence. On demeure rêveur quand on découvre dans l’éloge funèbre de LAMBINET rédigé par MARAN que ce dernier se montre particulièrement reconnaissant à son maître de lui avoir révélé ces deux chefs d’œuvre de la poésie française que sont «La cithare» de Théodore de BANVILLE et «Les bœufs» de Louis MERCIER. Reçu bachelier en 1906, MARAN fut étudiant à Paris. On sait qu’il a joué au rugby au Stade français dans la même équipe qu’un autre Guyanais célèbre, Félix ÉBOUE, futur haut-fonctionnaire colonial qui organisera la Résistance gaulliste en Afrique Équatoriale Française (A.E.F.).
En 1910, il part donc pour l'Afrique, désormais aux ordres de l’administration coloniale française, juste après avoir publié un premier recueil de poèmes, La Maison du bonheur. Il est nommé commis de 4ème classe des affaires indigènes à Bangui, où il retrouve son père, Léon Herménégilde MARAN, pour peu de temps puisque Léon MARAN prendra sa retraite six mois plus tard et regagnera la maison familiale à Bordeaux. René MARAN passa la plupart de sa vie entre la France et l'Afrique, en Oubangui Chari notamment, ce qui rend d'autant plus problématique la catégorisation de l'appartenance géographique de cet écrivain, mais ceci explique aussi son intérêt pour la communauté noire, non seulement antillaise, mais aussi d'Afrique, de France et des États-Unis. C’est en Afrique qu’il commence dès 1912 son Batouala, un roman dans lequel il souhaite restituer l’intériorité des indigènes du point de vue d’un chef de village.
René MARAN ne marcha pas très longtemps sur les traces de son père. Il interrompit sa carrière coloniale à la fin de 1924, avec le grade «d’adjoint principal de 3ème classe des services civils». Se considérant persécuté par son administration en raison des positions qu’il avait prises dans «Batouala», il jugea préférable de s’installer à Paris et de se consacrer à plein temps à la carrière littéraire. René MARAN fit alors l’apprentissage de l’existence pas toujours facile d’un écrivain qui doit vivre seulement de sa plume. En 1927 il avait épousé une demoiselle Camille BERTHELOT, née en 1894. De milieu modeste, si elle fut une épouse aimante et dévouée, elle ne pouvait pas l’aider à résoudre ses problèmes financiers. Elle survécut dix-sept ans à son mari, lui-même décédé le 9 mai 1960, grâce aux secours de divers amis du couple, en particulier du Président SENGHOR.
I – Batouala un roman résolument anticolonialiste
A – Exposé de Batouala
René MARAN dont l’œuvre est primée faisait partie de l’administration coloniale française depuis 1909 et qu’il occupait à ce moment-là un poste en A.E.F. où il reçut la nouvelle, deux mois plus tard, en raison des délais de transmission du courrier. Dans cet ouvrage, dédié à Manoël GAHISTO, biographe, traducteur, et qui portait l’indication générique : «véritable roman nègre», René MARAN souhaite couper court avec l'exotisme à la Pierre LOTI, et décrire ce qu'il voit, ce qui a lieu effectivement sous ses yeux, un personnage fictif, "Batouala le Mokondji", dans un cadre documentaire anticolonial et non-européen. L’empathie de René MARAN est telle qu’il nous montre la mentalité africaine comme de l’intérieur. «On ne parlera jamais assez de ces pauvres gens qu'une civilisation à laquelle je dois tout a immolés et immole chaque jour davantage à sa conservation», dit-il dans une lettre du 30 octobre 1918. Là est la prouesse du livre, puisque ses descriptions hyperréalistes coupent courts avec les pesanteurs de la mode. René MARAN devait écrire ensuite pour se justifier : "Je me suis proposé d'autres buts, en écrivant ces pages, que de donner au lecteur un aperçu sommaire, mais correspondant à la véritable vie coloniale d'Afrique. Mon unique souci a été celui de l'impartialité la plus complète vis-à-vis des Blancs comme vis-à-vis des Noirs. Je ne les ai pas opposés les uns aux autres, je les ai juxtaposés simplement, comme ils le sont dans la vie". «Batouala» est un roman «naturaliste» au sens où il «naturalise» les Africains. Il les présente comme des êtres de sensation bien plus que de réflexion. Et l’on ne peut manquer, en le lisant, de se remémorer l’aphorisme de SENGHOR : «l’émotion est nègre, la raison hellène».
Dans ce roman, au bord du fleuve Nioubangui vit le grand chef Batouala, l'un des plus puissants féticheurs du pays des Bandas, dont le monde traditionnel commence à s'effondrer. C’est l’histoire d’un vieux chef aux neuf épouses, fainéant, alcoolique et dépravé qui parle aux animaux et vit en harmonie avec la nature. Le grand chef Batouala ne peut plus dormir comme avant dans la quiétude de sa haute brousse. De nombreux soucis l'empêchent de rejoindre "Le doux feu intérieur du sommeil" : ses fonctions rituelles, la proximité des chasses, l'éloignement manifeste de sa femme. Il s’inquiète de voir sa jeune épouse, sa favorite, Yassindja, succomber aux charmes d’un jeune et vigoureux guerrier, Bissibingui, «coq préféré des femmes». Lors de la chasse à la panthère, il tente de tuer son rival. Le fauve le blesse. Batouala met deux jours pour mourir. Pendant que les autres villageois se disputent ses biens, sans attendre son décès, il n’est que deux personnes pour veiller sur lui : Yassindja et Bissibingui qui ne se cachent plus.
Et surtout, «Batouala» est préoccupé par cette sourde rumeur qui répète que l'homme blanc accable l'homme noir, et le traite moins bien que son chien. Batouala rejette le monde colonial qui est imposé : «On vivait heureux jadis, avant la venue des Boundjous (Blancs). Que nous ont-ils pas promis !» dit-il. «Vous reconnaîtrez plus tard, que c’est en vue de votre bonheur que nous forçons à travailler», rétorque un colon. Il s'inquiète également de voir des soldats noirs enrôlés dans l'armée française pour participer à un conflit absurde entre «Blancs frandjés» et «Blancs zalémans». Dans quelle galère sont-ils embarqués? Faut-il souhaiter la victoire des "zalémans" contre les colons «Frandjés» ?
Les Blancs, décrits comme des figures bouffonnes et autoritaires, ont pour les Noirs un mépris absolu et féroce. Batouala ne se lasse pas de dénoncer «la méchanceté des «Boundjous» (Blancs), leur cruauté, leur rapacité». Malgré les reproches qu'il adresse ainsi indirectement aux colons, René MARAN ne sombre pas dans le manichéisme et décrit sans complaisance les vices des tribus africaines, jalousie, paresse, lâcheté. Grandeurs et bassesses vont de pair, car «L'homme, quelle que soit sa couleur, est toujours homme». L’incompatibilité entre les Noirs et les Blancs se noue autour de la valeur du travail. Si le nègre n’est pas «fainéant», selon MARAN, il revendique le droit à la paresse : «On vivait heureux, jadis, avant la venue des «Boundjous». Travailler peu, et pour soi, manger, boire et dormir ; de loin en loin, des palabres sanglantes où l’on arrachait le foie des morts pour manger leur courage et se l’incorporer – tels étaient les seuls travaux des noirs, jadis, avant la venue des blancs. À présent, les nègres n’étaient plus que des esclaves».
Ce roman est complet parce qu’il renferme au-delà de l’intrigue autour de la vie banale d’un chef de village en période coloniale, l’histoire de tout un peuple face à différentes situations causées par le colonisateur. La réussite de MARAN réside dans la façon de rendre vivant son récit avec l’animation de la faune et de la flore qui participent dans le rythme de la vie des africains. Cette symbiose réussie actualise le roman dans le débat actuel de l’homme face à son environnement. L’indispensable vie naturelle des noirs s’offre ici comme un exemple d’harmonie que la civilisation occidentale n’a pas fini de détruire, et avec une grande partie des coutumes africaines.
B – Réception de Batoula
1 - Les critiques défavorables
On se souvient que le roman obtient le prix Goncourt, récompense qui jette plus qu’une «pierre dans la mare aux grenouilles littéraires». Dans ce contexte international d’après-guerre, la crainte de voir se diffuser au sein de l'opinion française un tel récit de la vie coloniale, n’est pas aussi vive que celle de le voir servir de propagande contre l’administration coloniale et l'occupation française de la Rhénanie par les Troupes noires. C’est ce contexte qui autorise en bonne part, les attaques les plus violentes contre l'auteur de Batouala tandis que l’inquiétude envahit la presse littéraire de voir le roman, traduit dès 1922 en Allemagne, servir outre-Rhin de propagande antifrançaise.
Le roman, favorablement accueilli au moment de sa parution, est devenu l’objet d’une polémique retentissante dans la presse coloniale et métropolitaine. «Il y eut quelque stupeur dans le ban et l’arrière ban des lettres, lorsqu’on apprit que l’auteur, inconnu hier encore en dépit de deux excellents volumes de vers parus, était un “véritable nègre”. On savait, à Paris surtout, les noirs de première force sur les “bruitteurs” de jazz-band à la mode; on ne les soupçonnait pas encore de taille à nous donner des modèles de style», souligne Henri-René LAFON dans «l’Afrique Latine» du 15 janvier 1922. «M. Maran est sans doute un génie pour les Nègres de l’Oubangui. Mais il n’est qu’un élève dans la patrie des Lettres», écrit Jacques BOULANGER, dans «l’Opinion».
Les premières réactions attestant d’un tournant radical du mode de la réception après le Goncourt, furent celles des journaux de gauche, à commencer par «L’Humanité» du 15 janvier 1922 qui présentait le roman comme un document sur l’exploitation des Noirs en Afrique par ceux qui disaient leur apporter la civilisation.
En raison de cet appui de la gauche, René MARAN a été longtemps suspect de communiste alors que, par ses propos et ses actes, il s’est toujours explicitement opposé tant au communisme qu’aux idées de Marcus GARVEY. Ses professions républicaines et assimilationnistes n’ont pas, pour autant, empêché que son discours soit perçu par le pouvoir comme potentiellement dangereux. Maurice DELAFOSSE, un éminent africaniste déclara que MARAN n’avait qu’une vision superficielle de l’Afrique et ne comprenait rien aux identités noires locales. DELAFOSSE s’interroge et accuse : «Une œuvre de haine ? Batouala ou la calomnie ? En couronnant ce pamphlet l’Académie Goncourt a commis une mauvaise action». Maurice DELAFOSSE affirme que René MARAN a terni l’image de marque des coloniaux. L’indifférence, soutient DELAFOSSE, dans une série d’articles, «pour les fonctionnaires coloniaux” entamée dès janvier 1922, n’est pas l’attitude qui convient à la circonstance, d’une part parce que les intérêts du pays sont en jeu, d’autre part parce qu’il n’est pas possible de demeurer indifférent en face des braves gens qui souffrent dans leur honneur injustement attaqué». La condamnation de MARAN par le tribunal de Bangui pour violences et voies de faits à la suite de l’affaire Mongo, le 26 juin 1919, qui établissait la responsabilité de MARAN dans la mort d’un porteur en novembre 1917, ressurgit comme par miracle.
Les critiques violentes viendront de René TRAUTMANN qui estime que MARAN est un imposteur, un raciste et un surendetté. «Mais, si j'en juge par la préface de l'auteur, Batouala n'est pas le simple Mokoundji d'un village quelconque des rives de la Bamba ; Batouala dépasse le cadre du petit roman colonial couronné par l'Académie Goncourt ; Batouala est le Nègre opprimé qui saisit chaque occasion, sans danger pour lui, d'exprimer sa haine contre le Blanc envahisseur», dit TRAUTMANN. René TRAUTMANN (1875-1956, médecin au Congo, membre de l’Académie des sciences d’Outre-mer) commence en cherchant à priver MARAN de toute légitimité à parler pour l'ensemble des Noirs d'Afrique : «Il est facile de découvrir de nombreux peuples noirs, heureusement très supérieurs au tien. Pour cette raison, [leur] opinion […] aurait incontestablement plus de valeur, plus de poids, que celle du chef d'un pays perdu comme le tien. Tu ne t'offenseras donc pas, si je me refuse à te considérer comme le porte-parole de toute la race noire», dit cet auteur conservateur. TRAUTMANN introduit une distinction entre le «Nègre», qui n'aurait pas bénéficié des bienfaits de la colonisation française et qui vivrait selon des mœurs barbares, et les «Noirs» qui représenteraient l'émancipation apportée par la France en Afrique. Ce souci français «d'obtenir un jour l'égalité absolue de toutes les races» serait lui-même attesté par l'exemple des abolitions françaises de l'esclavage et de la traite. TRAUTMANN, en évoquant la libération des esclaves antillais et leur inclusion à la nation par le décret de 1848, veut montrer que la France a fait de ces anciens esclaves des citoyens et non de nouveaux esclaves. De même que Batouala devrait à la France, comme tous les «Noirs» d'Afrique, la disparition de l'esclavage et de la traite «Mais, Batouala, nous connaissons votre manière de vivre heureux ; piller, supplicier, tuer ou réduire en esclavage tous vos voisins, quels qu'ils soient, tel est le comble du bonheur pour vous, bons nègres de l'Afrique centrale !». Avant la venue des Blancs en Afrique, il n’y avait que razzias, vente de captifs aux négriers et sacrifices humains.
Pour légitimer l'entreprise coloniale française ébranlée par la préface de Batouala, TRAUTMANN n’hésite donc pas à réduire MARAN à sa condition raciale, c'est-à-dire à des origines soi-disant barbares qu'il partagerait avec les «Nègres» actuels d'Afrique. La colonisation aurait apporté la «civilisation» à tous les Nègres.
2 - Les critiques enthousiastes
René MARAN a participé au premier Congrès mondial des écrivains et artistes noirs qui s’est tenu à Paris en 1956. Il était également présent à Rome en 1959 lors du second congrès. On sait par ailleurs qu’il était en relation amicale avec l’écrivain noir américain Mercer Cook, une premisse pour la Négritude.
Les auteurs de la «Harlem Renaissance» (Américains noirs réfugiés à Paris, comme, Claude McKAY, Langstone HUGUES) célébrèrent immédiatement dans la presse noire le Goncourt de MARAN, signe supplémentaire, pour eux, de l’absence de préjugés raciaux en France. «Un écrivain nègre, vivant au cœur de l’Afrique centrale, a remporté le prix Goncourt, un des plus prestigieux de France» souligne le New York Times. Ernest HEMINGWAY en fait un compte rendu dans le Toronto Star. Le Figaro fait état de «mérites littéraires considérables».
Pour Bocquet, MARAN est un «Français noir» et ses origines ethniques emportent avec elles des conséquences littéraires. René MARAN écrit d'ailleurs, dans Batouala, «qu'il n'y a ni Bandas ni Mandjias, ni Blancs ni Nègres ; il n'y a que des hommes - et tous les hommes sont frères". «Car maintenant, avec un cœur français, je sens que je suis sur le sol de mes ancêtres, ancêtres que je réprouve parce que je n'ai pas leur mentalité primitive ni leurs goûts, mais ce n'en sont pas moins mes ancêtres", lettre du 1er février 1910. Pour René MARAN, c’est au regard de la mixité «raciale» que l’on peut véritablement juger de l’effectivité de l’antiracisme à l’intérieur d’une société donnée. «La France est un pays où l’on est trop souvent généreux qu’en parole. Dès qu’on essaie de l’incliner aux faits, elle se révèle tout autre. […] il y a beau temps que je sais à quoi m’en tenir là-dessus et que le racisme français est plus profond qu’on ne croit. À preuve mon tout dernier roman», dit-il. Pour Léon BOCQUET (1876-1954), ami écrivain rencontré en 1909 lors de la publication de «La Maison du bonheur» sous la firme de la revue lilloise «La Bibliothèque du Beffroi», le qualifie de «hymne de foi envers les destinées de la France éprouvée, imprévoyante mais immortelle». Suivant Léon BOCQUET, René MARAN n'est pas un «mauvais Français» comme cela a pu être dit ou sous-entendu pendant la campagne contre Batouala. Au contraire, René MARAN a été profondément affecté par les années de guerre contre l'Allemagne, alors qu'il pressent le danger qui menace la France. «Je songe que la France, pays de rêves où je ne suis pas, s'achemine vers ses destinées. Je songe que nous ne pouvons pas les prévoir, ces destinées, et que sont parfois inquiétants les télégrammes que nous recevons» lettre du 30 octobre 1913. «Parce que la ville ou j'ai grandi et vécu est une ville de France, parce que la France est mon pays, enfin parce que je l'aime de si exclusif amour que s'il venait à disparaître, vivre me serait à charge – que la fortune sourie aux destins de la France !» dira-t-il dans son journal intime.
René MARAN retient ses larmes lorsqu'il apprend que les Allemands s'approchent de Paris en septembre 1914. Il se saoule nous dit BOCQUET, alors qu'il ne boit jamais, lorsqu'il apprend la victoire de la Marne. Son patriotisme s'exacerbe au début de l'année 1915 après la mort de sa mère. Il demande à se faire engager, veut aller se battre pour la France et laisser sa vie au front aux côtés de tous ceux, écrivains bordelais, qui ont déjà été raflés par les combats. «Ma pauvre mère est morte. Je suis toujours aussi abattu. Il n'y a que l'idée de patrie qui me soutienne. Je pense avoir le temps de rentrer pour me faire tuer pour notre France», lettre du 10 mars 1915. Il essaie de partir mais en vain. Son inaction le déprime alors, au point de ne plus réussir à lire, lui pour qui les livres sont tout. Ne pas pouvoir venir en aide à sa patrie l'attriste à tel point qu'il est pris d'un «dégoût mortel». La France est donc son pays, celui de ses amis, membres du milieu littéraire bordelais et dont il comprend le sacrifice, comme le confirme la correspondance qu’il entretient au même moment avec son jeune compagnon Charles BARAILLEY : «La génération littéraire montante a été cueillie en sa belle fleur. Plaise à la fatalité régulatrice des empires que ce soit pour le plus grand bien de la France. Ils sont morts pour qu'elle vive. Si regrettable que soit leur perte, il ne faut pas trop pleurer sur eux». BOCQUET soutient MARAN, traversé une construction identitaire contradictoire n'a pas rédigé un livre raciste. «Dix années de solitude hostile dans ces régions éloignées de tout, […] quelques vexations subies […] quoi qu'il advienne et quoi qu'il fasse, à valeur égale, desservi par sa couleur, il verra ses camarades européens favorisés à son détriment. C'en est assez pour aigrir un caractère ombrageux» dit-il. BOCQUET préfère donc une explication d'ordre psychologique. MARAN a cherché à pénétrer l'intériorité des hommes blancs et noirs qui habitent ces contrées hostiles. C’est en discutant avec les indigènes qu’il a pu, écrit Bocquet, restituer «la véritable haine que le nègre Banda nourrit, non point contre le blanc, mais contre l'occupant, qu'il soit d'ailleurs Français, Anglais, Allemand ou Portugais». Ce qui a touché MARAN est au fond ce qui toucherait toute «âme fraternelle», à savoir le « spectacle réaliste de la misère et de la déchéance indigène» dont l’avilissement à des mœurs sauvages ne saurait justifier l’oppression des «civilisateurs».
MARAN s’attèlerait donc à une critique de la domination coloniale. Il se serait fait le témoin des effets destructeurs de la colonisation, dont il contesterait la légitimité à partir d’une critique de la civilisation «Si toute civilisation ne se condamnait pas elle-même, le geste que fait celle-ci suffirait. Je comprends qu'il ait été fait. Je me refuse à l'approuver» dit René MARAN. Cette fraternité écrivaine se double d‘une filiation à la tradition littéraire française. Fils spirituel de la France, il aurait reçu l’héritage des Maîtres des Lettres françaises, transmission qui aurait scellé son appartenance culturelle.
II – Batouala un roman précurseur de la Négritude
A – Une importante contribution littéraire de René MARAN
L’œuvre publique de René MARAN est abondante. Elle comprend, outre les romans comme Batouala, des œuvres pour la jeunesse (M’Bala l’éléphant, Djouma chien de brousse, etc.), des récits historiques, des recueils de poèmes, des romans pour adultes, des essais, une autobiographie, «Un Homme pareil aux autres», paru en 1947. A côté, se développe une œuvre de propagandiste de l’entreprise coloniale, pas toujours facile à repérer car publiée sous le couvert de l’anonymat.
A certains égards, René MARAN est ambigu est-il du camp de opprimés ou dans celui des oppresseurs ?
À partir de 1937, en effet, MARAN fut stipendié par le «Service intercolonial» pour rédiger des articles qui étaient ensuite adressés gracieusement aux journaux. Ce travail pour le compte du ministère français des Colonies se poursuivit au moins pendant une partie de la période de l’occupation. MARAN s’est défendu d’avoir été un collaborateur. Il a pourtant reçu en 1942 le prix Broquette-Gonin de l’Académie française, destiné à récompenser des auteurs remarquables par leurs «qualités morales ». Contrairement à son ami Félix Éboué qui servait le général de Gaulle au Tchad, MARAN a condamné le recrutement d’une armée d’Afrique, en arguant que les colonisés étaient faits pour être protégés par leurs maîtres et non l’inverse. Ajoutons que, en 1949, par décision de Bernard CORNUT-GENTILLE (1909-1992), Haut-commissaire de la République et gouverneur général de l’A.E.F., René MARAN s’est vu octroyer une allocation viagère annuelle de 100.000 F, en témoignage de «reconnaissance pour l’œuvre littéraire, qu’il avait consacrée (à l’AEF)» pension qui lui fut supprimée, à son grand dam, par le Haut-commissaire suivant, en 1953.
René MARAN s’intéresse à l’histoire. Il a donc consacré des biographies à certains grands hommes. 1957 est une année charnière : la guerre d’Algérie fait rage, mais la décolonisation approche. La loi cadre de Gaston DEFFERRE vise à éviter dans le reste de l’Afrique ces déchirures de l’Afrique du Nord. Ainsi «Félix Eboué, Grand Commis et Loyal serviteur» est un des derniers ouvrages publiés par René MARAN (1887-1960). René MARAN y retrace l'itinéraire et la personnalité de son ami Félix EBOUE (1884-1944), utilisant beaucoup de lettres inédites. Né à Cayenne le 26 décembre 1884, administrateur des colonies en Afrique centrale, secrétaire général des Gouvernement de la Martinique et de la Guadeloupe, puis en 1939, gouverneur du Tchad, Félix EBOUE fut nommé en 1941 par le général De GAULLE, gouverneur général de l'AEF et Compagnon de la Libération. Félix EBOUE rencontre en 1901, à Bordeaux, René MARAN.
«Légendes et coutumes nègres de l'Oubangui-Chari, choses vues» est un texte très peu connu et pourtant important. A partir des textes du docteur CUREAU et de Félix EBOUE et de ses propres observations, René MARAN nous propose chez les Banda (Centrafrique) et les Sara (Tchad) une description des croyances, coutumes et pratiques qui entourent la naissance (l'accouchement), l'éducation du jeune enfant et les soins médicaux qui lui sont éventuellement apportés; le rapport à la maladie est ensuite l'occasion de nous décrire les moments qui entourent la mort dans ces deux peuples. Ces descriptions sont à chaque fois accompagnées des textes (en français) de contes qui s'y rapportent. «Asepsie noire !» est une très curieuse et rare plaquette composée de plusieurs petits chapitres indépendants décrivant les usages médicaux de populations d'Afrique Centrale, et en particulier le lavement. Ce roman à rapprocher de celui concernant les légendes d'Afrique Centrale qui accorde également une place importante aux soins périnataux. Intitulé des chapitres : De la colonisation en général et de la colonisation médicale en particulier, les sorciers et les sociétés secrètes, sorciers blancs et sorciers noirs, les noirs et l'hygiène, de l'accouchement et de la puériculture, traitement de certaines douleurs locales, de la dysenterie et de la blennorrhagie, à propos de l'excision et de la circoncision, aphrodisiaques, appendicite et fièvre jaune.
Dans «Le Tchad de sable et d'or» MARAN relate qu’il quitte Fort-Crampel pour prendre fonction à Fort Archambault, aujourd'hui devenu Sarh, puis il s'installera à Koumra et rentrera en France par la voie anormale (le Nigeria) sans l'accord de ses chefs. Cet ouvrage est pour lui l'occasion de livrer impressions personnelles, souvenirs et carnet de tournée tout en présentant une vision générale du pays dans lequel il sert.
«Djouma, chien de brousse» c’est l’histoire de Djouma, fils de la chienne de Batouala, qui va porter son regard canin sur les rapports d'un petit village Banda en Oubangui avec la colonisation : tirailleurs, récolte et vente du caoutchouc et loin derrière l'ombre du Commandant. «Le livre de la brousse» c’est un ouvrage dédié à Pierre BELLANGER et Félix EBOUE qui est considéré par certains comme son œuvre majeure et la plus achevée.
B – «Batouala», un monument de la conscience noire
Considéré par Aimé CESAIRE et Léopold Sédar SENGHOR comme un acteur du combat anticolonial et un précurseur de la négritude, René MARAN exprimera pourtant sa réserve vis-à vis de ce mouvement. «Il avouait qu'il le comprenait mal et avait tendance à y voir un racisme plus qu'une nouvelle forme d'humanisme». Dès lors, si Batouala a un rapport avec le mouvement ultérieur de la Négritude, c’est sans doute parce que l’empathie de l’auteur est telle qu’il nous montre la mentalité africaine comme de l’intérieur.
Un critique littéraire de l'époque, dit de René MARAN, qu'il «est un noir authentique, ce qui ne l'empêche pas d'être un remarquable écrivain français (...)». Ce roman "vient nous convaincre définitivement qu'il est urgent que nous songions à réformer nos méthodes colonisatrices, à abdiquer nos préjugés touchant une race "inférieure", à estimer enfin qu'un homme en vaut un autre, quelle que soit la couleur de sa peau, quel que soit le climat sous lequel il est né», souligne Jean-Michel RENAITOUR, dans La Bataille du 15 septembre 1921.
René MARAN a conscience d'être le «bon Noir» instruit, investit d'une mission civilisatrice. "Le noir antillais sera d'autant plus blanc, c'est-à-dire se rapprochera d'autant plus du véritable homme, qu'il aura fait sienne la langue française" écrira Frantz FANON en 1962, dans «Peau noir, masque blanc».
BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE
1 – Contributions de René MARAN
1-1 – Romans de René MARAN
MARAN (René) La Vie intérieure, Paris, éditions du Beffroi, 1912, 163 pages ;
MARAN (René) Le cœur serré, Paris, Albin Michel, 1931, 253 pages ;
MARAN (René) Mbala, l'éléphant, illustrations de G. Barret, Paris, éditions Arc-en-Ciel, 1947, 186 pages ;
MARAN (René), Bacouya, le cynocéphale, Paris, Albin Michel, 1953, 241 pages.
MARAN (René), Batouala, véritable roman nègre, Paris, Albin Michel, 1921, réédition 2012, 256 pages ;
MARAN (René), Djogoni, eaux fortes, Paris, Présence africaine, 1965, 38 pages ;
MARAN (René), Djouma, chien de brousse, Paris, Albin Michel, 1927, 253 pages ;
MARAN (René), Journal sans date, Paris, Fayard, «Les œuvres libres», n°073, 371 pages
MARAN (René), La Maison du bonheur, Paris, éditions du Beffroi, 1909, 164 pages ;
MARAN (René), Le Petit Roi de Chimérie, préface de Léon Boquet, Paris, Albin Michel, 1924, 237 pages ;
MARAN (René), L'homme qui attend, Paris, Fayard, 1936, 130 pages ;
MARAN (René), Un Homme pareil aux autres, Paris, Arc-en-Ciel, 1947, Paris, Albin Michel, 1947 et 1962, 252 pages.
1 2 Essais de René MARAN
MARAN (René) FINBERT (Elian Judas), Le livre de la sagesse nègre, Paris, R. Laffont, 1950, 109 pages ;
MARAN (René), «L’A.E.F. dans la littérature», in CAHIERS CHARLES FOUCAULT, 1952 (28) pages 71-77.
MARAN (René), Afrique Équatoriale Française : terres et races d'avenir, illustré par Paul Jouve, Paris, L'Imprimerie de Vaugirard, 1937, 82 pages ;
MARAN (René), Asepsie noire, Paris, Laboratoires Martinet, 1931, 45 pages, Paris, Jean-Michel Place, 2006 et Paris, JM Place, préface René Hénane, postface Claude Maran, 2007, 64 pages ;
MARAN (René), Bertrand du Guesclin, l'épée du roi, Paris, Albin Michel, 1960, 323 pages ;
MARAN (René), Bêtes de la brousse, Paris, Albin Michel, 1952, 241 pages.
MARAN (René), Brazza et la fondation de l'A.E.F., Paris, Gallimard, 1941, 304 pages ;
MARAN (René), Défense d’aimer, Paris, 1932, 39 pages ;
MARAN (René), DELONCLE (Pierre Eugène Marie Joseph), Le Tchad, de sable et d'or, Paris, Revue française, 1931, 159 pages ;
MARAN (René), Djogoni, eaux fortes, Paris, Présence Africaine, 38 pages
MARAN (René), Félix Éboué, grand commis et loyal serviteur, 1885-1944, Paris, éditions Parisiennes, 1957, 128 pages, Paris, l’Harmattan, 2007, présentation Bernard Mouralis, 101 pages ;
MARAN (René), Le livre de la brousse, Paris, Albin Michel, 1956, 287 pages ;
MARAN (René), Légendes et coutumes nègres de l’Oubangui Chari, Paris, Fayard, collection les oeuvres libres, 382 pages ;
MARAN (René), Les pionniers de l'empire. Paris, Albin Michel, 1943-55, Tome 1, Jean de Béthencourt. Anselme d'Isalguier. Binot le Paulmeir de Gonneville. Jacques Cartier. Jean Parmentier. Nicolas Durand de Villegaignon. Jean Ribaut, 1943, Albi, Michel, 347 pages. Tome 2 : Samuel Champlain. Belain d'Esnambuc. Robert Cavelier de la Salle, 1946, 422 pages. Tome 3 : André Brüe. Joseph-François Dupleix, René Madec, Pigneaux de Behaine, Paris, A Michel, 1955, 347 pages ;
MARAN (René), Livingstone et l'exploration de l'Afrique, Paris, Gallimard, 1938, 277 pages ;
MARAN (René), Pohirro, Paris, Présence africaine, 1987, (3) n°147, 29 pages ;
MARAN (René), Savorgnan de Brazza, Paris, éditions du Dauphin, 1951 et 2009, 239 pages ;
2– 3 – Essais de René MARAN
MARAN (René), Peines de cœur. Paris, SPLE, 1944, 208 pages ;
MARAN (René), Le petit roi de Chimérie, préface de Léon Bocquet, Paris, Albin Michel, 1924, 237 pages.
- 1– 4 – Poésie de René MARAN
MARAN (René), La maison du bonheur. Paris, Le Beffroi, 1909, 164 pages ;
MARAN (René), La vie intérieure; poèmes (1909-1912), Paris, Le Beffroi, 1912, 164 pages ;
MARAN (René), Le livre du souvenir, poèmes, 1909-1957. Paris, Présence Africaine, 1958, 143 pages.
2 – Critiques de René MARAN
2- 1 Hommages à René MARAN
ASTRUC (Charles), «Maran, le poète», in Hommage à René Maran. Paris, Présence Africaine, 1965 311 pages, spéc. pages 71-77 ;
FRAITURE (Pierre-Philippe), «Batouala: véritable roman d'un faux ethnographe ?», in FRANCOFONIA 14, RUBIALES (Lourdes) sous la direction de, René Maran (1887-1960), Universidad de Cadiz- Servicio de Publicaciones, 2005, 227 pages, spéc. pp. 23-37 ;
GAHISTO (Manoel), «La genèse de Batouala», in Hommage à René Maran. Paris, Présence Africaine, 1965 311 pages, spéc. pages 93-157 ;
KUNSTLER (Charles), «Le cœur, l’esprit et la raison», in Hommage à René Maran. Paris, Présence Africaine, 1965 311 pages, spéc. pages 43-70 ;
MOURALIS (Bernard), «René Maran et Gaston Monerville : entre négritude et radicalisme», in FRANCOFONIA 14, RUBIALES (Lourdes) sous la direction de, René Maran (1887-1960), Universidad de Cadiz- Servicio de Publicaciones, 2005, 227 pages, spéc pp. 101- 122,
RUBIALES (Lourdes), «Notes sur la réception du Goncourt 1921 en France», in FRANCOFONIA 14, RUBIALES (Lourdes) sous la direction de, René Maran (1887-1960), Universidad de Cadiz- Servicio de Publicaciones, 2005, 227 pages, spéc 123-145 ;
SENGHOR (Léopold Sédar), «René Maran, précurseur de la négritude», in Hommage à René Maran. Paris, Présence Africaine, 1965 311 pages, spéc. pages 9-15.
2 – 2 – Autres critiques sur René MARAN
ALLOUACHE (Ferroudja), Fabrication et réception du texte littéraire «francophone» dans la presse française : du Prix Goncourt attribué à René Maran (1921) aux lendemains des Soleils des indépendances d’Ahmadou Kourouma (1970), thèse sous la direction de Zineb Ali-Benali, Paris, VIII, 2015 ;
BOCQUET (Léon) et HOSTEN (E.), Un fragment de l’épopée sénégalaise, Bruxelles-Paris, Van Oest, 1918, 63 pages ;
BOCQUET (Léon), préface à René MARAN, Le Petit roi de Chimérie, Paris, Albin Michel, 1924, 237 pages.
CAMERON (Keith), «Il y a cent ans, René Maran», PRESENCE AFRICAINE, 1987 3 (143) pages 8-13 ;
CAMERON (Keith), René Maran, Boston, Twayne Publishers, 1985, 176 pages ;
COOK (Mercer), «René Maran» THE FRENCH REVIEW, janvier 1944 (17) 3, pages 157-159 ;
COTTIAS (Myriam), «René Maran contre Maurice Delafosse» in Esclavage et subjectivité, Paris, Openéditons, 2016, 302 pages, spéc. pages 237-254 ;
FABRE (Michel), «Autour de René Maran», PRESENCE AFRICAINE, 1973 86, 2ème semestre, page 171 ;
GUIMENDEGO (Maurice), «Le roman Batouala de René Maran : portrait satirique du colonisateur ou materia prima pour l'histoire?» FRANCOFONIA, 2001 (10) pages 61-77 ;
HAUSSER (Michel), Les deux Batouala, Sherbrooke (Québec), Bordeaux, Naaman Sobodi, 1975, 105 pages ;
HOPKIN (Benoît), Ces Noirs qui ont fait la France : de Chevalier Saint-Georges à Aimé Césaire, Paris Calmann-Lévy, 2009, 314 pages, spéc. pages ;
KESTELOOT (Lilyan), Les écrivains noirs de langue française, Bruxelles, éditions de l’université de Bruxelles, 1983, 340 pages, spéc pages 3-115 ;
KHALFA (Jean), «Naissance de la négritude», Les temps modernes, 2009 5 (656), pages 38-63 ;
LOURDES (Rubiale), éditeur scientifique, René Maran, Cadiz, Universidad, 2005, 227 pages ;
MALELA (Buata, Bundu), «René Maran et la question noire en France : stratégies et prises de position dans le champ intellectuel dans les années vingt et trente», Présence africaine, 2013 (1) n°187-188, pages 121-138 ;
MALELA (Buata, Bundu), Les écrivains afro-antillais à Paris, (1920-160), stratégies et postures identitaires, Paris, Kartala, 2008, 465 pages, «René Maran ou le syndrome de Véneuse», spéc pages 30-68 ;
MONGO-MBOUSSA (Boniface), «René Maran, Léopold Sédar Senghor : une relecture», PRESENCE AFRICAINE, 2013 (187-188) pages – 245-252 ;
OJO-ADE, (Femi), René Maran, écrivain négro-africain, Paris, F. Nathan, collection littérature du monde, 1977, 95 pages ;
ONANA (Charles), René Maran, le premier Goncourt noir, Paris, Duboiris, 2007, 193 pages ;
Présence africaine, Hommage René Maran, Paris, Présence africaine, 1965, 311 pages ;
SANKO (Hélène), «Les Mots pour le dire : L'Afrique d'après Batouala de René Maran». FRANCOGRAPHIES, 1993 (2): 131-141.
TRAUTMANN (René), Batouala au pays des Noirs et Blancs en Afrique, Paris, Payot, 1922, 254 pages.
Paris, le 23 avril 2016 par M. Amadou Bal BA - http://baamadou.over-blog.fr/