27 juin 2022
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«L'odieux massacre de migrants africains à Melilla, une enclave espagnole au Maroc, un crime contre l'Humanité», par M. Amadou Bal BA - http://baamadou.over-blog.fr/
«Je suis choqué par la mort tragique de plusieurs migrants africains à Melilla. J’exprime ma compassion et mes condoléances à leurs familles éplorées» écrit le président Macky SALL du Sénégal. Ces images, à la suite le 24 juin 2022, du massacre de migrants africains à Melilla, une enclave espagnole au Maroc, sont insoutenables ; si je les publiais, je donnerais une belle occasion à Facebook et à la cellule de l’Elysée de m'interdire, pour un bon moment, de la toile, au nom de la bienséance.
Mais c'est quoi donc la bienséance, quand je vois des policiers tirer sur des migrants ou cogner à coups de crosse sur des blessés gisant sur terre et que personne ne veut naturellement secourir ? Ils doivent mourir comme des chiens ; leur vie, aux yeux de certains, n'a aucune importance. Plus de 500 blessés et 23 à 37 morts ? Personne ne sait exactement combien d'immigrants africains ont été littéralement exécutés. Peu importe ! Espérer franchir la frontière d'un pays nanti, ou refuser de déférer à un banale contrôle d'identité, c'est l'exécution immédiate, la peine de mort ; c'est de l'ordre de la normalité, de la banalité quotidienne. L’Océan de la Méditerranée, avec ses 164 000 morts de migrants, est devenu un gigantesque cimetière, sans sépultures de migrants africains, ces héros du quotidien.
Le Tsar des Russies est odieux avec les Ukrainiens. On documente, à juste titre, ses méfaits en espérant, un jour, de le déférer devant un tribunal international. Mais qui jugera ceux qui ont assassiné ces migrants africains ? Là plus personne ne parle de commission d’enquête pour les esclaves et les colonisés rejetés au fond de la cale. Qu'ils meurent donc sans faire trop de bruit ! L’Union africaine, comme l’ONU, réclament une enquête internationale : «Il y a eu un recours excessif de la force des deux côtés de la frontière. Je veux dire que nous avons été choqués par les images de la violence à la frontière entre le Maroc et l’Espagne. Les personnes qui migrent dont des droits humains, et ceux-ci doivent être respectés ; et, nous les voyons trop souvent bafoués» dit M. Stéphane DUJARRIC, porte-parole de l’ONU.
Pourquoi l’homme noir est-il confronté, en permanence, au déni de son humanité ? Est-ce encore la persistance des stigmates de l’esclavage ? Et quelle est la responsabilité particulière dans cette tragédie du Maroc, un pays appartenant à l’Union africaine ?
Dans ces images épouvantables, on a vu des policiers marocains frapper à coups de crosse, des immigrants, blessés et à terre. Le Maroc reste le seul pays du Maghreb sans législation réprimant le racisme. En fait, le racisme anti-noir est ancien et structurel, comme l’écrit Chouki EL HAMEL, dans son ouvrage «Le Maroc noir, une histoire de l’esclavage, de la race et de l’Islam». En effet, suivant cet auteur, les autorités marocaines ont rejeté leur africanité, l’homme noir y est souvent associé à l’esclave ; son corps étant réifié, on peut le soumettre aux traitements les plus dégradants «D’autres musulmans noirs ont été asservis en Afrique, mais l’exception marocaine réside dans l’ampleur et les méthodes de cette opération. Au total, sous le règne du sultan Moulay ISMAEL (1672-1727), plus de 221 320 personnes noires ont été humiliées, violées, privées de leurs droits légaux, dont leur liberté, bafouées» dit Chouki EL HAMEL. Le racisme fait partie de la structure politique marocaine. En effet, les Haratine ou Arabes noirs sont victimes de longue date d’un racisme au Maroc «la société marocaine était divisée par la couleur et la race. Ces concepts de «race» et de racisme ne sont pas une invention arabo-américaine. Dès le XVIème siècle, des dynasties marocaines ont lié «la blancheur» à la légitimité politique et à la liberté, comme le sultan Ahmed AL-MANSOUR (1578-1603)» dit Chouki EL HAMEL.
Où sont donc ces patentés donneurs de leçons, ces défenseurs de droits de l'Homme, avec leur message universel, dans leurs indignations, toujours particulièrement sélectives ? Ont-ils appelé à manifester à la Place de la République ? «A la fin nous ne souviendrons pas des mots de nos ennemis mais des silences de nos amis» disait Martin Luther KING (1929-1968).
Du moins, de quel «Homme» parlons-ils ?
Du réfugié du tiers-monde aux portes de la Pologne avec une levée d’Etat d'urgence et un refoulement dans les bois et la neige ? ou du réfugié africain, à la Villette, à Paris, entouré d'un mur de la honte, avec un défilé de Mohamed ZEMMOUR, comme au temps des zoos humains au Jardin d'acclimatation ?
On se glorifie des visites des visites à Kiev, avec livraisons d’armes et financements, de l’arrivée massive des 5 millions de réfugiés ukrainiens, accueillis à bras ouverts et qui vont bientôt entrer dans l'union européenne, alors que la Turquie, membre de l'OTAN et du Conseil de l'Europe, frappe, désespérément, à la porte depuis plus de 50 ans ?
Cependant, les quelques réfugiés du tiers-monde, à Paris, à Londres ou à Melilla, dont certains de leurs pays ont été pourtant saccagés par des guerres locales injustes, toutes perdues, avec parfois un assassinat arbitraire de leur chef d’Etat (Saddam HUSSEIN, Mouammar KHADAFI), mais non surtout pas ces gens-là que personne ne veut voir ? Otez-vous de là très loin de notre vue !
On préfère parler du droit à l'avortement aux Etats-Unis, de la femme Afghane, celle des banlieues ou des Ouïghours ou même de l'interdiction des carrés musulmans dans les cimetières. Une fosse commune pour les Tirailleurs sénégalais, comme pour ces migrants sauvagement assassinés, à défaut de reposer au fond des mers. A défaut de parler du Wokisme, du «Grand remplacement», de l'islamo-gauchisme, de la laïcité ou du Burkini à la piscine de Grenoble, ce crime commis contre les migrants africains est traité, furtivement, comme un simple fait divers et on passe tranquillement à autre chose.
Il y a eu l'esclavage en Libye des migrants, ceux qui sont bouffés par les poissons dans la Méditerranée, que nous mangeons, et maintenant cette odieuse tuerie à Melilla, ce crime contre l’Humanité. Les donneurs de leçon préfèrent détourner le regard. «Chaque parole a une conséquence. Chaque silence aussi» disait Jean-Paul SARTRE (1905-1980).
Après 400 années d'esclavage, 3 siècles de colonisation, le Camp de Thiaroye, les massacres à Sétif et à Madagascar, les 113 jeunes étouffés à mort et maintenant ces migrants, «I am a Man» disaient le 4 avril 1968, à Martin Luther KING, les éboueurs de Memphis confrontés à un déni de leurs droits fondamentaux. Alors nous continueront toujours à réclamer, haut et très fort, Justice, Justice, Justice !!!
Quelle réponse devant cette tragédie sans nom de l'Afrique détentrice de toutes les richesses naturelles, mais dont les enfants attaquent les barbelés, à mains nues, les enclaves de Ceuta ou Melilla ; certains prennent, joyeusement des pirogues, espérant vaincre les océans ?
En dépit de cette dramaturgie, 62 ans après les indépendances, la réponse est toujours en nous-mêmes : démocratie, souveraineté, coopération internationale juste et équitable, fraternité, industrialisation, agriculture et panafricanisme. «Je sais très bien que seul je ne changerai pas le monde et donc je chante des mots d'espoir pour les autres» écrit Pierre de CORNEILLE (1606-1684), dramaturge.
Or, on a tendance à courber l'échine, à endurer en acceptant l'inacceptable, à déserter les urnes avec 54% d'abstention aux législatives. Résultats : 89 députés du RN arrivent à l'assemblée française, avec des menaces sur la cohésion de la Nation et la dégradation accentuée des relations franco-africaines déjà largement abîmées. Cet esclavage mental est plus grave que tout le reste. «Vivre c’est participer» disait Antonio GRAMSCI (1891-1937). Personne ne nous respectera, si on ne se respecte pas soi-même : «Notre vie commence à s'arrêter à partir du moment où nous gardons le silence sur des choses graves» disait Martin Luther KING. Certains vous diront, bêtement, «je ne fais pas de politique». Mais la Politique au sens noble du terme, ce n’est d’autre que l'art du bien-vivre ensemble ou le partage du gâteau. A partir du moment où votre dignité d'homme est bafouée, et que même votre vie peut être menacée, c'est quoi la Politique ? «Tant qu'un homme n'a pas décidé quelque chose pour lequel il est prêt à mourir, il ne mérite pas de vivre» disait Martin Luther KING.
Abandonnés de tous, empêtrés en permanence dans la souffrance, en dépit notre dangereuse inertie et notre fatalisme, je resterai toujours habité par l'Espérance : «Même la nuit la plus sombre prendra fin, et le soleil se lèvera» écrit Victor HUGO (1802-1885), dans ses «Misérables ».
Paris, le 27 juin 2022, par M. Amadou Bal BA - http://baamadou.over-blog.fr/