Le rôle et la place du cadre dans le
management territorial
Travailler
sur de l’humain qui peut se révéler une entreprise délicate. Le développement de tout pays impliquera forcément une remise en cause des pratiques managériales. L’humain c’est la principale
richesse d'un pays.
1 -
Comment améliorer la performance de l’action publique ?
Compte
tenu de la contrainte budgétaire les collectivités territoriales vont devoir faire mieux avec de moins de ressources.
Les
tenants de la doctrine du «nouveau
management public»
(NMP) estiment qu’il est nécessaire d’introduire une logique de marché dans le secteur public en faisant appel à des concepts comme la flexibilité, l’efficience, la gouvernance ou encore
l’évaluation. L’idée principale du NMP est que les méthodes du secteur privé sont jugées supérieures à celles du secteur public jugé bureaucratique, rigide, coûteux, centré sur son propre
développement, peu innovant et ayant une hiérarchie trop centralisée.
C’est
en raison de ces aspects idéologique et polémique que la doctrine du NMP avait, initialement, suscité de nombreuses réserves. Mais sous l’effet de la crise et par souci d’une saine gestion des
deniers publics, le secteur public a progressivement intégré ces concepts, mais en les adaptant
aux buts du service public.
La finalité du NMP n’est pas de faire disparaître les services publics, mais les améliorer, constamment. Désormais, le débat portent non seulement sur les moyens affectés, mais aussi sur
l’efficacité des dépenses, et donc sur le pilotage de la performance. Ainsi conçue la performance, dans le secteur public, consiste en la réalisation de la qualité voulue au juste coût, en
d’autres termes à améliorer la qualité des services publics, maîtriser les coûts, respecter les délais. Il s’agit d’une culture nouvelle : celle du résultat pour gagner en qualité, en
efficacité, en efficience.
Les
missions fondamentales des collectivités territoriales restent la satisfaction
de l’intérêt général : le service public, c’est le cœur même du management territorial. C’est dans ce contexte que se situent le rôle et la place du
cadre. Concrètement, le cadre c’est celui qui détient, par délégation de l’employeur et sous son autorité, la responsabilité de prévoir, diriger, contrôler et coordonner les activités
de la collectivité, avec un pouvoir de commandement. Les ressources humaines sont l’unique source vivante de l’organisation, créatrice de valeur
ajoutée ; par suite sa gestion est primordiale. Le cadre doit être à même de manager la ressource humaine, de la valoriser ; il doit repérer les potentiels humaines, activer les
énergies humaines, en encourageant l’initiative et les idées innovantes.
Le
principe de libre administration des collectivités territoriales a permis de progresser considérablement en termes d’autonomie de gestion des ressources humaines. Cependant la fonction publique
territoriale est empreinte de règles, de coutumes difficiles à réformer ; ces contraintes sont notamment la rigidité du statut, le mode organisationnel, la nécessaire maîtrise des coûts
budgétaires, l’exigence accrue des usagers et des élus.
Le
paradoxe c’est que le statut de la fonction publique fait référence au grade, mais pas aux fonctions. Le cadre territorial cumule deux fonctions : un métier technique (un ingénieur,
un comptable, etc.) et un métier de manager, c'est-à-dire de responsable d’une organisation, de moyens financiers et humains. Le cadre, lorsqu’il agit comme manager, doit s’adapter et
gérer des équilibres. La seule expertise ne suffit pas, le cadre doit apprendre à décider et à connaître les valeurs de la collectivité. Mais la bonne connaissance de l’organisation ne suffit
pas, le cadre doit être capable de déceler les structures informelles, la place des différents acteurs, leurs jeux de pouvoirs, et les réseaux d’influence. Le cadre doit s’adapter à ces
différents contextes et personnalités qui l’entourent, et démontrer une vraie aptitude à gérer les relations humaines. Par conséquent, la qualité primordiale ne repose pas sur des
compétences techniques, mais sur ses qualités humaines, sa capacité à comprendre ses différents interlocuteurs, clairement, coordonner des actions et définir des priorités.
2 -
Comment définir le management ?
Le
«management»
c’est la manière de conduire une organisation et c’est aussi la manière dont se représente la finalité de cette organisation et son fonctionnement. «Manager», c’est avant tout visionner des
objectifs, donner du souffle à l’action, convaincre, entraîner et responsabiliser ses collaborateurs. Le cadre doit pouvoir activer et encadrer les
énergies humaines, sources de la performance. Le cadre doit avoir reçu la confiance, l’adhésion de sa hiérarchie. Mais pour travailler efficacement, le cadre doit identifier les objectifs et
les axes stratégiques, les moyens mis à sa disposition et les méthodes de fonctionnement de sa collectivité. Qu’est ce que donc, précisément, le management ?
Il
existe deux écoles du management :
-
L’école
classique du management (Max
WEBER et Henri FAYOL) inspirée d’une organisation bureaucratique devant encadrer l’action de chacun de manière à atteindre les objectifs. Max WEBER a introduit la théorie de l’action rationnelle,
selon laquelle il est important de dépersonnaliser les relations de travail en vue de renforcer l’équité dans les organisations.
C’est
Frédéric
W. TAYLOR (1856-1915) qui a jeté les bases d’une théorie sur le management, comme science à part entière. Confronté aux contradictions soulevées par le
mode de production artisanal, pour lui, la meilleure façon de réaliser une tâche consiste à fournir aux employés les outils et les formations appropriées et leur fixer des objectifs à atteindre
en vue d’une certaine performance. Le taylorisme introduit le système de la spécialisation dans l’entreprise ; chaque membre de
l’encadrement n’est responsable que d’un seul domaine.
Tenant
de l’école classique Henri FAYOL (1841-1925) s’est intéressé aux questions «d’administration», plaidant pour la «capacité
administrative».
-
L’école
interactionniste du management qui
est une réaction contre le fonctionnement mécanique des tâches, s’est intéressée aux dimensions affectives, émotionnelles et relationnelles aux situations de travail, ainsi qu’à la complexité des
sources de la motivation humaine et du leadership ; ils sont les précurseurs de la gestion des ressources humaines.
L’école
interactionniste s’est scindée en deux courants : les tenants du courant humaniste et les théoriciens de la contingence.
Le
courant
humaniste souligne
la nature sociale des employés, leur sensibilité à la considération, le comportement en groupe et la nécessité de participer à la décision, bref leur désir de vivre comme des êtres humains dans
l’organisation qui est source de motivation (Abraham MASLOW, Kurt LEWIN).
«L’école
des ressources humaines »
dirigée par Kurt LEWIN (1890-1947), a dans les années 30, mis en cause la conception taylorienne du travail, et a éclairé le management participatif sous un nouveau jour. L’homme n’est plus
considéré comme un simple outil de production, le manager doit appréhender la dimension humaine des ressources humaines, notamment les relations qu’il entretient avec les autres objets de son
environnement. L’individu est plongé dans son « champ social », c'est-à-dire au groupe auquel il appartient. Le lieu de travail n’est pas seulement un lieu de production, mais aussi un
lieu de signification pour les individus. Pour que l’individu au travail soit plus performant, pour que le nombre de conflits diminue, il faudrait développer un nouveau management qui respecte
le besoin de chacun d’être reconnu en tant qu’être humain.
Le
courant
de la contingence en
stratégie (Chandler 1962 ; Woodward 1965, Lawrence et Lorsch 1967) introduit l’environnement, en
montrant que les variations de celui-ci se répercutent dans l’organisation. Elle se définit comme une situation spécifique et évolutive qui conduit à rejeter des prescriptions uniques et
standardisées. Cette contingence est structurelle, car les modifications dans les changements, dans les variables externes, provoquent des évolutions dans la structure. Bref, c’est la
reconnaissance de la spécificité des services, et les moyens de les contenir, c'est-à-dire de contrôler les sous-ensembles, culturellement, distincts de l’organisation.
S’interrogeant
sur le rôle du cadre et la structurant des organisations, Henry
MINTZBERG, un canadien, estime que le manager doit situer son action à différents niveaux :
-
de
l’agenda : conception, programmation ;
-
de
l’information : contrôler, informer
-
des
personnes : relier, être leader
-
de
l’action : diriger.
Dans
les années 1970, des approches
sociologiques et socio-économiques des
organisations s’intéressent au rôle des acteurs, à leurs systèmes de relations et aux jeux de pouvoirs, en dépassant la seule référence à la satisfaction des besoins individuels, chère à l’école
des relations humaines. Ces différents aspects sont placés au centre des réflexions sur l’efficacité et la performance de l’organisation. Cette démarche a pour ambition de quantifier les facteurs
qualitatifs de la productivité que représente le comportement de l’homme au travail.
Le
management introduit d’autres données comme la conduite du changement, la gestion de la complexité et l’approche systémique.
Le
management suppose une conduite du changement. Le changement
apparait
d’une part, comme des ruptures, des remises en question, des façons d’agir et de penser jugées insatisfaisantes, et d’autre part, comme le développement de compétences en vue de parvenir à la
performance.
Mais
Pourquoi changer ? Qu’est ce qui doit changer en termes organisationnels, en termes de culture maison, et dans les rôles et les pouvoirs ? Comment changer ?
Dans
tous les cas le changement doit être inscrit dans la durée afin de faire face aux résistances (attendre le moment opportun et fixer une date butoir) et d’avoir de bonnes raisons de
résister.
Le
management implique la gestion de la complexité
qui
n’est ni la quantité d’éléments entrant en considération, ni la multiplicité des relations qu’ils entretiennent ensemble, mais c’est plutôt l’imprévisibilité, la façon dont les lianes
s’entremêlent et s’entrelacent sur la figure, l’interrelation entre les éléments réunis ensemble.
I – Le
cadre, un rouage essentiel de la collectivité
Le
cadre c’est celui qui pilote une zone de responsabilité. Cependant, «diriger » ne signifie pas nécessairement «commander». Le management participatif est préférable au management directif.
Par conséquent, le cadre doit avant tout entraîner, animer des équipes, insuffler l’énergie nécessaire à la réalisation des projets politiques. La fonction de cadre nécessite deux qualités
essentielles : pouvoir s’adapter et optimiser l’unité de travail ; il est soumis à une exigence grandissante d’efficacité pour améliorer la performance ; son rôle consiste à
développer la ressource humaine, facteur-clé de la réussite. Dans ce contexte, le cadre doit développer sa maturité professionnelle et psychologique, afin de s’adapter et faire face à la
complexité. Mais il ne peut agir seul ; son action doit être inscrite dans l’action collective, en s’appuyant sur la culture du résultat qui elle-même renvoie aux concepts de «qualité»,
«d’efficacité» et «d’efficience ». Le cadre doit s’investir dans l’acquisition de nouvelles pratiques managériales, en priorisant la dimension humaine dans sa conduite d’action. En fait,
manager est une véritable aventure humaine et nécessite une certaine dose de courage.
Le
cadre territorial évolue dans une organisation relativement récente, complexe, mais dynamique et en pleine mutation. L’environnement interne des collectivités territoriales est empreint de règles
et de contraintes qui limitent la réactivité de ces organisations, d’où la difficulté à s’adapter à l’environnement externe.
Le
concept d’intérêt général, c'est-à-dire le service public, détermine le fonctionnement bureaucratique des collectivités territoriales. La notion de « bureaucratie » a pris une
connotation péjorative, mais cela n’a pas été toujours le cas. Pour Max
WEBER (1864-1920), un sociologue allemand, il faut remplacer la faveur, le népotisme, par la règle de droit ; c’est un remarquable progrès par le
passé qui était marqué par l’arbitraire. Dans le modèle bureaucratique wébérien, l’autorité découle de la légalité et de la légitimité de ceux qui les donnent à l’opposé du bon vouloir d’un
individu. Le modèle bureaucratique ou «rationnel légal », à l’opposé des modèles charismatique où l’organisation fonctionne par dévouement de
ses membres ou à un héros, ou au modèle traditionnel où elle fonctionne par obéissance de ses membres aux croyances et au sacré de ses membres.
Ce
modèle wébérien est dépassé ; les principales critiques concernent le déplacement des buts, les règles deviennent des objectifs. Les collectivités territoriales ont pris conscience de leur
manque d’efficacité et cherchent à se moderniser, avec une inversion de la logique de leur action. En effet, la logique de l’offre qui prévalait jusqu’ici, est remplacée par une logique du
territoire et de réponse adéquate aux besoins de la population. Nous évoluons vers une personnalisation des services publics où l’usager est placé au cœur des préoccupations. Or, un des paradoxes
de la situation, la gestion des ressources humaines est encore purement administrative et statutaire et ne permet de répondre efficacement à ces défis du changement.
La
recherche de l’efficacité passe nécessairement par une approche
stratégique,
c'est-à-dire par une «vision claire de ce que notre collectivité veut devenir». Dans ce contexte, le rôle du cadre est d’aider les élus à effectuer des choix dans le cadre d’une politique
générale : «choisir,
c’est renoncer»,
a-t-on coutume de dire.
Quelle
est la nature des compétences attendues du cadre territorial ?
Le
cadre doit être en capacité d’aider les élus ou la direction à prendre les décisions, puis à établir des plans d’actions et les suivre, tout en encadrant leurs équipes. Par conséquent, les
compétences attendues du cadre reposent, à la fois sur les capacités à comprendre l’environnement juridique, sans pourtant tomber dans une expertise qui ne leur permettrait pas de développer
leurs compétences managériales. En effet, la mission principale du cadre est d’ordre managériale, c'est-à-dire d’animer
les équipes.
Selon
Serge ALECIAN et Dominique FOUCHER, il existe différents trois de management :
-
le
niveau supérieur, les cadres de direction, c’est le management stratégique
-
le
niveau intermédiaire, les Responsables d’unité, management opérationnel et stratégique
-
le
niveau technique, les cadres de proximité, management opérationnel.
Le
cadre doit conduire les objectifs en cohérence
avec la stratégie politique,
c’est avec le mandat des élus. Il doit établir une communication efficace avec ses interlocuteurs, notamment avec les élus. Se qualités personnelles et son sens de la diplomatie l’aideront à se
positionner. En ce sens l’aide à la décision, pour le cadre, est un domaine délicat. Il doit se méfier de son expertise, et s’en servir uniquement pour conseiller l’élu et l’amener à prendre une
décision, l’intelligence émotionnelle, c'est-à-dire sa capacité à gérer, sereinement, ses relations, représente un véritable atout.
La
fonction la plus importante du cadre est le
management des hommes ; il
est à la fois «manager» et «leader». Si le «nerf de la guerre», c’est la gestion budgétaire, ce qui a pendant longtemps occulté la gestion des ressources humaines, aujourd’hui les cadres sont
également attendus sur la qualité de leur style de management des hommes. Le bon cadre doit repenser l’organisation du travail ; il doit optimiser sa zone de responsabilité en préparant
soigneusement les recrutements, en repérant les potentiels, en gérant les compétences, en évaluant ses collaborateurs, en stimulant les énergies et en construisant des plans de formations
adaptés.
Peut-
on développer la
polyvalence pour optimiser l’organisation du travail ?
La
polyvalence consiste à occuper plusieurs postes de niveaux comparables ; elle est aux antipodes du taylorisme qui préconisait la spécialisation. Le décloisonnement de l’activité permet de
réduire le temps d’attente et accroît ainsi l’efficacité des services rendus à la population. La polyvalence peut être utile dans la mise en œuvre d’un guichet unique, au sein des services elle
permet d’assurer la continuité du service lorsque le spécialiste de la question est momentanément absent. Cependant, il faut bien évaluer le degré de polyvalence afin de ne pas mettre les équipes
en échec.
La
polyvalence nécessite de modifier le style de management ; il faut passer du management directif à un management
participatif. Le
management doit être fondé sur l’adhésion, la coopération, et non plus sur l’obéissance.
Dans
ce contexte, le cadre doit asseoir sur son pouvoir sur sa légitimité. Cependant, il doit être également en mesure de comprendre et de s’adapter à son environnement ; il doit comprendre ses
fondamentaux de gestion, sans tomber dans l’expertise, au risque de devenir complètement inefficace, s’il privilégie ses connaissances techniques au détriment de son métier de
manager.
Le
processus de décision ayant changé, le cadre doit développer l’autonomie et la confiance de ses collaborateurs, en construisant la décision collective, en donnant de la cohérence et du sens à ses
projets. Par conséquent, la principale mission des cadres, c’est leur capacité à entraîner, et animer leurs équipes, et surtout leurs aptitudes personnelles à gérer les relations humaines. En
fait, le cadre est doit être un bon
généraliste, mais pas un expert ;
il doit développer
-
une
maturité professionnelle, en développant des compétences spécifiques (gérer un budget, déléguer, évaluer ses collaborateurs, négocier, prendre des décisions, motiver, atteindre des
objectifs)
-
et une
maturité psychologique (motivation, innovation, résistance au stress, gestion des émotions).
Cependant,
la mise en œuvre d’un management participatif ne se décrète pas ; c’est un processus difficile à mettre en œuvre. Le cadre doit s’interroger sur son style de management avant d’adopter un
autre. Le paradoxe vient de ce que le style de direction émane de la personnalité.
Par
conséquent, on ne peut passer d’un style de management à un autre (style autoritaire ou permissif à un style participatif), sans avoir au minimum fait l’effort de se remettre en
cause.
Une
délégation bien construite représente un effet levier, autant sur le plan humain que sur le plan organisationnel. En effet, d’une part, la délégation permet à l’agent délégataire de gagner en
autonomie, de valoriser ses compétences, et d’autre part, à l’organisation d’utiliser le temps de travail du cadre pour d’autres actions à mettre en œuvre.
Comment
développer le diagnostic organisationnel, comme outil de changement ?
Le
«diagnostic»
a pour objectif de déterminer les dysfonctionnements, en analyser les causes et proposer des solutions. «Il n’y a pas des problèmes, il n’y a que des solutions», nous enseigne le bon
sens
II –
Le cadre face aux contraintes de son métier
Les
marges de manœuvre du cadre peuvent être réduites ou anéanties, dans certains cas. Une collectivité territoriale est une organisation, à la fois politique et administrative, avec une gestion
purement administrative et juridique des ressources humaines, conjuguée au manque de formation des cadres en management.
Les
cadres étant placés dans une dualité
hiérarchique (administrative
et politique) sont souvent dans une position très inconfortable. En effet, l’exercice de l’autorité politique induit, dans certaines circonstances, un manque d’autonomie pour les cadres.
Certains élus confondent parfois leur rôle, et s’ingèrent directement dans les services ; ce qui constitue, selon Stéphane DION, «une politisation fonctionnelle». En ce sens inverse, la
« technocratie municipale », peut s’emparer du pouvoir et concurrencer les élus.
Toute
la difficulté est comment recadrer les élus qui se comportent en chef de service ?
Il y a
des risques de dérives ; le pouvoir du cadre est fondé sur ses compétences spécialisées ; la complexité et la technicité des décisions à prendre, et le fait que les élus ne disposant de
temps, pour contrôler efficacement l’action du pouvoir administratif, laisse une marge de manœuvre qui doit être utilisée à bon escient.
Une
bonne partie de la solution repose sur le savoir-être du cadre qui ne doit pas perdre de vue qu’il reste un subordonné du monde politique. Le cadre
doit éviter de mettre en place une conception péjorative de la «technocratie municipale» qui ferait de lui, selon Stéphane DION «une autorité froide et distante, croyant détenir le monopole de la
connaissance».
Certaines
contraintes qui pèsent sur le cadre sont des limites
de la gestion des ressources humaines.
La
gestion des ressources humaines représente un levier puissant de modernisation, encore insuffisamment développée. Les DRH ne sont pas encore affranchis d’une gestion purement administrative et
n’accompagnent pas suffisamment les services. L’origine de ces dysfonctionnements repose sur plusieurs axes :
D’une
part, les élus ne définissent pas ou peu leur politique RH ; ce défaut fait que les DRH «naviguent souvent à vue», sans objectifs prédéfinis.
D’autre
part, la culture des collectivités territoriales est marquée par une rationalité juridique au détriment de la culture managériale.
La
faiblesse de la fonction ressources humaines est très souvent mise en exergue : une gestion trop administrative, un défaut de prospective et une faiblesse de l’évaluation
individuelle.
Dans
les années 1980, la fonction « personnel », se transforme en fonction «Ressources
Humaines». Ce
changement d’appellation indique que le personnel n’est seulement qu’une source de « coût financier », mais c’est avant tout et surtout, une ressource dont il faut optimiser
l’utilisation. Il faut une approche, personnalisée et stratégique des ressources humaines (GPEEC, qualité des recrutements, formations qualifiantes, gestion des compétences). La difficulté
rencontrée par la fonction RH vient en grande partie de la rigidité
du statut de la fonction publique qui ne s’est pas adapté aux données managériales nouvelles. Le statut était à l’origine destiné à protéger les
fonctionnaires des pressions politiques et des sanctions arbitraires ; il permet, essentiellement, une garantie de l’emploi. Mais cette protection a été élevée au rang de «privilège» ;
certains agents publics savent tout à fait valoir leurs droits, mais oublient quelque fois, leurs devoirs. Par ailleurs, certains agents rentrent en phase de démotivation, de longues années, sans
être inquiétés. Le cadre territorial n’a pas souvent de leviers adaptés pour lutter contre ces phénomènes d’indolence ou léthargie. Ce sont des situations à la marge, mais elles peuvent paralyser
une unité de travail et alimenter des conflits.
D’autres
difficultés viennent du manque
de formation en management qui se
traduit par un déficit sérieux de ressources humaines. Sous l’effet de la contrainte budgétaire, le niveau d’encadrement des collectivités territoriales est très faible : 8% pour l’ensemble
des collectivités territoriales et 6,6% pour les communes. Par ailleurs, les cadres ne peuvent pas souvent se dégager de leurs contraintes professionnelles pour aller se former ; ce qui
constitue un obstacle sérieux quant à l’exigence de performance.
Les
communes accusent un «déficit managérial sérieux» ; les communes positionnent souvent des cadres intermédiaires ou des catégories C, sur leurs services, et cela pour des raisons budgétaires.
Or, le contexte actuel nécessite de plus en plus d’expertise. Il arrive que lauréats de concours soient recrutés, directement, sur des postes à forte responsabilité, sans formation managériale
préalable. La plus part des managers se sont formés «sur le tas».
Les
cadres doivent se former, préalablement, à leur prise de poste, et l’accent devrait être mis sur le management des hommes et des femmes qui constitue une donnée essentielle. En effet, les cadres
peuvent commettre, involontairement, des dégâts ; un cadre, peu sûr, de lui diffusera inconsciemment ses doutes et ses craintes à son équipe ; ce qui favorisera l’absentéisme ou un taux
de rotation élevé.
Le
cadre territorial, avant ou aussitôt son recrutement, pourrait bénéficier de formations basées essentiellement sur la psychologie
du management en vue
de s’approprier aux concepts clés liés au management opérationnel, tels que la communication, la gestion des conflits, la délégation et la responsabilisation des collaborateurs, la gestion
du temps et du stress. Il serait utile, par la suite de s’approprier de fondamentaux du management
stratégique :
comment améliorer la performance ? Comment favoriser l’innovation et la créativité ? Comment motiver ses collaborateurs ? Comment développer son savoir être ? Comment devenir
un cadre mobilisateur ? Comment optimiser le travail d’équipe ? Comment évaluer et fidéliser ses collaborateurs ?
Dans
cette optique, le DRH pourrait accompagner les nouveaux cadres lors de leur prise de fonction en insufflant une sorte de «culture maison» fondée, notamment sur le respect de l’intégrité, la
disponibilité, l’écoute, une communication explicite, le partage de l’information, la mise en valeur du résultat et les progrès des collaborateurs. Le jeune cadre doit comprendre la mémoire
collective de l’organisation, car le management c’est aussi une question de comportement, c'est-à-dire de qualités humaines de celui qui l’exerce.
Les
entreprises ont développé un système d’accompagnement dénommé «le
coaching» ;
ce n’est ni du conseil, ni de la formation, ni une thérapie, mais cet outil permet d’accompagner les cadres dans leur évolution managériale, en rapport avec l’exigence d’adaptabilité.
C’est un accompagnement personnalisé qui permet d’accélérer l’intégration des comportements et des compétences.
III –
Le cadre et le développement de la «richesse humaine»
Le
cadre territorial joue un rôle moteur, et une de ses missions est de parvenir à développer la richesse humaine, facteur primordial de réussite.
Le
fonctionnement des collectivités territoriales ne s’inscrit pas dans la logique de rentabilité, mais dans celle de contrôle de gestion, de service public ; le service public n’a pas de prix,
mais il a un coût qu’il convient de maîtriser.
Par
conséquent, pour les collectivités territoriales, la performance c’est l’amélioration de la qualité des services, la maîtrise de leurs coûts, et le respect des délais ; c’est réussir à
obtenir la qualité voulue, au juste coût.
Le
management suppose une évaluation
des politiques publiques qui
consiste à mesurer l’efficacité de l’action. Les élus redoutent cette démarche qui risque de les renvoyer à leurs propres défaillances. En fait, ce qui perturbe les élus, c’est plus la
transparence de l’évaluation que l’évaluation elle-même.
Le
cadre doit mettre en œuvre un une communication
efficace ;
la performance ne doit pas faire oublier la construction d’un lien social, la relation à l’autre qui permet à tout être humain de s’épanouir. Le défaut de communication fait naître des
incompréhensions et différends qui minent les relations professionnelles et aboutissent à des crises dans le service.
Dans
les fondamentaux de la communication, le cadre doit avoir une vision claire de ce qu’il veut dire exactement, et au moment de l’échange, il doit pouvoir s’assurer que son interlocuteur a bien
compris ce qu’il voulait faire passer. Il doit utiliser « le feedback » ou la reformulation afin de rendre l’échange compréhensif et positif.
Le
manager doit apprendre à lire les signes, à écouter en profondeur ses collaborateurs, à ne pas fier à ses préjugés ; il doit s’ouvrir aux autres. Il faut savoir écouter, poser des questions,
reconnaître et informer.
Le
cadre doit être accessible et disponible et consacrer une partie de son temps à l’écoute avec patience et compréhension, en instaurant des moments de convivialité ou un climat propice au
dialogue. Pour bien écouter, et donc être en mesure de répondre, utilement, il convient d’être attentif, c'est-à-dire chercher à comprendre ce que son interlocuteur perçoit et ressent, et ne pas
se contenter d’entendre ce qu’il dit. L’écoute permet de prendre de la distance et de mettre en place un dialogue positif fait de respect mutuel.
C’est
souvent la manière de dire les choses, que le contenu lui-même, qui est le plus souvent source de conflits, des incompréhensions, des blocages.
Il
n’existe pas un profil idéal de leadership ; il convient de l’adapter aux différentes situations et aux différents interlocuteurs. Le leader doit ajuster en permanence son comportement.
Simple, équilibré, dégageant de l’assurance, le leader doit donner envie d’agir, d’apprendre et devenir plus performant. La principale qualité d’un leader est c’est l’humilité face à la
complexité de la nature humaine et à la dimension imprévisible des événements.
Le
cadre doit créer un climat
favorable à
l’implication des agents ; un climat perturbé génère des dysfonctionnements qui sont souvent difficiles à corriger (absentéisme ; rotation ; manque de productivité). Une
psychologie du management aiderait à prendre en compte les « besoins » de chaque agent. C’est Abraham
MASLOW (1908
– 1970) qui a élaboré la « théorie des besoins ». Pour expliquer les sources de la motivation, MASLOW est parti du principe que tout homme a des besoins qu’il cherche à satisfaire et
qui le pousse à agir.
En
définitive, la collectivité doit contribuer à la réalisation personnelle de ses agents, leur donner envie de progresser et d’améliorer leur niveau de compétences et leur comportement, pour
répondre à des besoins sociaux d’estime, d’appartenance et de réalisation.